Octavio PAZ

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Plus sérieusement que le poème sur la turlute précédent, laquelle turlute comme chacun sait est une forme d’expression musicale folklorique qui consiste à chanter des onomatopées sur des airs traditionnels de violon.
Voici, donc un extrait du très beau et long poème d’Octavio PAZ(1) : « Pierre de Soleil »
Octavio PAZ

[…]tout se transfigure et devient sacré,
c’est le centre du monde en chaque chambre,
c’est la première nuit, le premier jour,
le monde naît quand deux s’embrassent,
goutte de lumière née des entrailles transparentes
la chambre comme un fruit s’entrouvre
ou explose comme un astre taciturne
et les lois rongées par les rats,
les grilles des banques et des prisons,
les grilles de papier, les fils de fer barbelés,
les timbres et les épines et les piquants,
le sermon monocorde des armes,
le scorpion mielleux avec un bonnet,
le tigre avec un haut de forme, président
du Club Végétarien et de la Croix Rouge,
l’âne pédagogue, le crocodile
devenu rédempteur, père des peuples,
le Chef, le requin, l’architecte
de l’avenir, le porc en uniforme,
le fils béni de l’Eglise
qui lave sa noire dentition
avec de l’eau bénite et prend des cours
d’anglais et de démocratie, les parois
invisibles, les masques pourris
qui divisent l’homme des hommes,
contre l’homme de lui-même,
ils s’abattent
en un instant immense et nous entrapercevons
notre unité perdue, la détresse
d’être des humains, la gloire d’être des humains
et de partager le pain, le soleil, la mort,
l’oubli effrayant d’être des vivants ;[…]

(1)Octavio PAZ (31 mars 1914 – 19 avril 1998) est un poète, essayiste et diplomate mexicain, lauréat du prix Nobel de littérature en 1990.







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