Les manipulations criminelles de l’industrie du sucre

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© Flickr / Gullina G.

Source : Courrier International

L’industrie du sucre a sciemment menti sur le risque cardio-vasculaire

Un article paru lundi 12 septembre dans une revue scientifique américaine montre que dans les années 1960, l’industrie du sucre a sciemment menti sur le risque cardio-vasculaire. Avec des conséquences dramatiques jusqu’à aujourd’hui.

Le scandale est comparable à celui des lobbys des grands cigarettiers coupables d’avoir corrompu des scientifiques pour occulter les risques sanitaires du tabac. « Dans les années 1960, l’industrie sucrière [américaine] a payé des scientifiques pour que ceux-ci minimisent le lien entre la consommation de sucre et les maladies cardio-vasculaires et pour qu’ils incriminent, au lieu de cela, les acides gras animés [notamment présents ans les graisses animales] ». Telle est résumée par le New York Times, l’analyse approfondie de documents historiques, publiée lundi dernier dans la revue scientifique JAMA Internal Medicine.

Ces documents historiques découverts par un chercheur de l’Université de Californie à San Francisco (UCSF) montrent qu’un groupe commercial appelé Sugar Research Foundation (SRF), aujourd’hui connue comme la Sugar Association, « a versé à trois scientifiques de Harvard l’équivalent d’environ 50 000 dollars d’aujourd’hui pour qu’ils publient en 1967 une synthèse de toutes les recherches sur le sucre, les graisses et les maladies cardiaques », détaille le New York Times dans un article qui, depuis sa publication, est le plus du site américain.

Les revues scientifiques complices

À l’époque, la synthèse en question, dont les résultats étaient biaisés, fut publiée dans le prestigieux New England Journal of Medicine (NEJM). « Ces révélations sont importantes parce que les débats sur les risques liés à la consommation de sucre et de graisses saturées sont toujours d’actualité aujourd’hui », estime Stanton Glantz, professeur de médecin de l’UCSF et co-auteur de l’article du JAMA.
Pendant de nombreuses décennies, les Américains ont été encouragés à réduire leur consommation de matières grasses, ce qui a amené les gens à consommer des aliments à faible teneur en graisse mais très sucrés alors que d’après des experts, ce sont justement les aliments sucrés qui sont en jeux dans les problèmes d’obésité ».

Pire que pire … Les édulcorants, aussi néfastes que le sucre


Source Guy Fagherazzi Le Point

La collusion entre les industriels et le monde de la recherche scientifique est une réalité cent fois démontrée. Nous en avons donc une nouvelle fois la preuve en ce qui concerne la problématique des édulcorants. Depuis des décennies, là encore, on nous a affirmé que ceux-ci étaient sans danger, jusqu’à conclure, par un raisonnement spécieux, qu’ils étaient bons pour la santé puisqu’ils nous incitaient à consommer moins de sucre…

Des études épidémiologiques récentes et indépendantes montrent que les sodas light et les sucrettes augmentent notamment les risques de diabète.

On les consomme en buvant des sodas dits « light » ou en sucrette avec le café. Les édulcorants comme l’aspartame, le plus courant, ou le sucralose, le plus récent, sont utilisés depuis plus de trente ans en remplacement du sucre, dans le but de ne pas grossir.

Ils sont cependant controversés, suspectés de favoriser la prise de poids et le diabète de type 2, ou encore d’être cancérigènes.

La quantité d’édulcorants dans notre alimentation a augmenté massivement ces dernières années sous des formes plus ou moins visibles, les industriels les intégrant de façon croissante dans les céréales, les biscuits, les gâteaux, les produits laitiers comme les yaourts aux fruits allégés en sucre, et même dans certains médicaments.

Dans le même temps, une recherche indépendante de l’industrie agroalimentaire s’est développée à l’échelle internationale pour tenter de mesurer leurs effets sur la santé, en particulier leur impact sur les maladies métaboliques. Notre équipe du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations de l’Inserm apporte depuis 2012 sa contribution à travers son programme sur les facteurs de risque de diabète de type 2.

Ses résultats incitent à la plus grande prudence vis-à-vis de la consommation de faux sucre. Dans une étude publiée en février, nous venons en effet de montrer que le risque de diabète augmente avec la consommation de sucrettes. Nous avions montré auparavant que ce risque était également supérieur avec les boissons dites « light », par comparaison avec les sodas classiques.

Près de 100 000 femmes suivies depuis 27 ans

Ces travaux se fondent sur les données issues d’une cohorte de près de 100 000 femmes baptisée E3N, pour Étude épidémiologique auprès des femmes de l’Éducation nationale, l’une des rares de cette taille dans le monde. Cette étude de cohorte prospective suit depuis maintenant 27 ans la santé de femmes adhérentes à la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN). Initiée par l’épidémiologiste Françoise Clavel-Chapelon, cette étude vise à mieux comprendre la santé des femmes et leurs risques de développer des pathologies chroniques comme le cancer ou le diabète de type 2.

Les participantes ont rempli des questionnaires très détaillés sur leur alimentation en 1993, passant en revue chaque repas, y compris les collations et apéritifs précédant les trois repas principaux, et la collation du soir. Les chercheurs disposent ainsi d’informations précises à la fois sur les aliments consommés, mais également sur les apports nutritionnels moyens pour chacune.

Les sodas « light », plus à risque que les sodas classiques

En étudiant ces données, notre équipe a mis pour la première fois en évidence, en 2013, un risque de diabète supérieur avec les boissons dites « light », par comparaison avec les sodas classiques. Sur les 66 118 femmes suivies entre 1993 et 2007, 1 369 ont en effet reçu un diagnostic de diabète de type 2. Notre équipe a modélisé le risque de développer cette maladie en fonction de la consommation de trois types de boissons : sodas classiques, sodas édulcorés et jus de fruits 100 % pur jus. Nous avons pris en compte d’autres facteurs comme l’activité physique, l’indice de masse corporelle et les antécédents familiaux.

D’autres études avaient déjà montré, auparavant, une augmentation du risque de diabète associée à une consommation élevée de boissons sucrées en général. Cette fois, nous avions réussi à les distinguer. À consommation égale, par exemple 1,5 l par semaine, soit l’équivalent d’une grande bouteille, le risque de diabète était 60 % plus élevé avec les boissons « light », comparé aux boissons sucrées classiques. Des résultats d’autant plus marquants que leur consommation, à l’époque, était moins élevée qu’aujourd’hui. Les femmes de l’étude consommaient alors en moyenne chaque semaine 328 ml de boissons sucrées, soit environ une canette, et 568 ml de boissons « light ». Autre enseignement majeur de l’étude : on ne constatait aucune augmentation du risque de diabète avec les jus de fruits 100 % pur jus, des produits sucrés naturellement.

Un risque accru de diabète avec les sucrettes

Récemment, notre équipe s’est intéressée à la consommation d’édulcorants en sucrettes et en sachets chez les femmes de l’étude E3N. Dans l’étude que nous venons de publier, citée plus haut, celles qui en consomment « toujours ou presque » voient augmenter de 83 % leur risque de développer un diabète, par rapport à celles qui n’en consomment « jamais, ou rarement ». Les participantes qui en ont consommé régulièrement pendant plus de 10 ans voient leur risque augmenter de 110 % par rapport à celles qui n’en consomment jamais ou rarement, ce qui suggère un effet cumulatif avec le temps.

Lorsque les analyses prennent en compte l’indice de masse corporelle, l’augmentation du risque persiste, bien qu’étant légèrement inférieure. On peut donc penser que les édulcorants ont bien un effet direct sur le risque de diabète, même si une forte corpulence participe, elle aussi, à l’augmentation du risque.

Les édulcorants augmenteraient la sensation de faim

Comment s’expliquent ces effets d’un point de vue physiologique ?
Leur mécanisme est encore loin d’être élucidé. Une hypothèse serait que les grands consommateurs d’édulcorants auraient une plus forte appétence pour le sucre, doublée d’une surconsommation des aliments en général. Les édulcorants augmenteraient la sensation de faim, ou bien activeraient les récepteurs au goût sucré T1R2/T1R3 situés tout au long du tube digestif. Cela voudrait dire que ces personnes n’obtiendraient pas l’effet généralement recherché, à savoir maintenir leur ligne.
Selon une autre hypothèse, les grands consommateurs d’édulcorants produiraient également moins d’hormones GLP-1 (pour Glucagon-Like Peptide-1), qui favorisent la sécrétion d’insuline par les cellules beta du pancréas, et auraient plus fréquemment des dérégulations du métabolisme du glucose. Enfin, il a été montré plus récemment sur des animaux que de fortes consommations de certains édulcorants entraînent des modifications du microbiote intestinal, ces micro-organismes dont on réalise aujourd’hui l’importance pour la santé. Ces changements provoqueraient une intolérance au glucose et une insulino-résistance, un mécanisme qui entraîne le diabète de type 2.

Les sodas « light » comme les sucrettes continuent à véhiculer l’image de produits peu caloriques donc bons pour la santé. Cela soulève plusieurs questions. Cette perception incite les consommateurs à « se lâcher » plus facilement sur la quantité, puisqu’ils pensent avoir affaire à des produits sains.

Et même en cas de consommation raisonnable, de nombreuses études montrent malgré tout des effets négatifs sur la santé. Il n’est que temps de réfléchir à la manière de faire passer des messages plus justes sur les bénéfices et les risques des édulcorants.