Le rejet progressif du dollar

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Source Observatus geopoliticus

Encore un coup dur pour le billet vert, donc pour l’interventionnisme américain…

Connaissiez-vous Bretton Woods, 1944 ?

Alors que la poussière du débarquement de Normandie venait à peine de retomber et que la guerre contre l’Allemagne était loin d’être terminée, les Etats-Unis réunirent une quarantaine de pays à Bretton Woods pour préparer leur domination future. Contrairement à la Première guerre, leur intervention dans le second conflit mondial n’avait rien de débonnaire. C’était décidé, ils allaient s’intéresser aux affaires du monde. Et pour ce pays pétri d’idéologie messianique, convaincu d’être « la nation indispensable », s’intéresser au monde équivalait à le dominer.

Ce 22 juillet 1944, les délégués signèrent ni plus ni moins la domination universelle du dollar pour les décennies à venir, organisant le système monétaire international autour du billet vert. Parmi les nouveautés, un FMI et une Banque mondiale prêtant tous les deux uniquement en dollars, obligeant ainsi les pays demandeurs à acheter de la monnaie américaine, donc indirectement à financer les Etats-Unis. Le dollar était la pierre angulaire de tout le système, intermédiaire unique et indispensable pour demander un prêt, acheter de l’or et bientôt acheter du pétrole (pétrodollar en 1973). De Gaulle s’élevait déjà contre cette capacité inouïe de l’Amérique à « s’endetter gratuitement », donc à faire financer sa domination sur les autres par les autres. Giscard, qui n’avait pourtant rien d’un marxiste anti-impérialiste, parlait de « privilège exorbitant ». Nixon répondait : « notre monnaie, c’est votre problème ».

On ne peut certes pas résumer les causes de la domination états-unienne de l’après-guerre au seul statut de sa monnaie, mais celui-ci a joué un rôle crucial. C’est ce que Washington est en train de perdre…

Bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis Bretton Woods.

A partir du moment où il a pleinement réalisé que le Grand jeu ne s’arrêterait jamais et que les Etats-Unis n’auront de cesse de vouloir disloquer l’Eurasie et, si possible, la Russie elle-même, Poutine a sonné la grande charge mondiale de la dédollarisation, accompagné dans cette croisade par les tenants de l’ordre multipolaire. Ainsi les différents abandons du dollar se concrétisent : Russie bien sûr, mais aussi Chine, Brésil, Argentine, Afrique du Sud, Canada et Australie dans leurs échanges avec la Chine, Turquie même (!), Egypte… Le mouvement se fait pas à pas et prendra encore du temps, mais il est inéluctable.

Début février, l’Iran avait exigé des euros et non des dollars pour l’achat de son pétrole (si les Américains comptaient amadouer Téhéran avec la levée des sanctions, c’est raté…) C’est maintenant au tour de l’Inde de souhaiter commercer dans leurs monnaies respectives avec la Russie. Un autre clou sur le cercueil de l’hégémonie du billet vert…

Tout cela va prendre du temps.

Dans l’idéal, le DTS du FMI (actif de réserve international, créé en 1969 par le FMI) aurait pu remplacer le dollar dans le commerce international mais les Etats-Unis n’en veulent pas. (et il y a un danger à donner tant de pouvoir à une espèce de banque mondiale ultra centralisée).

Si on regarde les dernières données de Swift (services de messagerie financière) en 2015, 80% des transactions mondiales se sont faites en dollar. Les transactions en yuan ont explosé en Extrême-Orient mais il n’équivalait l’an dernier qu’à 2% des transactions mondiales.

Bref, on n’est pas encore rendu… Mais la volonté est là, elle est affichée avec force par les Russes notamment, et nous ne reviendrons plus en arrière.

L’utilisation du dollar dans les échanges commerciaux planétaires donne aux Etats-Unis le privilège inouï de vivre au-dessus de leurs moyens et de faire financer leurs guerres par le reste du monde.