Qu’y a-t-il derrière le Ruban rose ? Ce qu’il faut savoir avant de le mettre partout.

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Source partielle : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ruban_rose

Histoire du ruban rose

En 1992 aux États-Unis, Alexandra Penney, qui était rédactrice en chef du journal Self un magazine consacré à la santé des femmes, travaillait au deuxième numéro annuel du National Breast Cancer Awareness Month .

Le premier numéro avait eu un grand succès : Evelyn Lauder, vice-présidente chez Estee Lauder et survivante d’un cancer du sein, avait été invitée pour être rédactrice du numéro spécial. Alexandra Penney voulait renouveler ce succès1. Penney eu l’idée de créer un ruban et de demander à l’entreprise Estee Lauder de le distribuer dans les magasins de New York. Evelyn Lauder surenchérit alors en promettant de mettre des rubans sur tous les comptoirs de magasins cosmétiques du pays.

But

À l’origine, le but du ruban rose a été de créer un succès commercial pour le magazine Self et l’entreprise Estée Lauder, tout en soutenant la lutte contre le cancer du sein en mettant l’accent sur son dépistage précoce.

Les objectifs du ruban rose se sont multipliés à mesure que le ruban était repris par d’autres entreprises.

L’association activiste Think Before You Pink dénonce les dérives nombreuses que ce flou a créer. L’entreprise New Balance est dénoncée comme exemple : New Balance a vendu des sneakers avec un ruban rose très discret imprimé sur la chaussure et défendent que l’idée est simplement « la prise de conscience » (aucun argent n’est reversé et aucune information sur le cancer du sein distribuée).
De plus, le dépistage précoce du sein par mammographie est un sujet controversé. En effet, un dépistage systématique peut mener à de nombreux faux positifs. Une fréquence trop élevée de mammographie augmente les risques de cancer.

Un profit commercial pour les marques.

Vers la fin des années 1980, le monde de l’industrie commença à s’intéresser au marketing lié aux grandes causes, sous l’influence de Carol Cone, créatrice de l’entreprise Cone Communications. Ses études sur les consommateurs montraient que, à prix et qualité égale, les consommateurs étaient prêts à changer de magasin ou de marque pour acheter un produit versant de l’argent ou soutenant une bonne cause. En 2013, 89 % des américains interrogés se disent prêts à changer de marque ou de magasin pour acheter un produit similaires qui défendrait une cause.

Carol Cone (de Cone communications) fut ainsi à l’origine la campagne de Reebok sur la défense des droits de l’homme à la fin des années 1980. En 1993, elle aida les cosmétiques Avon à mettre en place un claim sur leurs produits soutenant la cause du cancer du sein1. Avon développa un ruban à accrocher, d’un rose différent de celle de Estée Lauder.

Leur campagne généra 10 millions de dollars les deux premières années. En 1993, environ 15 moyennes et grosses entreprises aux États-Unis avaient adopté la cause du cancer du sein.

En décembre 1996, le New York Times Magazine parla du cancer du sein comme « la charité à la mode cette année (en anglais : this year’s hot charity) ».

En 1998, on estime qu’au moins 100 compagnies font la promotion du ruban rose sur leurs produits aux États-Unis et il est vraisemblable que ce chiffre soit beaucoup plus élevé.
Les détracteurs du ruban rose se sont multipliés, dénonçant le contraste entre les succès commerciaux des entreprises qui adoptent le ruban ou la couleur rose pour certains de leurs produits, et le peu d’argent ou d’information donné en retour pour lutter contre « l’épidémie de cancer du sein ». Tandis que certaines entreprises donnent de larges sommes aux programmes anti-cancer, d’autres profitent de l’avantage marketing qui leur offre le symbole sans que les profits pour la cause du cancer du sein ne soient significatifs.

Critiques : Le « marketing rose » ou pinkwashing

Certaines des critiques du ruban rose parlent de Pinkwashing ou de marketing rose : ce terme est un « mot-valise anglais fait référence au travestissement du «marketing de cause en opportunisme commercial», comme l’explique Slate ». Le pinkwashing est un terme également utilisé par le mouvement LGBT.

Opacité des comptes : argent collecté, argent reversé.

L’une des critiques des entreprises et associations utilisant les rubans roses ou la couleur rose, porte sur l’opacité de leurs comptes.

Aux entreprises, il a été reproché de faire un bénéfice très large en utilisant la cause du cancer du sein, mais de reverser trop peu d’argent comparé au bénéfice ainsi obtenu. La marque Yoplait promettait de reverser 10 centimes sur chaque pot de yaourt vendu ; or pour que les 10 centimes soient reversés, les consommateurs devaient renvoyer l’opercule rose (le laver, le mettre sous enveloppe pour l’envoyer par courrier). Pour atteindre la somme de 36 dollars US, les consommateurs auraient du consommer trois pots par jour pendant 4 mois, ce que les activistes ont dénoncé à plusieurs reprises. Au Canada, la marque Yoplait avait limité les dons à 80 000 dollars (les excédants allaient à l’entreprise !)
American Express s’engagea à verser 0.01 dollar pour chaque transaction indépendamment de la somme engagée ce qui fut également critiqué par la presse.

Ainsi la ligue de football américain NFL (National Football League) n’a reversé que 8 % des revenus issues de ses produits au ruban rose1.

Aux associations, il est reproché leur manque de transparence sur leurs comptes et le fait que les salaires octroyés soient trop élevés, ou encore le fait que l’argent obtenu par une association peut être reversé à une autre association, multipliant les intermédiaires et les dépenses associées au fonctionnement des associations plutôt qu’aux patients ou aux campagnes d’information.

Promotion rose de vente de produits cancérigènes !

L’une des autres critiques du ruban rose est qu’il est parfois apposé sur des produits qui sont eux-même cancérigènes (aliments contenant des substances cancérigènes, produits de beauté contenant des produits cancérigènes, etc). Yoplait a été fortement critiqué pour vendre ses yaourts ruban rose alors qu’ils contenaient des substances cancérigènes impliquées dans le cancer du sein .

Distribution de l’argent à des causes non validées scientifiquement

La distribution de l’argent récolté est souvent critiquée et là encore les critiques sont diverses et nombreuses.

Les bénéfices du ruban rose sont versés en grande partie à la recherche des labos pharmaceutiques sur le prolongement de la vie des patientes, bien qu’à l’origine, le ruban rose ait été arboré pour la prise de conscience et la prévention.

Certains activistes dénoncent les salaires élevés des personnes qui gèrent les associations bénéficiant des revenus du ruban rose et de toutes les activités qui lui sont associées (Souvenez-vous de l’ARC). Ainsi le CEO de Komen s’est octroyé une augmentation de salaire de 65% alors que les donations diminuaient.

Les associations de lutte contre le cancer du sein on mené campagne contre les fondations utilisant la cause rose (en particulier la fondation Komen) en raison de leur position sur la mammographie : des associations de lutte contre le cancer du sein se sont mises à militer pour augmenter la fréquence des mammographies chez les femmes. Ainsi, la fondation Komen s’est associée à l’industrie pharmaceutique et au planning familial et a défendu (en association avec les industriels) la mammographie systématique. Or la pratique d’un dépistage par des mammographies trop fréquentes peut augmenter les risques de cancer du sein. La fondation américaine Komen (association) ou Susan G. Komen for the Cure a collecté un milliard et demi de dollars depuis sa fondation en 1982 aux États-Unis. Cependant, sous le feu de ces nombreuses critiques, les donations pour cette association ont commencé à décliner en 2012.

Un livre et un film : « Pink Ribbons, Inc »

Dans un livre publié en 2006, Samantha King décrit comment le cancer du sein a été transformé d’une maladie grave et une tragédie individuelle en une industrie mue par le marché des rescapés. King s’interroge sur l’efficacité et la légitimité des efforts financés par des entreprises privées pour arrêter l’épidémie parmi les femmes américaines.

Le livre a fait l’objet d’un film documentaire, Pink Ribbon, Inc (film documentaire). Selon la synopsis de ses auteurs, le film « PINK RIBBONS, INC. est un long métrage documentaire qui illustre comment la réalité dévastatrice du cancer du sein, que les experts en marketing considèrent comme une « cause de rêve », est occultée par la brillante histoire à succès du petit ruban rose. »