Source : D’après « proactiveinvestors » Traduction Guillaume Borel pour « les moutons enragés », www.alterinfo.net et RFI
La version diffusée par nos médias
« Alors que l’écroulement du prix du pétrole envoie dans les cordes la Russie qui, déjà en crise à cause des sanctions des États-Unis et de l’Union européenne, voit se restreindre les débouchés de ses exportations énergétiques, les États-Unis sont en train de devenir le plus grand producteur mondial de brut, à la place de l’Arabie saoudite, et seront bientôt non seulement autosuffisants mais en mesure de fournir à l’Union européenne du pétrole et du gaz en abondance et bon marché. »
Telle est la narration diffusée par les médias. Essayons de la récrire sur une base réelle, en partant de l’interrogation : pourquoi le prix du pétrole chute-t-il ? »
La chute est due non seulement à des facteurs économiques, comme le ralentissement de la demande mondiale, mais à des facteurs géopolitiques. Avant tout la décision de l’Arabie Saoudite, plus grand exportateur pétrolier mondial devant la Russie, de maintenir haute la production pour que, l’offre augmentant, diminue le prix du brut. Quel intérêt l’Arabie Saoudite a-t-elle à effectuer cette manœuvre, qui risque de réduire ses propres entrées pétrolifères ? Celui de frapper d’autres pays exportateurs de pétrole, surtout la Russie, l’Iran et le Venezuela … et les Etats Unis
L’incompatibilité des intérêts géopolitiques et intérêts financiers
L’OPEP l’intérêt financier prime sur l’intérêt géopolitique
Les cours du pétrole se sont effondrés à cause d’une surabondance de l’offre de la part des USA et des pays de l’OPEP conjuguée à une faiblesse de la demande.
Pourquoi l’Arabie Saoudite, le pays leader de l’OPEP, a-t-elle ignoré le mois dernier l’appel des producteurs les plus pauvres de l’organisation, incluant le Venezuela et l’Iran, à réduire la production afin de stopper la chute des cours ? Ne serait-il pas dans son intérêt d’essayer de maintenir les cours à leur niveau de juin ? Après tout, en vendant à un prix plus élevé, ils peuvent produire moins et augmenter la durée de vie de leurs réserves tout en gagnant autant d’argent.
On ne peut pas savoir quelles discussions ont eu lieu en coulisse, mais une chose est certaine, la décision de l’OPEP a un impact sur l’économie mondiale. L’OPEP c’est majoritairement l’Arabie Saoudite !
Les prix du pétrole affectent tout, des prix alimentaires à l’électronique, aux vacances de rêve que vous prévoyez de passer en famille.
Alors, pourquoi l’OPEP ne réduit-elle pas sa production ?
Parce que son intérêt est de limiter l’exploitation du pétrole des schistes américain qui risque de leur détourner une clientèle qui peut prendre l’habitude de de ne plus s’approvisionner en Arabie Saoudite.
Comment est-il possible alors que le boom du pétrole de schiste se poursuive ?
La technique d’extraction est très coûteuse : selon l’Agence internationale pour l’énergie, extraire du pétrole des schistes coûte 50 à 100 dollars le baril, par rapport aux 10 dollars le baril du pétrole moyen-oriental. Selon les experts, l’extraction du gaz de schiste est intéressante économiquement si le prix international du pétrole reste au-dessus des 70 dollars le baril. Depuis juin, au contraire, celui-ci est descendu de 40 %, à environ 60 dollars et peut chuter ultérieurement.
Mais aux USA l’État consacre des milliards de dollars d’incitations à ce secteur, dans lequel sont engagées généralement de petites compagnies pétrolières. Il est significatif que les plus grandes compagnies y restent extérieures, y compris parce que les gisements exploités avec la technique de la fracturation s’épuisent bien avant ceux conventionnels. Il faut ensuite considérer que cette technique provoque des dégâts environnementaux très graves, dont le coût retombe sur les collectivités locales. Nombre d’entre elles s’opposent, même si c’est avec de maigres résultats, à l’utilisation de leur territoire pour l’extraction du pétrole et du gaz de schiste.
Le boom pétrolier US est donc poussé par des buts géopolitiques de Washington :
– d’un côté frapper la Russie et d’autres pays,
– de l’autre faire en sorte que les alliés européens remplacent les fournitures énergétiques russes par celles provenant des USA.
En réalité les USA, les plus grands importateurs mondiaux de brut, ne pourraient pas fournir à l’Europe leur pétrole et leur gaz naturel dans les quantités et dans les prix russes. Un véritable bluff du « poker américain » de la guerre.
Mais les Etats-Unis tiendront-ils le coup ?
C’est là que ça devient intéressant, parce que les saoudiens semblent jouer sur deux tableaux à la fois.
Bien qu’ils soient les alliés de Washington pour ce qui concerne la politique régionale, les saoudiens ont été contrariés par la renaissance pétrolière des Etats-Unis qui a conduit à ce que la production américaine dépasse celle de Riyad. Au contraire des saoudiens, les Etats-Unis forent des puits qui reviennent bien plus cher que les méthodes de production conventionnelles. Les rentrées nettes d’argent sur ces puits, après la soustraction des coûts de production et de transport, sont variables.
Mais globalement, les petits producteurs aux Etats-Unis vont hésiter à forer de nouveaux puits aux cours actuels du pétrole. La méthode utilisée pour forer et mettre en production ces puits (fracturation hydraulique, inondation artificielle) conduit également à un déclin beaucoup plus rapide que pour les puits traditionnels.
Les USA doivent forer continuellement de nouveaux puits pour maintenir le niveau de la production existante et compenser le déclin très rapide des champs existants. La majeure partie des réserves d’un puits moyen ont été extraites au bout d’un an et demi. Si les producteurs américains ne maintiennent pas le rythme de forage nous verrons sûrement la production énergétique US diminuer. Nous avons déjà pu observer une réduction du nombre d’appareils de forage à l’échelle nationale.
Les producteurs américains doivent s’endetter.
De plus, les producteurs américains ont massivement recours à l’endettement pour financer leurs forages, comparé à leurs homologues canadiens. Quand les cours étaient supérieurs à 100$ le baril, les capitaux affluaient dans le secteur pétrolier. Maintenant que les cours se sont effondrés, les banques vont commencer à resserrer leurs conditions de crédit, forçant les entreprises à rembourser leurs dettes plutôt qu’à réinvestir dans de nouveaux forages.
Une fois que les cours actuels auront causé suffisamment de dommages pour mettre à mal la production concurrente aux USA, je pense que l’OPEP va graduellement réduire sa production et forcer le monde à payer un prix plus élevé pour le pétrole. Pour les investisseurs qui sont engagés dans l’énergie sur le long terme cela pourra être une opportunité majeure.
En ce qui concerne le pétrole de schiste, Jacques Sapir directeur d’Etudes à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) note que les compagnies américaines qui travaillent dans ce secteur ont souscrit des assurances en cas de la baisse des prix du pétrole. Ces contrats ont été conclus en septembre 2014 pour une période variant entre 6 mois et un an, et ils vont bientôt expirer.
« Dès que les assurances cesseront de couvrir les pertes, la fermeture d’un grand nombre de sociétés va devenir inévitable. La chute de la vente de concessions et la baisse rapide des nouvelles mises en production est un signe très net que l’ensemble de l’huile de schiste est d’ores et déjà entrée dans une crise », conclut Jacques Sapir, en ajoutant que ces problèmes auront des conséquences géopolitiques pour les Etats-Unis.
Quant à la Russie et l’Iran
Les finances publiques de la Russie et de l’Iran sont fortement dépendantes des exportations d’énergie, ainsi que leur taux de change. Les deux pays ont également des intérêts géopolitiques divergents avec l’Arabie Saoudite, qui créent des tensions. L’Arabie Saoudite, sous influence de Washington, est en conflit avec les deux pays sur un certain nombre de sujets, incluant la Syrie et le renversement de Bachar-al-Assad. Bien que les saoudiens souffrent également financièrement, ils savent que les russes et les iraniens ont bien plus à perdre politiquement, à la fois sur la scène internationale et intérieure, d’une chute des cours.
En conclusion
Pour résumer, l’inaction de l’Arabie Saoudite concernant la chute des cours est loin d’être irrationnelle. C’est la chose la plus sensée à faire à court terme.
Combien de temps sera-t-elle disposée à maintenir la production aux niveaux actuels ? C’est ce que tout le monde se demande, mais elle ne changera rien jusqu’à ce qu’elle ait le sentiment que ses intérêts sont sécurisés.
Les saoudiens détiennent environ 750 milliards de dollars de réserves monétaires, ce qui selon Barclays, est suffisant pour couvrir 30 mois d’importations. Cela nous donne un ordre d’idée du scénario le plus pessimiste concernant la disposition des autorités saoudiennes à laisser chuter les cours.
On devrait s’attendre à voir l’OPEP maintenir sa production jusqu’à ce que la production US marque le coup. Pour les saoudiens, un déclin de la production US semblerait suffisant pour être débarrassés de leur concurrence pendant que dans le même temps ils limitent l’influence de l’Iran et de la Russie.
Un autre possibilité envisageable
D’après le commentaire de « engel » un internaute sur « les moutons enragés »
Depuis le début de cette baisse, totalement anticipée et créée par l’Arabie Saoudite, y aurait-il un retournement d’alliance qui se met en place ?
Pour rappel:
– L’Arabie Saoudite se dit furieux du fait que les USA ne soient pas intervenues militairement contre la Syrie.
– L’Arabie Saoudite vit ce énième fait comme une trahison. Vu que l’accord sur la naissance du pétro-dollar stipulait un soutien militaire régional en cas de conflit. Ce soutien s’entendait officieusement comme inconditionnel pour défendre les intérêts saoudiens.
– L’Arabie Saoudite voit pertinemment que les USA perdent pied dans leur propre bourbier moyen-oriental.
– L’Arabie Saoudite sait que le groupe Daesh est un mouvement para-militaire de mercenaires dont le seul but et de mater toutes velléité d’indépendance (Arabie Saoudite comprise) au profit des commanditaires US.
– L’Arabie Saoudite sait que leurs principaux acheteurs de pétrole actuels et futurs sont concentrés dans le nouveau monde oriental, avec comme principal leader la RPC.
– L’Arabie Saoudite voit que sur le marché le pétro-dollar perd énormément de terrain vis à vis d’autres monnaies émergentes.
Et bien d’autres choses comme par exemple :
Source RFI :
Trois gardes-frontières saoudiens, dont un haut gradé, ont été tués lundi dans un attentat suicide de Daech et des affrontements avec quatre «terroristes» qui ont aussi trouvé la mort à la frontière avec l’Irak, selon un nouveau bilan fourni par le ministère de l’Intérieur.
L’attentat et les accrochages ont eu lieu dans la région de Arar où « quatre terroristes ont tenté de franchir la frontière saoudienne par le poste Souif », précise un porte-parole du ministère dans un communiqué, cité par l’agence officielle Spa. Après avoir essuyé des tirs, une patrouille de gardes-frontières a répliqué, « tuant un (assaillant) alors qu’un deuxième a fait détonner sa ceinture d’explosifs ».
En définitive
Il ne serait pas étonnant que certains, pour des raison financières, aient pragmatiquement fait le choix de retourner leurs vestes discrètement!
Mais pas de panique, vu la longue histoire d’harmonie et de paix de nos sauveurs étasuniens ceci ne peut finir que par un somptueux feu d’artifices.
Il ne nous reste plus qu’à souhaiter que ce festival soit de nature économique et assèche tout « le carburant » prévu pour autre chose plus militaire !!!