Source : «Comment tout peut s’effondrer » Pablo Servigne et Raphaël Stevens
Editions du SEUIL – 19€
Un petit extrait de la présentation du livre
Que savons-nous de l’état global de notre terre ?
De l’état de notre civilisation ?
Un effondrement des cours de la bourse est-il comparable à un effondrement de la biodiversité ?
La conjonction et la pérennisation des «crises» peuvent-elles réellement entraîner notre civilisation dans un tourbillon irréversible ?
Jusqu’où tout cela peut-il aller ?
En combien de temps ?
Pourra-t-on maintenir le geste démocratique ?
Est-il possible de vivre un effondrement «civilisé», plus ou moins pacifiquement ?
L’issue sera-t-elle forcément malheureuse ?En voici quelques extraits concernant le nucléaire qui n’est qu’un des problèmes abordés
page 199
…se pose un autre problème majeur, toujours le même: le risque nucléaire.Comment gérer la transmission du savoir
Comment faire en sorte que les générations futures arrivent à «gérer» cette filière énergétique?
Rien qu’aujourd’hui, celle-ci se trouve face à une situation dramatique de renouvellement du savoir.
En France, par exemple, «le président d’EDF a déclaré en 2011 que, jusqu’en 2017, la moitié des agents travaillant dans le nucléaire partiront à la retraite.Comment est-ce qu’on forme la moitié des techniciens d’une flotte de 58 réacteurs nucléaires en 6 ans ? […]
Beaucoup d’ingénieurs nucléaires jeunes diplômés n’entrent pas dans la filière ou la quittent après peu de temps».La perte de la transmission orale.
Plus cocasse, des chercheurs américains se sont rendus compte que la meilleure manière de transmettre des savoirs sur de très longues périodes était la tradition orale, c’est à dire la transmission des mythes par la parole (et non par des écrits ou, pire, par des données électroniques).
Ainsi, les experts nucléaires sont donc allés chercher conseil auprès des «spécialistes» de ces traditions: les rares indigènes américains encore vivants, ceux précisément dont le peuple a été chassé pour l’exploitation de l’Uranium …
Sans le savoir technique déjà accumulé, comment feront les générations futures pour tenter de traiter la toxicité des déchets que notre génération a produits ?Voilà une question cruciale qui ne se pose que dans le meilleur des cas, celui où les quelque 230 réacteurs actuellement en fonctionnement auront pu être arrêtés avec succès.
La pire des catastrophe : l’effondrement financier.
En effet, non seulement les instabilités géopolitiques et le réchauffement climatique menacent gravement le fonctionnement normal des réacteurs (terrorisme, conflits armés, manque d’eau pour le refroidissement, innondations, etc), mais, en cas d’effondrement financier, économique puis politique des régions nucléarisées, qui pourra garantir le maintien en poste des centaines de techniciens et d’ingénieurs chargés de la simple extinction des réacteurs ?
Bien entendu la vie ne s’arrête pas après un accident nucléaire, comme en témoigne le retour de la vie sauvage dans la région autour de la centrale de Tchernobyl et en particulier dans la ville fantôme de Pripiat ou encore à Fukushima.
Mais de quelle vie s’agit-il ?
De celle qui permettra à nos descendants de reconstruire une civilisation ?
Exemple de Fukushima: les habitants de Naraha peuvent revenir !
Avec l’objectif de faire revenir la population dans la région dévastée par l’accident nucléaire de Fukushima, le gouvernement japonais à l’intention de lever début septembre l’ordre d’évacuation de la localité de Naraha, dans la préfecture de Fukushima. Il s’agit d’une première pour une ville contaminée et entièrement évacuée après l’accident nucléaire de mars 2011.
Les autorités nippones estiment que le niveau d’exposition à la radioactivité à Naraha, à 30 km de la centrale de Fukushima Daiichi, est revenu à un niveau inférieur à 20 millisieverts par an. Ce niveau permet en théorie, selon le gouvernement nippon, aux habitants d’y revivre presque normalement, même si la décontamination n’est ni intégrale ni parfaite.
La levée de l’ordre d’évacuation suppose que les 7’400 habitants de l’agglomération pourront regagner leur domicile et y séjourner durablement. Mais les avis divergent sur cette question et les organisations écologistes s’insurgent contre ces conclusions.
De très grands doutes
«Le niveau de contamination est très variable dans cette localité et selon les maisons, ce qui risque de créer des tensions entre les personnes», a souligné Jan Vande Putte de Greenpeace.
Initialement, le gouvernement voulait lever l’ordre d’évacuation mi-août, mais les anciens habitants ont protesté, encore apeurés par les radiations et jugeant que les infrastructures et les commerces de la ville n’étaient pas encore prêts. «Un mois de report ne change pas grand-chose et l’on peut avoir de très grands doutes sur l’état de préparation de la ville», a encore relevé M. Vande Putte.
Jusqu’ici, le retour a été autorisé dans les parties évacuées de Kawauchi et Tamura, également dans la province de Fukushima, mais c’est la première fois que la levée va concerner une cité intégralement vidée de ses habitants.