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  • Une nouvelle de l’écrivain Marc LEVY sur un conflit qui dure …

    Dissemblance

    – Depuis combien de temps sommes-nous là ?
    Aaron posa sa main sur la terre meuble et acheva de tracer un rond parfait.
    – Pourquoi tu ne me réponds pas ?
    Aaron se leva et marcha vers la porte, il en effleura le vernis, haussa les épaules et retourna s’asseoir contre le mur, à même le sol.
    – Fais comme tu voudras, nous sommes là tous les deux comme deux cons, mais si tu préfères te sentir encore plus seul, alors tais-toi.
    – On est entré dans cette pièce ensemble, tu dois savoir aussi bien que moi depuis combien de temps nous croupissons ici, alors pourquoi perds-tu ton temps à me le demander ?
    – Parce que justement, je n’arrive plus à me souvenir.
    – Et bien cherche, ça t’occupera.
    – Qui t’a dit que je m’ennuyais ?
    – Tu n’arrêtes pas de tourner en rond.
    – C’est toi qui viens encore de te lever, pas moi.
    Les deux hommes se regardèrent et Aaron effaça le rond pour entreprendre cette fois de tracer un carré.
    – Quand j’étais enfant, ma mère m’apprenait à compter les nuits d’absences de mon père. Les « dodos » comme elle les appelait, étaient devenu une unité de mesure pour moi. Je croyais que le temps se décomposait non pas en heures mais en dodos. C’est idiot non ?
    – Non, c’est toi qui est idiot…. Répondit Aaron. Tu as peur à ce point là ?
    – Pas toi ?
    – Je ne sais pas.
    – Tu ne sais pas depuis combien de temps nous sommes là, tu ne sais pas si tu as peur, tu sais quelque chose au moins ?
    – Je sais que nous sommes là depuis longtemps mais je n’arrive plus à compter les dodos Aaron.
    – Cela n’a pas grande importance, tu n’es plus un enfant à ce que je sache.
    – Tu le sais toi ?
    – Je me fiche complètement du nombre de tes dodos, j’aimerai mieux savoir combien de temps encore je vais devoir te supporter dans cet espace exigu.
    – Tu serais vraiment mieux tout seul ?
    – Pas si tu te taisais, tu m’empêches de réfléchir.
    – A quoi réfléchis-tu ?
    – A mon père. Moi aussi j’ai une absence ; je n’arrive pas à me souvenir de son visage. Ce matin encore, à mon réveil, ses traits étaient encore présent, mais depuis ta satanée histoire avec ta mère, je pense à lui et je n’arrive plus à me représenter ses yeux, est-ce qu’ils étaient bleus ou marrons ? Merde alors, on ne peut quand même pas oublier la couleur des yeux de son propre père ;
    – Moi si, je me demande si je les ai jamais vu les yeux de mon père.
    – Qu’est ce qu’il faisait dans la vie ?
    – Il était dans la milice.
    – Ce n’est pas un métier ça.
    – Peut-être mais c’est le seul que les hommes de mon village pouvaient trouver pour nous faire bouffer. Et toi, il faisait quoi ton père ?
    – Il était dans l’armée. Un haut gradé.
    – C’est pour ça que tu ne peux pas te souvenir de la couleur de ses yeux… à cause de la visière de sa casquette !
    – Je te préviens, si tu te fous de la gueule de mon père je te casse la tienne.
    – Je ne peux pas me foutre de sa gueule alors que tu ne te souviens même plus de la façon dont elle est faite, je n’ai aucune imagination.
    – Alors tais-toi.
    – Aaron ?
    – Qu’est ce qu’il y a encore ?
    – Pourquoi tu ne m’appelles jamais par mon prénom ?
    – Je n’avais pas remarqué.
    – Chez nous, on raconte que vous ne voulez pas connaître nos prénoms.
    – Quelle idée étrange, pourquoi ?
    – Chez nous, on dit qu’apprendre le prénom de quelqu’un c’est le connaître un peu, et il est plus difficile de tirer sur quelqu’un que l’on connaît un peu, c’est pas idiot comme raisonnement.
    – Alors c’est chez vous que l’on apprend ça, pas chez nous.
    – En tout cas, moi je connais ton prénom, toi tu n’as toujours pas prononcé le mien.
    – Tais-toi Saïd, tu m’épuises avec tes raisonnements idiots, aussi idiots que toi et tous les tiens.
    – Aaron ?
    – Mais qu’est-ce qu’il y a encore.
    – J’aurai voulu que tu connaisses ma grand-mère.
    – Ta mère, tes dodos, ton père, tu m’emmerdes avec ta famille Saïd.
    – Tiens, là, tu as dis mon prénom, tu vois, tu commences à me connaître un peu, c’est bien, ça me fait plaisir.
    – Et bien garde ton plaisir et tes mots et laisse-moi réfléchir en paix.
    – Tu ne veux pas savoir pourquoi j’aurai voulu que tu connaisses ma grand-mère ?
    – Je ne veux pas le savoir mais tu vas me le dire quand même, et si finalement je veux bien l’apprendre, peut-être qu’après tu accepteras enfin de te taire.
    – Et à quoi réfléchis-tu de si important pour avoir besoin d’un tel silence ?
    – A la façon de sortir d’ici !
    – Pourquoi, on n’est pas si mal ici, je veux bien le prendre moi ce repos. J’étais fatigué ces derniers temps tu sais.
    – C’est bien ce que je disais, tu es un parfait idiot Saïd, tu te contentes de ton sort.
    – Tu vois, c’est à cause d’une phrase comme celle-là que j’aurais voulu que tu connaisses ma grand-mère.
    – Je ne vois vraiment pas le rapport avec ta grand-mère.
    – Tu dis que tu luttes pour ton bonheur mais tu es incapable d’apprécier le moindre des moments que la vie t’offre. Cela faisait combien de jours que tu grelottais la nuit, suait le jour à en crever, que ton estomac gargouillait, que tu ne pouvais même plus déglutir tellement tu avais la gorge sèche ? Ici il ne fait ni froid ni chaud, nous n’avons ni soif ni faim, cela fait longtemps que nous n’avons pas été aussi tranquille, et toi tu veux déjà sortir ? C’est toi l’idiot.
    – Et qu’est ce que viens faire ta grand-mère là-dedans ?
    – Elle t’aurait appris la sagesse !
    – Venant de toi ça me fait bien rire, elle n’a pas du trouver le temps de te l’apprendre sa sagesse.
    – Je te préviens Aaron, si tu te moque de ma grand-mère, je te casse la gueule.
    – Laisse ta grand-mère en paix avec mon père là où ils sont, et arrête de gesticuler comme ça.
    – Pourquoi nous haïssons-nous Aaron ?
    – Ca aussi tu l’as oublié ?
    – Je sais pourquoi moi je te hais mais toi ?
    – Parce que tu es mon ennemi Saïd ? C’est ainsi.
    – Je ne t’ai jamais connu avant que nous soyons ennemis, ça cela ne te fait pas réfléchir.
    – Je n’avais pas besoin de te connaître, nous habitons une terre où nos dieux se haïssaient avant nous.
    – Ton Dieu et le mien, c’est le même, il change juste de nom quand il franchit la frontière.
    – De langue aussi, je te ferai remarquer, ça fait déjà une sacrée différence pour un seul homme non ?
    – Ce n’est pas un homme c’est un Dieu. Tu n’as pas répondu à ma question Aaron, c’est juste parce que tu ne connais pas la réponse et tu refuses d’avouer ton ignorance.
    – Vas-y, je t’écoute, toi qui sais tout.
    – Ce n’est pas moi qui savais, c’est ma grand-mère !
    – Et revoilà son aïeule ! Mais qu’est ce que j’ai bien pu faire à mon Dieu pour me retrouver ici avec lui ?
    – Je vais te le dire Aaron, nous nous haïssons à cause de nos différences. Nous ne parlons pas la même langue, nous ne portons pas les mêmes habits, nous ne fréquentions pas les même écoles, nous ne mangeons pas les même plats et nous ne disons pas les mêmes prières ; voilà, ça cela fait une sacrée liste de différence, c’est bien trop pour nous les hommes.
    – Tu n’y es pas du tout, je me fiche de ce que tu manges, de ce que tu dis, des vêtements que tu portes.
    – Alors pourquoi nous haïssons nous ? Ca aussi tu l’as oublié, comme la couleur des yeux de ton propre père ? Dis-le moi si tu t’en souviens, dis-le moi et je te jure sur mon Dieu que je me mettrai à réfléchir avec toi à la façon de te faire sortir d’ici !
    – Parce que tu as l’intention de rester peut-être ?
    – Je ne sais pas, je n’ai pas encore pris ma décision, mais ne t’écarte pas du sujet de notre conversation, c’est vraiment une sale manie que tu as.
    Aaron se leva et se mit à faire les cent pas, soixante dix pour être précis, soit exactement dix tours des quatre murs qui l’entouraient, et plus il réfléchissait à la question de Saïd plus il lui sembla que ses pas s’allongeaient, comme si la pièce s’agrandissait, effet de la fatigue probablement.
    – Et toi tu me dis que tu connais la solution ? dit-il en pointant un doigt vers Saïd.
    – Moi, je te dis que toi tu la connais, seulement, c’est difficile à avouer.
    Aaron fixa Saïd du regard.
    – Et si je te la dis cette raison, qu’est ce qui me prouve que tu m’aideras vraiment à sortir d’ici ?
    – Je ne t’ai pas fait une telle promesse, je me suis engagé à y réfléchir à tes côtés, et si le marché ne te semble pas suffisant, je te promets autre chose, mais c’est une surprise.
    – Quoi comme surprise ?
    Saïd croisa les bras et attendit qu’Aaron s’exécute.
    – Bon, tu veux savoir la vérité, je vais te la dire, mais je te préviens Saïd, si tu le répètes à qui que ce soit je t’arracherai la langue et jurerai que tu es un menteur.
    Saïd se contenta de sourire.
    – Et bien la vérité c’est que nous vous haïssons parce que nous avons peur de vous.
    – Pourquoi ? demanda calmement Saîd.
    – A cause de vos différences ! Parce qu’à force de vivre près de nous, vous déteignez sur nous, et nous devons protéger qui nous sommes, et d’où nous venons, voilà la vérité.
    – Tu sais d’où tu viens toi ?
    – Nous sommes l’une des plus vieilles tribus du monde !
    – Je ne vois pas à quoi ca peut bien servir de tuer ses enfants pour défendre ses origines quand on n’arrive même pas à se souvenir de la couleur des yeux de son propre père. A quoi cela te sert tout ce passé ? A mon tour de te faire un aveu Aaron, nous avons vécu avec la même trouille, votre peur nous a foutu la plus grande trouille de notre vie. On avait tellement mal au ventre de cette peur là qu’un jour on a pris des pierres pour vous les jeter à la gueule, pour vous faire disparaître et la peur avec. Vous nous avez tiré dessus, on a tiré nous aussi, mais on avait moins de balles que vous, ça coute drôlement cher les balles, on avait pas l’argent, alors on a fabriqué des bombes, et vous on les a fait péter à la figure. On les accrochait autour de nos ventres ces bombes qui ne coutent pas cher à fabriquer. C’était logique, du côté du ventre on ne sentait plus rien. L’escalade quoi !
    Aaron se laissa glisser le long du mur et recommença à tracer un trait dans la terre meuble. Sa main dessinait un triangle cette fois.
    – Tu ne dis rien ? Enchaîna Saïd.
    – Il n’y a pas grand-chose à ajouter. C’est l’escalade comme tu disais. Tu sais Saïd, il y a quelque chose que je n’ai jamais dit, une question que je n’ai jamais osé poser à personne.
    – Quelle question ?
    – Ca ne sert à rien, je ne vois pas comment toi tu pourrais avoir la réponse, personne ne la connait ici bas.
    – Aaron, ton père avait les yeux bleus !
    – Et comment tu sais ça toi qui ne la jamais connu ? demanda Aaron en s’emportant.
    – Parce que toi aussi tu as les yeux bleu, et sans aucun doute le regard de ton père, répondit Saïd.
    Aaron baissa lentement la tête et murmura :
    – Je crois qu’on nous a menti Saïd.
    – Qui nous a menti ?
    – Les hommes de Dieu.
    – Tu dis vraiment n’importe quoi, les hommes de Dieu ne mentent pas, ils sont là pour porter la vérité aux hommes.
    – Alors puisque tu es si sur de toi, dis-moi qui a crée l’homme ?
    – Dieu, évidemment ! répondit aussitôt Saïd en levant les yeux au ciel.
    – Et tu es d’accord aussi que Dieu a crée tous les hommes ?
    – Les hommes, les animaux, la mer, la terre et tout ce qui est en vie dessus, même les rochers, où veux-tu en venir avec tes questions aussi idiotes que toi ?
    – Si tu m’accordes que Dieu à crée tous les hommes, c’est donc bien lui qui a décidé qu’ils ne seraient pas tous de la même couleur, c’est même lui qui les a inventées ces couleurs, c’est aussi lui qui a décidé que nous ne parlerions pas tous la même langue, que nous inventerions des choses différentes, que nous ne nous habillerions pas tous de la même façon, que nous ne mangerions pas tous la même chose…
    – Pardonne-moi Aaron mais je ne vois toujours pas à quoi ça sert tout ce que tu es en train de dire.
    – Et bien réfléchis, tout ce que je viens de dire porte un nom Saïd.
    – Quel nom ?
    – La différence Saïd, la différence.
    – Tu veux dire que c’est Dieu qui a inventé la différence.
    – Oui, c’est exactement ce que je viens de dire. Si Dieu a inventé le monde il a aussi inventé la différence. Dieu n’est pas stupide, il ne peut pas demander aux hommes de détruire sen son nom ce qu’il a lui même crée !
    – N’empêche, tu m’accorderas qu’il s’est un peu compliqué la vie et la nôtre aussi, pourquoi a-t-il fait ça ? SI nous avions tous été identiques, tout serait plus facile.
    – Tout serait plus facile mais d’un ennui à vouloir mourir aussitôt né.
    – Tu ne crois pas que tu exagères un peu tout de même ?
    – Parce que tu vas me dire que depuis que nous sommes dans cette pièce aux murs uniformes et sans couleur, habillés dans la même tenue, nous ne nous ennuyons pas ? Tu vas me faire croire qu’en dépit d’un confort plus que relatif tu n’as pas rêvé de sortir d’ici. De retrouver tous les reliefs de ta vie, que soif ou pas, chaud ou froid, tu donnerais tout pour aller courir sur nos collines, revoir les rues de nos villes qui changent de couleur au fil de la journée ?
    – Je ne dis pas le contraire, mais en tout cas, je ne m’ennuie plus depuis que nous parlons.
    – Et de quoi parlons-nous depuis tout à l’heure Saïd, de quoi parlons nous qui éveille ton attention au point de te faire oublier la monotonie de ce lieu ?
    – De nos différences, avoua Saïd d’un souffle court qui témoignait de sa stupéfaction.
    Aaron et Saïd restèrent là à se regarder l’un l’autre, chacun réfléchissait. Aaron traçait un rectangle sur le sol, Saïd une ligne droite.
    – Tu crois que si nous révélions une telle chose à nos proches on réussirait à arrêter la guerre ? demanda Aaron.
    – J’en doute, mais ça vaut peut-être la peine d’y réfléchir.
    – C’est tout réfléchis, il faut aller leur dire que tous les hommes qui envoient leurs enfants s’entretuer, tous ceux qui disent que mourir au nom d’un Dieu ouvrira les portes d’un paradis promis, sont des menteurs. Ce sont eux qui trahissent le Dieu qu’ils servent, eux même qui dévoient leu foi en se servant des religions dont ils se servent pour nous manipuler.
    Nous avons trouvé la preuve irréfutable que Dieu n’a jamais voulut une telle chose.
    – Personne ne t’écoutera.
    – Si nous les laissons faire c’est nous qui deviendrons coupable le jour du jugement, nous la connaissons la vérité toi et moi. C’est Dieu qui a voulu la différence. Saïd, il faut aller leur dire, c’est une découverte aussi importante qu’un vaccin, plus peut-être.
    – Tu exagère encore Aaron !
    – Ah oui ? Dis-moi quel antidote pourrait sauver autant de vie que notre découverte. Nous aurons peut-être même un prix Nobel. Ne reste pas là immobile comme ça, mais lève-toi bon sang !
    Saïd ne bougeait pas, l’air grave, il regardait la porte.
    – Il doit bien y avoir un moyen de sortir d’ici, repris Aaron en regardant à son tour la porte.
    – Elle est ouverte, murmura Saïd. Et devant l’étonnement d’Aaron, il ajouta. Tout à l’heure quand je me suis levé, j’ai posé ma main dessus, tu te souviens de cela ? Et bien j’ai vu qu’elle était ouverte.
    – Et tu ne m’as rien dit salopard ?
    – Je t’avais dit que je n’avais pas encore pris ma décision de partir ou pas d’ici. En revanche, je t’avais promis de te t’aider à sortir et je viens de tenir ma promesse. Et je ne regrette rien ; si je te l’avais dit tout à l’heure, tu serais parti aussitôt et nous n’aurions pas eu cette conversation. Je n’aurais pas pu te connaître et tu n’aurais eu aucune chance d’avoir ton prix Nobel. Alors remercie-moi au lieu de t’énerver inutilement La porte est ouverte, tu peux partir maintenant si tu veux.
    – Tu dois venir avec moi, seul je n’y arriverai pas, pendant que je parlerai aux miens tu devras faire la même chose avec les tiens. Lève-toi Saïd.
    – Tu peux sortir si tu le souhaites, mais je doute que tu puisses aller dire quoi que ce soit à qui que ce soit..
    – Et pourquoi ?
    – Parce que moi, je n’ai pas perdu la mémoire comme toi, enfin, pour être honnête, elle m’est revenue pendant que tu rêvais à ton prix Nobel. Je sais la raison pour laquelle nous sommes ici Aaron.
    – Et cette raison pour la quelle nous sommes ici tous les deux nous interdit d’aller parler à nos frères ?
    – D’une certaine façon oui.
    – Alors dis-moi pourquoi, toi qui sait tout !
    – Parce que nous sommes morts Aaron ! Nous nous sommes tués l’un l’autre. Je suis incapable de te dire à quand cela remonte, j’ai perdu un peu la notion du temps depuis que nous sommes ici. Mais je me souviens très bien de la façon dont ça s’est passé. Je suis entré dans un de vos supermarchés, avec une de ces bombes qui ne coutent pas cher à fabriquer attachée à la ceinture. Oh, j’avais bien plus peur que je n’ai voulu te l’avouer tout à l’heure ; toi, tu gardais l’entrée dans ton bel uniforme de soldat, tu as vu la peur qui coulait sur mon front, tu as compris, tu as pris ton fusil et tu m’as tiré dessus. Tu te souviens maintenant ?
    – Et comment je suis mort moi ?
    – Tu avais visé au ventre imbécile !

    Aaron et Saïd restèrent là à se regarder l’un l’autre, chacun cette fois muré dans son silence. Et puis soudain, Aaron se mit à rire, quelques hoquets d’abord et puis un rire plus franc qui envahit la pièce, et l’écho de ce rire là gagna Saïd. S’ils avaient été encore en vie, l’air leur aurait manqué tant ils riaient tous deux, se tenant le ventre ; et pour la première fois depuis leur enfance, sans ressentir aucune douleur, aucun bien être non plus.
    – Tu te rends compte, dit Aaron, en se redressant. Si nous avions pu leur dire ce que nous savons maintenant.
    – Tu te rends compte, répondit Saïd, si nous l’avions découvert avant…. Allez, viens, je vois la lumière qui diminue, je pense que nous devons partir d’ici.
    Les deux hommes se levèrent et se dirigèrent vers la porte, le battant s’ouvrit sous la main d’Aaron. Ils firent quelques pas dans un long corridor, Saïd regarda Aaron.
    – Je crois que nous sommes séparés par une vitre !
    Aaron avança la main de côté et constata que Saïd avait dit vrai.
    – Cela veut peut-être dire que nous n’allons pas au même endroit Saïd.
    – Je suis heureux Aaron, maintenant tu dis mon prénom à chaque fois que tu me parles.
    – J’ai peur Saïd !
    – Toi le soldat, tu as peur ? Pourtant tu n’avais pas peur de mourir, tu l’as gueulé assez fort sur les champs de bataille.
    – Bien sur que si j’avais la trouille, mais à croire en Dieu, je croyais aussi à une vie après la vie.
    – Et bien on dirait que tu n’es pas trompé puisque nous nous parlons.
    -Ce que je voulais dire c’est que je croyais à une vie meilleure à celle que nous avons eu sur la terre, et là si je me suis trompé, ce sera pour l’éternité !
    – Qu’est ce que tu en sais de l’éternité Aaron ?
    – Rien, mais j’ai peur quand même.
    – Alors Aaron, n’ai plus peur, je crois que je viens d’apercevoir ma grand-mère au bout de mon couloir, ton père ne dois pas être très loin. Fais bonne route Aaron.
    – Toi aussi Saïd, fais bonne route.

    Aaron fit un geste de la main que Saïd lui retourna. Quelques pas plus tard, il se dit qu’il réciterait son prénom au moins une fois chaque jour, pour ne jamais l’oublier, où peut-être mieux encore, chaque soir avant d’aller se coucher, avant chaque « dodo », et Aaron sourit à cette seule pensée.

    Et puis, il ressentit une sorte de vide au fond de sa poitrine, presque comme un manque, il se dit alors qu’un prénom ne suffirait pas, il aurait bien aimé le connaître avant Saïd, peut-être que c’était important de le lui dire cela avant qu’ils ne se séparent à jamais. Il se retourna, mais Saïd avait déjà disparu. Aaron haussa les épaules, et son regret s’effaça quelques pas plus tard : après tout c’était idiot, avant, il n’aurait jamais eu le courage de faire un tel aveu, son père ne l’aurait jamais pardonné.


  • L’Archipel d’une autre vie – Andreï Makine

    Voici un roman d’aventure et de passion, une histoire rude et puissante, une marche forcée dans la taïga mâtinée de forts accents politiques.

    Aux confins de la Sibérie extrême orientale, nous faisons connaissance avec un étrange « homme à capuche », un certain Pavel Gartsev.

    En 1952, ce vétéran de la guerre, alors âgé de 27 ans, ayant connu une désillusion amoureuse se trouve enrôlé par le comité militaire pour un stage des plus curieux.
    Les autorités Russes anticipent la 3° guerre mondiale..

    Ils ont choisi ce lieu, pas loin du Pacifique pour effectuer une simulation, soumettant ces jeunes gens aux séances de tir obligatoires, à des marches forcées dans de lourdes combinaisons.
    Pavel exécute une mission étrange en compagnie des camarades : Ratinsky, Boutov, Vassine, Louskass et le chien Almaz.

    Cette patrouille doit mettre la main au plus vite sur un évadé, agent occidental?, ancien soldat nazi? Echappé d’un camp de prisonniers armé d’un fusil ……

    Cette traque prendra un tour tout à fait inattendu mais ….n’en disons pas plus….

    L’auteur a l’art d’installer la situation, le talent de brouiller les pistes, de plonger le lecteur dans ce décor hostile, oú brusquement des surprises peuvent survenir …

    Une chasse à l’image d’une bête traquée , poursuivie sans relâche , haletante……

    Au total, un superbe récit de voyage oú les sentiments dominent la prédation, une histoire d’amour touchante et inattendue, un bel hommage à la taïga : nature brutale, froide, puissante, prenante.
    Une exploration des émois et des tréfonds de l’âme humaine aux confins de l’Union Soviétique dans les années 50, à un moment où le  » communisme vieillissant  » connaît un certain déclin……..

    Andreï Makine, car c’est bien lui le jeune garçon qui recueille le témoignage de Gartsev, nous envoie un message : arrêtez la violence, les armes, les fanatismes, les pollutions, regardé notre terre, il y a une autre façon de vivre.

    L’écriture de Makine est magnifique, le style est vivace. L’auteur nous transmet son amour pour sa Sibérie et son inquiétude pour notre monde. L’histoire vous tient jusqu’à la dernière page. Un roman qu’on dévore.


  • Dans les bois éternels – Fred Vargas

    Le ton est donné dès les premières pages.

    Un vieux un peu à l’ouest qui passe sa retraite à guetter ses voisins. Une histoire abracadabrante de maison hantée par une religieuse meurtrière assassinée au XVIIIe siècle.
    Un flic de la criminelle attentif aux ombres qui planent et menacent. Et, en filigrane, le portrait d’un monde légèrement décalé, ni vraiment d’hier ni tout à fait d’aujourd’hui, entre naturalisme et fantaisie.

    Souriez, vous êtes dans un roman de Fred Vargas, le dixième et peut-être le plus réussi. De quoi s’agit-il au juste ? D’une enquête sur le meurtre d’un « grand Black et d’un gros Blanc » égorgés à La Chapelle, l’un dans l’impasse du Gué, l’autre dans celle du Curé, qui va peu à peu conduire le commissaire Adamsberg, favori de l’auteur, à profaner les cimetières sur les traces d’une ténébreuse infirmière, à découvrir la Normandie en compagnie de chasseurs de cerfs, à revenir malgré lui sur son enfance béarnaise, à s’intéresser aux reliques des saints, à s’initier aux mystères de l’os pénien des animaux carnivores, mais si, mais si…

    Laissez-vous conduire. Chaque page est un régal, un trésor d’humour et d’invention – ce flic élevé par une grand-mère qui vouait une passion exclusive à Racine et qui s’exprime en vers de douze pieds, il fallait oser !

    Chaque chapitre révèle un goût contagieux pour les tricoteurs de rêves et les allumeurs d’étoiles, une gourmandise pour les mots de traverse et les regards en coin, les détails improbables et les raisonnements extravagants. Au total, c’est une philosophie que développe Fred Vargas, une lucidité sans faille et une curiosité irréductible pour la vie, une manière toujours de montrer la lumière, même au fond du trou. Les pieds sur terre et la tête dans les nuages.

    Un roman de Fred Vargas, c’est tout un poème. Michel Abescat de Télérama

    Fred Vargas, nom de plume de Frédérique Audoin-Rouzeau, née le 7 juin 1957 à Paris, est une écrivaine et une archéozoologue médiéviste française. Elle est connue pour ses romans policiers qui mettent en scène, pour la plupart, le commissaire Adamsberg. Ses livres ont eu beaucoup de succès et ont été adaptés au cinéma et à la télévision.


  • Histoire du plus grand génocide mondial

    C’est l’un des plus grands génocides de l’histoire, plus grand encore que celui qui nous est continuellement ressassé, car l’on parle ici de 80 millions à 100 millions de personnes! Et pourtant, celui-ci continue tranquillement. Les amérindiens sont « protégés », principalement en tant que source de revenus, avec la visite des zoos réserves, grâce au cinéma, à la culture, mais sinon… Leur principal droit est celui-ci de conserver le silence, aux États-Unis, le « blanc » reste maitre!

    Le livre d’histoire étasunienne le plus important que vous lirez de votre vie (Counter Currents)

    Dr. Robin D.G. Kelley, à propos de l’ouvrage de Roxanne Dunbar-Ortiz : « C’est peut-être le plus important livre d’histoire étasunienne que vous lirez dans votre vie. »

    Selon Harper’s Magazine (avril 2017), il y a au moins vingt-huit universités étasuniennes qui ont des programmes d’études sur l’esclavage aux Etats-Unis. Mais, en revanche et cela me paraît très instructif, aucun établissement d’enseignement supérieur aux États-Unis ne s’intéresse, sous quelque forme que ce soit, au fait que les peuples autochtones – hommes, femmes et enfants de tous âges – aient été éliminés (avec un objectif génocidaire) pour leur voler les terres sur lesquelles les institutions prestigieuses qui existent maintenant ont été construites.

    Il est facile de créer un programme, mais il est pratiquement interdit de mentionner l’éventualité de rendre des terres sur lesquelles les Amérindiens ont un droit légal. Il y a quelques campus où l’on discute formellement des réparations à consentir aux Afro-Américains, mais vous aurez du mal à trouver quelqu’un – même dans les cafés des campus – qui plaide pour la restitution aux Amérindiens de ce qui leur a été volé par les ancêtres de ces présidents d’université grassement rémunérés.

    Les Étasuniens de souche sont tout en bas de l’échelle sociale. C’est-à-dire qu’ils sont les moins susceptibles d’être pris en considération dans l’ordre des priorités quand il s’agit de nos problèmes collectifs. En fait, des entreprises comme Peabody Energy (et beaucoup d’autres) – si elles pensaient pouvoir s’en tirer sans dommage –distribueraient des vêtements infestés de germes de maladies mortelles dans les réserves (dans l’intention de parachever la mission génocidaire de nos Pères fondateurs). Beaucoup d’intérêts financiers puissants sont fort contrariés par les protestations des Indiens contre la destruction environnementale de leurs terres sacrées.

    Le grand public, tourne la tête et regarde ailleurs

    Et le grand public, y compris les lecteurs de médias alternatifs, regarde ailleurs quand les entreprises se comportent de manière criminelle. Regarder ailleurs, comporte souvent aussi la publication d’articles pro-indiens et la tenue de conférences sur des questions liées aux Indiens. En effet, se joindre au concert des récriminations politiquement correctes (sans aucune intention de faire quoi que ce soit de plus à propos de quoi que ce soit) équivaut à se rendre à un carrefour abandonné pour crier dans le désert qu’il est injuste de ne pas accorder de pardon à Leonard Peltier*. Est-ce que cela ne s’appelle pas regarder ailleurs quand c’est là tout ce qu’on fait pour libérer Leonard Peltier ?
    Marcher en cercles avec des pancartes et participer à des veillées aux chandelles n’a pas plus d’impact si ce n’est de procurer aux participants un sentiment d’auto-satisfaction et / ou le plaisir de la socialisation. C’est ce que j’appelle du militantisme pour le moins équivoque. Et en tout cas… sans consistance.

    Mais au niveau global, ce et ceux que je critique ici sont de peu d’importance. Au plan macroscopique, nous devons tout d’abord reconnaître que les États-Unis sont pourris jusqu’à l’os quand il s’agit des Indiens (et de désigner des « indésirables »). Et cela n’est pas le cas lorsqu’un établissement d’enseignement met en place un programme (similaire aux programmes pour les Afro-Américains cités ci-dessus), mais qu’elle ne modifie en rien ses politiques d’aide financière ou d’admission en signe de réparation. Une seule des vingt-huit universités mentionnées ci-dessus l’a fait.

    Les instructions du « Grrrand » Général George Washington

    En réponse aux Haudenosaunee (les six Nations iroquoises) qui hésitaient entre soutenir les Anglais ou les séparatistes au milieu des années 1770, le Général George Washington a envoyé des instructions écrites au Général de division John Sullivan pour qu’il prenne des mesures contre elles. Voilà ses ordres :

    « … détruire tous les campements de la région … que le pays ne soit pas simplement occupé mais détruit … vous refuserez absolument d’écouter toute les demandes de paix avant d’avoir mené à bien la destruction totale de leurs campements … Notre sécurité future réside dans leur incapacité à nous nuire … et dans la terreur que leur inspirera la sévérité du châtiment qu’ils recevront. »

    Cela vous rappelle quelque chose ?

    Les ordres de Washington sont clairement l’écho de ce que les États-Unis font dans le monde entier depuis leur création. Et ce que les Ecossais-Irlandais – employés par Washington pendant la Révolution – avaient fait à la demande de ses précurseurs contre d’autres âmes de seconde classe en Europe … avant de migrer vers le prétendu Nouveau Monde (qui n’était pas nouveau du tout, sauf pour les Blancs voleurs et génocidaires).

    Rien de tout cela n’est réellement enseigné dans nos écoles. Mais je soutiens que si un professeur lisait seulement les 77 premières pages de L’Histoire des peuples indigènes des États-Unis de Roxanne Dunbar-Ortiz, cela l’inciterait à proposer un programme pour l’enseigner. Cela permettrait de voir que pratiquement tous les problèmes actuels – de la violence l’intérieur du pays due aux armes jusqu’aux des abominations que nous perpétrons à l’étranger (et plus) – ont leurs racines solidement ancrées dans le traitement des Amérindiens par les Européens de leurs premiers contacts à nos jours.
    Mais, bien sûr, cela pourrait détourner un enseignant ou un militant de participer aux veillées aux chandelles… Ou de marcher en cercle.

    Richard Martin Oxman

    Richard Martin Oxman est enseignant et militant depuis plus de 50 ans. Il serait heureux de donner des conférences gratuites dans tous les établissements éducatifs qui le souhaitent. On peut le joindre à invisibleparadecall@gmail.com.

    Traduction : Aliocha Kazoff

    Source Originale : http://www.countercurrents.org/2017/03/23/the-most-important-u-s-history-book-you-will-read-in-your-lifetime/

    Source: http://arretsurinfo.ch/le-livre-dhistoire-americaine-le-plus-important-de-votre-vie/
    (*) Leonard Peltier est un militant amérindien anishinaabe/lakota, né le 12 septembre 1944, incarcéré depuis 1976 et condamné à deux peines à perpétuité. Il est membre de l’American Indian Movement. Wikipédia

    C’est sur ce génocide que s’est construit la nation étatsunienne


  • N’oublier jamais – Michel BUSSI

    Jamal Salaoui arrive à Yport en février 2014. Il loge dans un petit hôtel sympathique « la sirène » tenu par André. Il est venu en vacances ici pour s’entraîner à courir sur les falaises d’Etretat.

    Ce jeune homme, dont l’enfance a été difficile est éducateur dans un établissement pour jeunes gens en difficulté.
    Il est handicapé et malgré une prothèse de jambe, il est déterminé à s’entraîner à la course car il s’est lancé un défi : être le premier handicapé à participer à l’ultra-trail du Mont-Blanc.

    Alors qu’il est en train de courir, il aperçoit une écharpe rouge de marque Burberry (détail qui a son importance) accrochée aux branches et une jeune fille apeurée, la robe déchirée qui vient de se faire violer.

    En tentant de l’aider, il lui lance l’écharpe mais la jeune fille saute dans le vide devant ses yeux.
    Il descend en courant, et lorsqu’il arrive près du corps, il y a deux personnes, un homme et une femme âgée avec son chien. La jeune femme est morte, avec l’écharpe nouée autour du cou. Il appelle la police. Tout semble clair et les trois personnes seront convoquées comme témoin lors de l’enquête.

    Cependant, c’est loin d’être aussi simple, car selon les résultats de l’enquête, la jeune femme serait morte par strangulation avec l’écharpe après avoir été violée comme on s’y attendait. Donc, Jamal va passer du statut de témoin à celui de possible meurtrier.

    Il va donc être obligé de mener sa propre enquête car on apprend que dix ans plus tôt, dans la même région deux filles ont été violées et étranglées avec une écharpe rouge de marque Burberry aussi.
    Jamal rencontre en sortant de sa déposition, une jeune femme qui recherche des galets dans la région pour un laboratoire. Ils deviennent proches et elle semble croire les propos de Jamal quand tout s’emballe…..

    Un thriller passionnant, où se laisse embarquer malgré soi. Jamal est un jeune homme intéressant, qui cherche à dépasser son handicap et s’est fixé des directions dans la vie. L’épisode où il raconte qu’un jour alors que sa mère a été convoqué parce qu’il avait commis un petit délit, et qu’elle est allé lui acheté une croix de shérif en plastique pour qu’il suive de droit chemin est savoureux. Ses cinq directions évoquent les branches de l’étoile.
    C’est lui qui est le narrateur dans le livre, ce qui donne ainsi l’impression que tout va bien se terminer pour lui. Mais, les autres témoins ne donnent pas la même version que lui, donc il devient suspect. On sent les évènements s’emballer, la machination ou du moins le piège se mettre en place.

    Jamal, personnage très attachant, tout comme Mona, aime bien plaisanter, modifier la réalité donc on ne sait pas s’il nous raconte des histoires ou s’il est vraiment victime de harcèlement.

    « A force que le hasard retombe toujours du même côté, jamais du mien, j’en suis venu à imaginer la vie comme une sorte de gigantesque conspiration, uniquement composée de membres ayant prêté serment de se liguer contre moi. P 25 »

    On a l’impression de flirter avec la folie tout au long de ce livre, tant la situation est parfois ubuesque, et ce d’autant plus que l’auteur nous interpelle tout au long du livre, nous prend à témoin souvent, on finit par avoir l’impression de faire partie de l’histoire.

    On passe de rebondissements en rebondissements sans arrêt, l’auteur ne nous laisse pas une minute de répit. Et quand on croit que l’énigme est enfin résolue, il y a un nouvel élément qui pointe son nez.
    La fin est géniale, car on ne la voit pas venir, alors qu’on aurait pu, si on avait été attentif à des tous petits détails, à des rapports de police insérés tout au long du roman.


  • Paul Valéry Ecrivain et poète français 1871 – 1945

    Citations à méditer

    « La politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. »

    « La guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas. »

    « La mode étant l’imitation de qui veut se distinguer par celui qui ne veut pas être distingué, il en résulte qu’elle change automatiquement. Mais le marchand règle cette pendule. »

    « Toute politique se fonde sur l’indifférence de la plupart des intéressés, sans laquelle il n’y a point de politique possible. »

    « L’homme moderne est l’esclave de la modernité : il n’est point de progrès qui ne tourne pas à sa plus complète servitude. »

    « La faiblesse de la force est de ne croire qu’à la force. »

    « Le mensonge et la crédulité s’accouplent et engendrent l’Opinion. »

    « Il y a de grandes perturbations dans le monde, qui sont dues à la coexistence de « vérités », d’idéaux, de valeur comparable, et difficiles à distinguer. »

    « Les débats les plus violents ont toujours eu lieu entre des doctrines ou des dogmes très peu différents. »

    « Lutte plus aigre et plus aiguë entre orthodoxes et hérétiques qu’entre l’orthodoxe et le païen. »

    « Le degré de précision d’une dispute en accroît la violence et l’acharnement. On se bat plus furieusement pour une lointaine décimale. »


  • Samarcande – Amin Maalouf

    samarcande

    Le hasard a mis entre mes mains le livre SAMARCANE de Amin Maalouf. Quel magnifique roman ! Ecrit en 1988, ce n’est pas une nouveauté, mais c’est un livre à lire et relire, surtout près de 30 ans après sa parution tellement il éclaire le Moyen Orient d’aujourd’hui avec ces luttes, ses contradictions et parfois son obscurantisme.

    Samarcande est une biographie romancée d’Omar El Khayyam, grand philosophe perse du XIème siècle, très célèbre pour les quatrains qu’il a écrit tout au long de sa vie.

    « Quel homme n’a jamais transgressé Ta Loi, dis ?
    Une vie sans péché, quel goût a-t-elle, dis ?
    Si Tu punis le mal que j’ai fait par le mal.
    Quelle est la différence entre Toi et moi, dis ? »

    Ses quatrains sont restés secrets pendant près de 9 siècles, et entre temps plusieurs poètes ont écrit des quatrains blasphématoires et qui de peur d’être jugés, les ont associés à ceux de Khayyam, ce qui fait qu’aujourd’hui nous ne sommes pas sûrs que tous les quatrains que l’on retrouve dans le recueil de Khayyam soient réellement écrits par lui…

    Ce roman est une réelle encyclopédie sur l’Histoire de la Perse au XIème siècle et au début du XXème.

    Le roman est divisé en deux parties.

    D’abord la vie romancée et supputée (car en fait peu de traces historiques) d’Omar Khayyâm, mathématicien, astronome, philosophe, et poète perse au onzième-douzième siècles ; ses rencontres supposées avec Abou-Ali Hassan (dit Nizam al-Mulk) grand vizir de Perse et avec Hassan Sabbah, mystique fondateur de la secte des haschischins. (assassins)

    Puis la quête du manuscrit de Khayyâm, par Benjamin Lesage, jeune rentier américain francophone et féru d’orientalisme, au tout début du vingtième siècle ; Benjamin rencontrera tous ceux et toutes celles qui ont fait l’Histoire de l’Iran en ce début de siècle, plus quelques personnages annexes créés par l’auteur pour servir son récit.

    Le Samarcande de Maalouf, c’est finalement un peu de tout cela, une plongée dans un décor de Mille et une nuits où s’affrontent les passions sensuelles et la rigueur religieuse. L’immersion commence au onzième siècle par l’arrivée à Samarcande du fameux Omar Khayyam, astrologue et poète du vin, jouisseur philosophe et génie perse de cet âge. Dès le début, son esprit s’opposera au fanatisme religieux de la secte ismaélienne qui veut débarrasser la Perse de la domination turque et imposer la mouvance chiite de l’islam à la population.

    A travers la quête du manuscrit perdu de Khayyam, Maalouf nous parle du début du XX° siècle comme il l’a fait du onzième siècle, avec amour et érudition, ne cachant rien de la mainmise des Russes et des Anglais sur ce pays déchiré. On retrouve les mêmes thèmes que dans la première partie, l’amour, le pouvoir, l’obscurantisme religieux et surtout, l’esprit et la littérature qui prévaut sur tout, qui est la cause et le but de chaque chose, à commencer par ce roman dont le véritable héros est un livre perdu à jamais au fond d’un océan.

    Je vous conseille vivement de lire ou relire Samarcane


  • Poème Afghan du XVème siècle

    Poème extrait de « Le Roi, le Sage et le Bouffon » de Shafique Keshavjee

    le-roi-le-sage-et-le-bouffon

    « La beauté ne peut supporter de rester ignorée derrière le rideau ; un beau visage a horreur du voile et si tu lui fermes la porte, voudra apparaître à la fenêtre. Vois comme la tulipe, au sommet de la montagne, perce de sa tige le rocher au premier sourire du printemps et nous révèle sa beauté.

    Et toi-même, quand apparaît dans ton âme une idée rare, tu en est obsédé et doit l’exprimer par la parole ou l’écriture. Telle est l’impulsion naturelle de la beauté partout où elle existe.

    La Beauté éternelle dût s’y soumettre et émergea des saintes régions de mystère pour briller sur les horizons et les âmes. Un éclair émané d’elle jaillit sur la terre et les cieux. Elle se révéla dans le miroir des êtres …

    Tous les atomes constituant l’univers devinrent autant de miroirs reflétant chacun un aspect de l’éternelle splendeur. Une parcelle de son éclat tomba sur la rose qui rendit fou d’amour le rossignol. C’est à elle que fut redevable de ses charmes Leïla dont chaque cheveu attacha le cœur de Mejnoun…

    Telle est la beauté qui transparaît à travers le voile des beautés terrestres et ravit tous les cœurs épris. C’est l’amour pour elle qui vivifie les cœurs et fortifie les âmes

    C’est d’elle seule qu’au fond est épris tout cœur amoureux, qu’il s’en rende compte ou non.

    Le cœur exempt du mal d’amour n’est pas un cœur; Le corps privé de la peine d’amour n’est qu’eau et limon..

    C’est l’inquiétude amoureuse qui donne à l’univers son mouvement éternel ; c’est le vertige d’amour qui fait tournoyer les sphères.

    Si tu veux être libre, soit captif de l’amour. Si tu veux la joie, ouvre ta poitrine à la souffrance d’amour.

    Le vin d’amour donne chaleur et ivresse, sans lui, c’est l’égoïsme glacé.

    Tu peux poursuivre bien des idéaux mais seul l’amour te délivrera de toi-même..

    C’est la seule voie qui conduise à la vérité »

    DJAMI

    4ème de couverture :

    Suite à d’étranges rêves, le Roi d’un pays lointain, conseillé par son Sage et son Bouffon, décide de convoquer le premier Grand Tournoi de Vérité. les concurrents sont des athlètes de haut niveau. Leur disciplines sont l’athéisme et les grandes religions du monde. A la recherche de la Beauté éternelle et de la Sagesse véritable, ils mettront tout en œuvre pour se dépasser et communiquer le meilleurs d’eux-même.

    Mais que se passe-t-il quand un juif, un chrétien, un musulman, un hindou, un bouddhiste et un athée se rencontrent . Qui sortira vainqueur de cette compétition ?

    Une fable brillante et pleine d’humour, ou les religions sont au cœur d’un récit passionnant.

    Livre de poche collection POINTS


  • L’éternité n’est pas de trop – François Cheng

    Cheng
    Critique de Bluewitch,

    Dix-septième siècle, la dynastie Ming en est à ses derniers essoufflements. En exil chez les moines taoïstes depuis de nombreuses années, un homme, Dao-Sheng, expert en médecine et divination, quitte la montagne pour retrouver, nostalgique, la seule femme qu’il ait réellement aimée.

    Trente ans plus tôt, alors qu’il faisait partie d’une troupe de musiciens, son regard croise celui d’une jeune femme vêtue de rouge, Lan-Ying, descendante des Lu et future épouse du Deuxième Seigneur de la famille Zhao. Il n’en faut pas plus pour faire naître en lui des sentiments qu’il ne pourra effacer au fil des ans, même lorsque le futur mari, conscient du trouble entre les deux jeunes gens, envoie au bagne Dao-sheng. Evasion et refuge chez les moines taoïstes lui feront passer les ans jusqu’à ce qu’il ne puisse plus résister au besoin de revoir le visage de Lan-Ying.

    C’est une femme généreuse, souffrante et épuisée par les humiliations d’un mari qui l’a depuis longtemps délaissée, qu’il retrouvera. Faisant acte de ses dons de guérisseurs, il sera à son chevet pendant des semaines. Découverte l’un de l’autre, découverte des âmes, du « Souffle » qui les habite chacun et se communique par le simple contact des paumes.

    Bouleversement, questionnement, angoisse de se laisser aller sur la voie de l’adultère lorsque l’amour et la passion n’ont d’autre égal que le respect mutuel mais Lan-Ying vient pourtant chaque jour au temple pour apercevoir l’homme aimé. Tout est dans le regard, dans le tacite.

    C’est la complétude des âmes qui procure félicité au-delà même du contact charnel. La rencontre de Dao-sheng avec un des premiers missionnaires jésuites aidera sa remise en question personnelle et sa manière de considérer son amour.

    Mais c’est sans compter ce mari égoïste et tyrannique que la soudaine sérénité de l’épouse rend aigre et jaloux, sa décrépitude ne pouvant souffrir la grâce et la beauté renouvelée chez la femme répudiée…

    « L’éternité n’est pas de trop » est un roman tout de légèreté et de poésie. Mêlant amour, foi et spiritualité, il laisse un message au profit du dépassement de l’amour charnel. Douceur des mots autour de la dureté d’un amour impossible. Beauté, langueur, grâce, voilà ce que m’évoque ce roman de François Cheng. Place libre à l’esprit dans cette histoire comparée avec justesse à un Tristan et Iseult oriental.

    Un beau roman.

    Extrait :
    « La main, ce digne organe de la caresse, ce qu’elle caresse ici n’est pas seulement une autre main, mais la caresse même de l’autre. Caressant réciproquement la caresse, les deux partenaires basculent dans un état d’ivresse qui a peut-être été rêvé dans l’enfance, ou alors dans une avant-vie. Les veines entremêlées irriguant le désir se relient aux racines profondes de la vie ; les lignes entrecroisées qui prédisent le destin tendent vers le lointain, jusqu’à rejoindre l’infini des étoiles. »

    François Cheng (nom d’auteur, en chinois : 程抱一, « Qui embrasse l’Unité », Chéng Bàoyī en transcription phonétique pinyin), né le 30 août 1929 en Chine, à Jinan dans la province de Shandong, est un écrivain, poète et calligraphe chinois naturalisé français en 1971. Prix Femina (1998), Grand prix de la francophonie de l’Académie française (2001), membre de l’Académie française (fauteuil 34)


  • Le poison est toujours moins cher !

    Le poison est moins cher

    Piment moulu aux crottes de rats, thé bio aux pesticides… Christophe Brusset, ingénieur de l’agroalimentaire, publie un livre, sur les « petits secrets » de l’industrie.

    Selon vous, nous ne savons pas ce que nous mangeons. Il suffit pourtant de regarder les étiquettes…


    Non, tout n’est pas écrit. Et quand c’est écrit, c’est souvent incompréhensible pour le consommateur : E150, E110, E112… Même pour moi, il est difficile de savoir ce que l’on retrouve vraiment dans un produit préparé. Il y a une infinité de matières premières, d’additifs… et cela bouge sans arrêt. Vous savez ce qu’est de la « gousse de vanille épuisée » ?

    Non…


    Ce sont ces petits points noirs que l’on trouve dans les glaces, par exemple. Il s’agit d’une vanille moulue dont on a extrait l’arôme avec un solvant – l’hexane – un produit chimique cancérigène. Et ce résidu, qui est un déchet, on vous le met dans la crème glacée pour la rendre plus « authentique ». Les traces d’hexane n’apparaissent pas dans les ingrédients.

    Pourquoi ?


    Il y en a très peu. Le législateur considère que, si un élément rajouté se retrouve dans le produit fini à l’état de traces, il n’est pas obligatoire de le déclarer. On appelle ça des « auxiliaires technologiques ». C’est le cas des solvants, des agents de démoulage (pour éviter qu’un biscuit colle au moule), agents anti-mousse, clarifiants, humectant, certains conservateurs…. Il est pourtant connu et démontré que nombre de ces molécules sont nocives, allergisantes et peuvent incommoder certaines personnes sensibles.

    On trafique donc les produits en toute légalité ?


    Oui, cela commence par l’utilisation massive d’additifs : pour épaissir, conserver, colorer, baisser les calories, faire croustiller… Eux doivent être déclarés, en revanche. Il n’existe pratiquement aucun produit alimentaire qui n’en contienne pas au moins un.

    Il existe plus de 300 additifs autorisés. Ils ne sont donc pas dangereux ?


    A priori non. Mais, plus on les étudie, plus on s’aperçoit qu’ils peuvent l’être. Prenons le cas des colorants azoïques, cinq fois plus vifs et bien moins chers que les colorants naturels. Jusqu’au 10 juillet 2010, ces molécules « ne représentaient pas de danger pour la santé ». Désormais, elles peuvent « avoir des effets indésirables sur l’activité et l’attention chez l’enfant ». De quels « effets » parle-t-on et à quelle dose ? En attendant, les azoïques continuent à être utilisés, notamment en confiserie. Il suffit de le mentionner sur le paquet.

    Quel intérêt de recourir à ces substances ?


    C’est parfois esthétique, mais cela permet surtout de baisser les coûts. Les additifs facilitent l’ajout d’ingrédients pas chers. Et le moins cher des moins chers, c’est l’eau. Lorsque vous fabriquez des produits qui peuvent en absorber – charcuterie, laitages, plats industriels, glaces, filets de poisson surgelés… -, vous avez tout intérêt à le faire pour gagner en productivité. Mais il faut ensuite ajouter des additifs pour stabiliser.

    C’est-à-dire ?


    Quand vous « gonflez » du jambon, pour que l’eau reste à l’intérieur, on injecte des texturants. Et, pour que le produit ait un peu de goût, il faut ajouter des arômes : « nature », « fumé », « aux herbes »… Et des colorants pour le rendre plus appétissant.

    Même un produit naturel comme le miel peut être bidouillé ?


    Oui, il lui arrive d’être coupé avec de l’eau et du sucre artificiel. Mais, là, c’est une fraude, donc c’est illégal. Une étude de Que Choisir de 2014 a pourtant montré que 30 % du miel en rayon était frauduleux. Et personne ne fait rien !

    Les « spécialités régionales » n’en sont pas toujours, dites-vous ?


    La moutarde de Dijon, par exemple, est une recette, pas une origine géographique. La nôtre était fabriquée en Hollande et en Allemagne, avec des graines canadiennes. Les escargots « de Bourgogne », c’est une espèce que l’on trouve partout. Moi je les achetais en Turquie et en Europe de l’Est. Pareil pour les cèpes « de Bordeaux » : des boletus edulis achetés en Chine. Les herbes « de Provence » ? De la marjolaine d’Égypte, du thym du Maroc, du Romarin de Tunisie. Trompeur, mais tout à fait légal.

    Et vos piments aux poils et crottes de rats ?


    C’était une pollution sur un lot acheté en Inde. Il arrive que des rongeurs ou des oiseaux se retrouvent dans les entrepôts de stockage. Et comme on ne jette pas la marchandise – il y en avait pour 80 000 € – il a fallu trouver une solution. On a tout broyé finement et on l’a mélangé à de la bonne qualité. On a revendu ça en « poudre de piment ».

    Légal ?


    Personne ne nous a rien demandé et, comme on a toujours droit à un petit pourcentage de « matières étrangères » – poussière, brindilles, fragments d’insectes -, c’est passé tout seul. La tolérance de matières étrangères est généralement de 0,2 % ou 0,5 %.

    Parfois, on retrouve des pesticides là où on ne les attend pas…


    Cela nous est arrivé sur du thé bio au citron. Le thé était bon, mais pas les extraits naturels d’agrumes qui avaient été traités. Les 50 000 boîtes ont été écoulées.

    C’est monnaie courante ?


    On estime qu’entre 3 % et 6 % des produits vendus en rayons dépassent la limite autorisée sur les pesticides.

    Il arrive aussi que l’emballage soit en cause…


    J’avais eu le problème sur des cartons recyclés. On a retrouvé des hydrocarbures d’huiles minérales, cancérigènes et génotoxiques, dans des lentilles. Elles avaient été contaminées dans le paquet. Les cartons recyclés contiennent des vernis, des encres qui peuvent migrer vers le produit. Mieux vaut choisir des cartons bruns ou blancs, faits avec des fibres vierges.

    Pourquoi ce livre, pour régler des comptes ?


    Non, je suis reconnaissant aux entreprises qui m’ont fait vivre. Mais j’étais témoin de choses étonnantes, que je ne pouvais raconter qu’à mes proches. Pas publiquement, si je voulais garder mon emploi. Et aujourd’hui encore, je ne cite pas leur nom, pour éviter les procès. Attention, tout le monde ne travaille pas mal. Je veux juste sensibiliser les gens, parce que les contrôles ne révèlent pas tout.

    Vous achetez en supermarché ?


    Oui, mais j’évite les produits premier prix et tout ce qui est chinois ou indiqué « hors union européenne ». J’ai énormément acheté là-bas et je connais la qualité. Sans parler des nombreux scandales : peintures toxiques dans les petits pains, porcs aux anabolisants cancérigènes, choux-fleurs au formol, lait contaminé à la mélamine… La charcuterie bas de gamme ou les plats préparés, je n’achète pas non plus. Je cuisine au maximum !


  • Le Testament Des Abeilles de Natacha Calestrémé.

    testament ds abeilles

    Le major Yoann Clivel de la PJ parisienne est appelé sur une scène de crime, trois victimes, un couple et leur fille. Même si tout laisse à penser à un coup de folie du père qui aurait tué sa femme et sa fille avant de se suicider, Clivel sent que quelque chose cloche sans réussir à mettre le doigt dessus. Deux semaines plus tard nouvelle scène de crime, une femme défenestrée et douze autres victimes dans le même immeuble, aucune trace de lutte ni d’effraction, et encore plus troublant : aucune blessure apparente. Quelques jours plus tard on retrouve vingt-huit victimes dans un même immeuble et toujours aucune piste criminelle. Le major Clivel est convaincu que ces trois affaires sont liées, reste à trouver le lien pour identifier le ou les coupables…

    Cela aurait pu être une intrigue à la Christophe Granger mais avec moins de violence. Cinquante-trois morts quand même ! Mais sans horreur. L’intrigue bien travaillée, plutôt originale et surtout riche en surprises et autres fausses pistes, des personnages attachants et une écriture fluide, sans fioriture inutile ; ça se lit tout seul et avec délectation. Si le thriller avec l’écologie comme toile de fond n’est pas une nouveauté le mix est particulièrement convaincant, outre une enquête captivante et rythmée on a aussi le droit à de nombreuses informations détaillées sur les rapports destructeurs de l’homme à la nature (tout étant rigoureusement exact, on sent que le sujet tient à cœur à l’auteure).
    Il s’agit du premier roman de l’auteure, cependant Natacha Calestrémé a déjà signé plusieurs essais et, est aussi une réalisatrice de documentaires pour la TV, le point commun de son œuvre restant les rapports entre l’homme et la nature.
    Un second roman devrait être publié prochainement mais surtout elle travaille sur une nouvelle intrigue mettant en scène son équipe de choc de la PJ parisienne qu’elle a mis en place.


  • CROYANGE de Jean Claude CARRIERE

    JC Carriere

    Je trouve qu’il est assez réducteur de dire que Jean Claude Carrière est scénariste, dramaturge et écrivain comme le dit la quatrième de couverture de ce livre. C’est aussi et surtout un philosophe et un érudit dont la pensée est d’une concision remarquable et l’écriture d’une agréable fluidité.

    Ce dernier livre sur les croyances est très intéressant, le sujet est tellement vaste qu’il était difficile pour l’auteur de l’aborder, mais grâce à sa remarquable érudition Jean Claude Carrière s’en tire très bien. L’auteur se définit comme athée, ce qui peut être une croyance comme une autre… Je dirais qu’il est plutôt agnostique, il s’interroge plus qu’il ne rejette, quoi faire d’autre devant ces certitudes sans preuve. Dans les derniers paragraphes on devine ces questionnements.

    Le début du livre est un peu rude à franchir (multiplicité des concepts) mais après c’est plus facile. J’ai sauté un peu ce début pour y revenir après.

    Extraits :

    « La croyance, cette “certitude sans preuve”, pouvons-nous l’approcher, la connaître ? Qu’est-elle exactement ? Une rébellion individuelle, ou au contraire un ralliement à un groupe, à une secte ? Un réconfort ou une aberration ?

    Alors que nous pensions, depuis le siècle dit “des Lumières”, aller vers plus de clarté, plus de maîtrise sur le monde et sur nous-mêmes, nous voyons que la croyance a marché près de nous au même pas que la connaissance, et que l’obscurité nous accompagne toujours, avec son cortège de rage et de sang. Nous voyons qu’une vieille alliance, que nous espérions dissipée, s’est renouée entre la violence et la foi.

    Pouvons-nous, le temps d’un livre, nous arrêter au bord du chemin, réfléchir ensemble, rappeler certains épisodes de notre passé et nous demander s’il nous reste une chance, un jour, d’éteindre, ou d’adoucir, ce feu ancien qui nous déchire encore ? » J.-C. Carrière.

    JC Carriere2

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    Tout ceci me fait penser à un extrait de Bd de Jean Pierre Petit avec Anselme Lanturlu

    Visitez le site de Jean Pierre Petit, il y a des milliers de choses intéressantes à voir et à lire.
    RELIGION 1

    RELIGION 2

    RELIGION 3

    RELIGION 4

    RELIGION 5

    RELIGION 6


  • Pour un acte de liberté d’expression il a perdu son travail !

    Climat

    « Je dénonce les liens financiers entre les gouvernements, le politique, l’économique, les organisations écologistes, les ce qu’on appelle ONG environnementales, les religions », confie le journaliste Philippe Verdier dans un entretien à Sputnik.

    Dans un entretien à Sputnik, le journaliste français de radio et de télévision Philippe Verdier, spécialisé dans la météorologie, parle de son livre « Climat Investigation », en raison duquel il s’est fait licencier.
    Ph. Verdier estime qu’il est difficile de parler calmement du thème du climat car « dès que l’on parle, ce sont des thèmes guerriers qui reviennent: on parle de luttes contre le changement climatique, de mobilisations, ou de thèmes religieux, on est sceptique quand on ne croit pas… »

    « Des effets positifs du changement climatique »

    Dans son livre, Ph. Verider donne la parole aux climato-sceptiques. Il s’agit là d' »un mot nouveau », « un mot horrible » car, selon l’opinion publique, le changement climatique est là, ce n’est pas discutable, explique l’auteur.

    « Je défends la liberté d’expression des gens d’avis différents qui veulent démontrer le contraire. C’est ce que je fais dans le livre, en leur donnant la parole pour qu’ils puissent s’exprimer à la télévision, à la radio, dans les journaux. Aujourd’hui, ces gens-là sont stigmatisés, sont discriminés », souligne le journaliste.

    Ph. Verdier cite aussi des éléments positifs du changement climatique. Il y a en effet aussi quelques effets positifs, au-delà des effets bien sûr négatifs que tout le monde connaît parce qu’ils sont cités partout dans les journaux.

    « Mais si on a un peu d’honnêteté quand on parle de ce qui se passe, il y a aussi pour l’instant des effets positifs. Et comme c’est un tabou, comme personne n’en parle pas, j’ai dépassé ce tabou, je l’ai brisé. Effectivement, là, le livre est critiqué et moi, je suis classé dans le rang des gens qui sont climato-sceptiques », poursuit-il.

    « Pas de lien entre le bruit politique et le changement climatique »

    C’est pour cet acte de liberté d’expression qu’il a perdu son travail, à cause de la publication de « Climat Investigation ». « J’étais en congé lors des jours qui entouraient la sortie du livre. Et depuis quelques jours, je ne peux pas retourner faire mon travail, comme c’était prévu, parce que j’ai une décision de France Télévisions qui m’a demandé de rester chez moi et de ne pas retourner au travail. Je n’en sais pas plus sur les détails, mais je sais que c’est concrètement lié avec le livre », raconte-t-il.

    Selon Ph. Verdier, le livre fait beaucoup parler de lui depuis qu’il est sorti, au début du mois d’octobre, en France. Le livre est axé sur une enquête qui montre qu’aujourd’hui, entre le bruit politique qui est fait sur le changement climatique et ce qu’il est réellement, concrètement, il n’y a plus vraiment de lien. Bien sûr, le fait qu’il y ait à la fin de l’année, au mois de décembre, la conférence des Nations Unies sur le climat, qui se déroule à Paris, cela a une incidence politique. Et comme elle a lieu à Paris, le thème du changement climatique a pris en France une place soudaine et énorme dans les médias et dans le discours politique depuis quelques mois, explique l’auteur.

    « Ce que je dénonce dans le livre, à travers l’enquête, ce sont les liens financiers entre les gouvernements, le politique, l’économique, les organisations écologistes, les ce qu’on appelle ONG environnementales, les religions. Il y a donc des conflits d’intérêts qui sont dans le livre, qui sont dénoncés clairement », souligne Ph. Verdier.

    Selon lui, il y a des flux financiers, il y a toute une porosité entre sections et groupes, entre la science très politisée qui dépend des Nations Unies, des gouvernements, des économies, où les scientifiques parlent au nom des politiques.

    « Le problème, c’est qu’à travers tout ce discours les gens ne comprennent plus grand-chose à ce problème, et en fait, ça fait 20 ans que ce problème n’est pas résolu, qu’il traîne et qu’il prend une ampleur beaucoup plus grande. Donc il y a une responsabilité qui n’est pas prise aujourd’hui à son degré d’intérêt », estime-t-il.

    Le sort de Philippe Verdier et de son livre a suscité l’attention de nombreux internautes, qui expriment leur soutien à ses propos courageux et qui dénoncent l’atteinte à la liberté de l’expression en France.


  • Le briseur d’âmes – Sebastian Fitzek

    le briseur d'ames

    Le briseur d’âmes

    (Der Seelenbrecher, 2008), de Sebastian Fitzek, l’Archipel (2012). Traduit de l’allemand par Penny Lewis, 266 pages.

    Résumé

    Un criminel d’un genre nouveau terrorise Berlin et sa région, et le comble, c’est qu’il ne tue même pas. Les jeunes femmes ayant eu le malheur de croiser son chemin sont retrouvées en vie. Vivantes certes, mais totalement apathiques, désormais incapables de la moindre interaction avec les autres. Les journalistes ont tôt fait de trouver un surnom évocateur à ce psychopathe : le Briseur d’âmes.

    Dans le même temps, un patient d’une clinique berlinoise victime d’une amnésie totale après un accident de voiture a une seule idée en tête. Celui que les soignants ont rebaptisé Caspar ne souhaite rien de plus que retrouver son identité.

    Une construction romanesque très originale

    Ici, tout part de ce « tueur » qui n’en est pas un, puisqu’il préfère anéantir l’âme de ses proies plutôt que de détruire leur corps. Il faut ajouter à ce mode opératoire original ces énigmes que le Briseur d’âmes laisse sur ses victimes, et qui permettent au lecteur de faire travailler ses cellules grises en même temps que les protagonistes du roman, ce qui est plutôt agréable.

    Une fois le décor planté, le suspense peut aller crescendo et les pages se tournent de plus en plus vite – le fait que le narrateur, Caspar, ne sache pas lui-même qui il était avant son accident ajoute encore de l’intérêt à l’intrigue. A partir du moment où les personnages se retrouvent coincés par une terrible tempête de neige au sein de la clinique, la tension devient permanente et les rebondissements fusent, nombreux et bien sentis. L’élève Fitzek se sort très bien de cet exercice délicat qu’est le huis clos, nous laissant deviner au passage ses influences (bien difficile par moment de ne pas penser à Shining ou à Dix petits nègres).

    Avec ce quatrième opus, maîtrisé et emballant, Sebastian Fitzek confirme une fois de plus que le succès soudain de Thérapie, son excellent premier roman, était loin d’être le fruit du hasard. Dans le genre « roman noir psychologique », on ne fait pas beaucoup mieux actuellement et les amateurs du genre ne seront sans doute pas déçus du voyage.


  • Le capitalisme détruit le climat : le dernier livre de Naomi Klein

    KLEIN
    Source Elisabeth Schneiter (Reporterre)

    Dans son dernier livre, This Changes Everything Capitalism Vs. The Climate, l’auteure de La stratégie du choc, démontre de façon limpide les liens entre l’économie capitaliste et le dérèglement climatique. « Il est toujours plus facile de nier la réalité que d’abandonner notre vision du monde » , écrit Naomi Klein, qui en appelle au sursaut des consciences. Un livre fort et passionné, facile à lire, où l’urgence sonne à chaque page.

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    « Il est toujours plus facile de nier la réalité que d’abandonner notre vision du monde », écrit Naomi Klein dans son nouveau livre, Ceci change tout : le Capitalisme contre le climat.

    D’une certaine manière, nous sommes tous des climato-sceptiques, parce que nous ne pouvons pas imaginer tout changer, nos modes de vie, nos perspectives d’avenir, l’économie. Alors, on enregistre toutes ces informations sans réagir et on se dit que ça va peut-être s’arranger, que rien n’est sûr.

    C’est après la Conférence de Copenhague de 2009, que Naomi Klein a compris qu’on ne pouvait pas compter sur les chefs d’États, et « que personne ne viendrait nous sauver ! » Pourtant, « nous avons encore le choix et il n’est pas trop tard pour réussir à maintenir le réchauffement dans des limites tolérables, mais quoi que nous choisissions, tout changera drastiquement.

    Soit nous décidons de ralentir le changement climatique et il faut transformer radicalement notre économie, soit nous continuons sur notre lancée sans rien changer au modèle économique, et c’est notre monde physique qui se transformera radicalement, pour le pire. »

    KLEIN2

    Marché « fondamentaliste » et « Big Green » indulgents

    Elle montre, dans la première partie du livre comment, à la fin des années 1980, le mouvement écologiste a déraillé et comment la mondialisation et une vision « fondamentaliste » du marché se sont imposées dans le monde développé, sous l’influence de groupes de réflexion puissants et bien financés.

    Naomi Klein accuse certaines ONG environnementales, les « Big Green », d’indulgence envers les pollueurs, et l’ancien vice-président Al Gore d’être « en grande partie responsable de les avoir convaincues de soutenir l’Accord de libre-échange nord-américain NAFTA en 1993 ».

    Elle fait remarquer qu’il y a loin entre les promesses sur le climat de Richard Branson, Michael Bloomberg ou le président Obama, et ce qu’ils font réellement. Et que le développement durable est un mythe.

    Fausses solutions

    La deuxième partie, « Pensée magique », ausculte les différentes solutions techniques, inquiétantes et lucratives, proposées pour résoudre le changement climatique, comme les systèmes de géo-ingénierie.
    Elle épingle l’insidieux Bruno Latour qui alerte les humains sur le climat mais conseille de « continuer ce que nous avons commencé, à une échelle toujours plus ambitieuse… » Et Klein de penser, suivant sa théorie du Choc, qu’il sera difficile d’empêcher ces folies si le dérèglement climatique devient trop grave.

    Il est d’autant plus difficile de changer une vision du monde que les profits en dépendent. « Si nous n’avons pas fait ce qu’il fallait pour réduire les émissions, explique Naomi Klein, c’est parce que cela allait contre le capitalisme déréglementé, qui est l’idéologie dominante depuis 1980. »
    Et de fait, « avant le néolibéralisme de Thatcher et Reagan, l’augmentation du taux des émissions avait baissé, passant de 4,5 % par an pendant les années 1960, à environ 1 % par an au début des années 1990, pour revenir à 3,4 % par an entre 2000 et 2008. Puis, après un fléchissement en 2009 dû à la crise, le taux est remonté à 5,9 % en 2010 ! Ainsi les émissions globales de CO2 étaient de 61 % plus élevées en 2013 qu’en 1990, lorsque les négociations vers un Traité sur le climat ont réellement commencé. »

    Naomi Klein montre aussi qu’il y a un lien direct entre la mondialisation du commerce et les émissions.

    Traités en faveur des multinationales TAFTA et autres …

    Mais ce capitalisme n’est que l’aboutissement de l’attitude de l’humanité qui, depuis la préhistoire, pille la nature au rythme du perfectionnement de ses moyens techniques.

    Reste une contradiction fondamentale entre l’espoir d’une économie soutenable et les Traités de commerce internationaux « conçus pour permettre aux multinationales de scanner la planète pour trouver la main d’œuvre la moins chère et la plus disciplinée ». Si les sociétés productrices de pétrole ont beaucoup à perdre des politiques de lutte contre le changement climatique, leurs ouvriers peuvent, par contre, se reconvertir dans une nouvelle économie réellement verte.

    Mais il faut pour cela empêcher les accords de commerce de libre échange de peser sur les décisions des gouvernements. En effet, parallèlement aux grandes foires inconséquentes sur le climat, ces négociations avancent, elles, secrètes et efficaces, étayées par un corpus règlementaire contraignant : après NAFTA signé par Clinton en 1993, ce sont aujourd’hui le CETA en cours de ratification, le TISA, et le TAFTA/TTIP qui sont en cours de négociation.

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    Le livre de Naomi Klein est d’autant plus percutant sur l’influence des lobbies que l’UE, qui négocie en ce moment même, en secret, le traité TAFTA/TTIP, vient de se doter d’un commissaire à l’énergie, Miguel Arias Canete, « toujours aux limites du conflit d’intérêt » , et que la Commission vient de décider de retirer de la Directive sur la qualité des carburants l’interdiction des carburants issus des sables bitumineux – ceci torpille la législation de l’UE qui fixe un objectif de 6 % de réduction des émissions provenant des combustibles de transport.

    Des raisons d’espérer

    Pourtant, le livre reste optimiste, car, dit-elle, « c’est peut-être au moment du désastre ou juste après, qu’il est possible de reconstruire autrement. » Et, « en 2009, une étude a montré comment 100 % de l’énergie nécessaire dans le monde, pour tous les usages, pourrait être fournie par l’eau, le vent et le soleil dès 2030. »

    La troisième partie du livre salue la construction d’une économie alternative basée sur des principes et des valeurs nouvelles et l’émergence d’un mouvement populaire, Blockadia, qui gagne des victoires étonnantes contre le secteur des combustibles fossiles, par exemple sur le front du désinvestissement des sociétés pétrolières.

    « Les vraies solutions à la crise du climat sont aussi notre meilleur espoir de construire un système économique beaucoup plus stable et plus équitable », explique-t-elle. « Les gens sont prêts à faire des sacrifices, s’ils ont l’impression que l’effort demandé est équitablement réparti dans toutes les catégories sociales, et que les riches paient leur part en proportion. »

    Courageuse et passionnée, Naomi Klein a écrit un livre fort, facile à lire, où l’urgence sonne à chaque page.


  • La parabole du réservoir d’eau (Edward Bellamy)

    La Citerne

    « Equality », publié en 1897 par Edward Bellamy, est la suite de son roman « Looking Backward »,

    Dans « Equality », qui est l’achèvement de sa réflexion utopique, Edward Bellamy répond à ses contradicteurs et précise sa pensée.
    « L’autoritarisme de Looking Backward est largement atténué, les droits des femmes sont réaffirmés, le thème de la protection de l’environnement, qui n’avait aucune place dans Looking Backward, apparaît ».
    Ce roman, sans grand ressort dramatique, ne connut pas le succès du précédent. Aussi bien doit-il être lu plutôt pour ses idées, en contraste avec celles de son époque et, souvent, en résonance avec la nôtre.

    On y trouve un texte célèbre, « la parabole du réservoir d’eau », souvent repris dans la littérature ouvrière et anarchiste, mais sous une forme édulcorée ou sous forme de tract.

    On trouvera ci-dessous, dans son intégralité, ce fameux passage, étonnamment moderne !!!

    Déjà les même causes et les mêmes effets en 1897 !

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    La parabole du réservoir d’eau

    Il était une fois un pays très sec, dont les habitants manquaient cruellement d’eau. Et ils ne faisaient rien d’autre que de chercher de l’eau, du matin au soir. Beaucoup mouraient parce qu’ils n’en trouvaient pas.

    Cependant, certains hommes, dans ce pays, étaient plus rusés et diligents que les autres. Et ils s’étaient procuré des quantités d’eau là où d’autres n’en avaient pas trouvé. Et on appelait ces hommes les capitalistes. Il advint que les habitants de ce pays s’en furent trouver les capitalistes et les prièrent de leur donner un peu de l’eau qu’ils s’étaient procurée, pour qu’ils puissent boire, puisqu’ils mouraient de soif.

    Mais les capitalistes leur répondirent:

    « Allez-vous-en, gens stupides! Pourquoi devrions-nous vous donner de l’eau que nous avons, et devenir comme vous êtes, et mourir avec vous. Mais voici ce que nous allons faire pour vous. Soyez nos serviteurs, et vous aurez de l’eau. » Et les habitants dirent: « Donnez nous donc à boire, et nous serons vos serviteurs, nous et nos enfants. »

    Et il en fut ainsi.
    Les capitalistes étaient des hommes intelligents et avisés. Ils organisèrent ceux qui les servaient en brigades, avec des chefs et des contremaitres, affectés, pour certains, à sonder les sources, d’autres à transporter l’eau, d’autres enfin à chercher de nouvelles sources. Et toute l’eau fut rassemblée en un seul endroit. Les capitalistes construisirent un grand réservoir pour la contenir, et le réservoir fut appelé Le Marché, car c’est là que les gens, y compris les serviteurs des capitalistes, venaient s’approvisionner en eau. Et les capitalistes dirent au gens:

    « Pour chaque seau d’eau que vous nous apporterez, pour le verser dans le réservoir, qui est Le Marché, voici que nous vous donnerons un sou, mais pour chaque seau que nous en retirerons pour vous donner à boire, à vous, à vos femmes et à vos enfants, vous nous donnerez deux sous, et la différence sera notre bénéfice, car sans cela nous ne le ferions pas pour vous et vous devriez tous mourir. »

    Et c’était bien ainsi, aux yeux du peuple, car il manquait de discernement. Et les gens s’activèrent à remplir le réservoir jour après jour, et pour chaque seau, les capitalistes payaient à chacun un sou, alors que pour chaque seau fourni au peuple, deux sous revenaient aux capitalistes.
    Et après plusieurs jours le réservoir d’eau, dit Le Marché, déborda, du fait que pour chaque seau versé, les gens ne recevaient que de quoi acheter un demi-seau. Et à cause de l’excédent laissé à chaque seau, le réservoir d’eau débordait car les gens étaient nombreux, alors que les capitalistes étaient rares et ne pouvaient pas boire plus que les autres.
    En conséquence de quoi le réservoir d’eau débordait.

    Et quand les capitalistes virent l’eau déborder, ils dirent aux gens :
    « Ne voyez-vous pas que le réservoir d’eau, qui est Le Marché, déborde? Asseyez-vous donc, et soyez patients. Cessez d’apporter de d’eau jusqu’à ce que le réservoir soit vide. »

    Mais quand les gens ne reçurent plus les sous des capitalistes pour l’eau qu’ils apportaient, ils ne purent plus acheter de l’eau aux capitalistes, n’ayant pas de quoi acheter. Et quand les capitalistes virent qu’ils ne faisaient plus de bénéfice, car plus personne n’achetait de l’eau, ils furent troublés.

    Et ils envoyèrent des hommes sur les routes, les chemins et les haies, en criant:
    « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne au réservoir d’eau nous acheter de l’eau, sinon elle va déborder »

    Et ils se dirent :
    « Voici que les temps sont durs, il faut faire de la publicité « .

    Mais le peuple répondit, en disant:
    « Comment pouvons-nous acheter si vous ne nous employez pas, sinon comment allons-nous avoir de quoi acheter? Employez-nous donc comme avant et nous serons heureux acheter de l’eau, car nous avons soif, et vous n’aurez pas besoin de faire de la publicité ».

    Mais les capitalistes dirent au peuple:
    « Allons-nous vous embaucher pour apporter de l’eau, alors que le réservoir, qui est Le Marché, déborde déjà? Achetez-nous donc d’abord de l’eau, et quand vous aurez vidé le réservoir avec vos achats, nous vous embaucherons à nouveau. »

    Et ainsi, du fait que les capitalistes ne les employaient plus pour apporter de l’eau, les gens ne pouvaient pas acheter l’eau qu’ils avaient déjà apporté, et du fait que les gens ne pouvaient acheter l’eau qu’ils avaient déjà apporté, les capitalistes ne pouvaient plus les employer à apporter l’eau .

    Et on se mit à dire partout : « C’EST LA CRISE. »

    Le peuple mourait de soif. Il n’en allait plus maintenant comme du temps de leurs pères, quand les terrains étaient libres et quand chacun pouvait librement chercher de l’eau pour lui-même. Là, les capitalistes avaient pris toutes les sources, et les puits, et les roues à eau, et les récipients, et les seaux, de sorte que personne ne pouvait se procurer de l’eau du réservoir d’eau, qui était Le Marché. Alors le peuple murmura contre les capitalistes et dit:
    « Voici que le réservoir est à sec, et que nous mourons de soif. Donnez-nous donc de l’eau, pour que nous ne périssions pas. »

    Mais les capitalistes répondirent :
    « Que nenni. L’eau est à nous. Vous ne boirez pas, à moins que vous n’achetiez à boire avec vos sous. »

    Et ils le confirmèrent par serment, disant, à leur manière : « Les affaires sont les affaires. »

    Mais les capitalistes étaient inquiets de ce que les gens n’achetaient plus d’eau, dont il résultait qu’ils ne faisaient plus de profit, et ils parlaient entre eux en disant:
    « Il semble que nos bénéfices ont bloqué nos bénéfices, et du fait des bénéfices que nous avons faits, nous pouvons plus faire de bénéfices. Comment se fait-il que nos profits ne soient plus profitables pour nous, et que nos gains nous rendent pauvres? Allons interroger les devins, pour qu’ils nous éclaircissent sur ce mystère. »

    Et ils les envoyèrent chercher.

    Les devins étaient gens experts en énonciations sibyllines. Ils s’associèrent aux capitalistes pour profiter de leur eau, et survivre, eux et leurs enfants. Et ils parlaient au peuple au nom des capitalistes, et se faisaient leurs ambassadeurs, voyant que les capitalistes n’étaient pas gens à comprendre vite ni à parler volontiers.

    Et les capitalistes exigèrent des devins qu’ils leur expliquent comment il se faisait que les gens ne leur achetaient plus d’eau bien que le réservoir fut plein. Et certains des devins répondirent et dirent:
    « C’est en raison de la surproduction. »

    Et les uns disaient:
    « C’est la surabondance. »

    Mais la signification des deux mots est la même. Et d’autres disaient:
    « Non, mais c’est le résultat des taches sur le soleil. »

    Et d’autres encore répondaient, en disant:
    « Ce n’est ni en raison de surabondance, ni encore des taches sur le soleil, que le mal est arrivé, mais en raison du manque de confiance.  »

    Et tandis que les devins confrontaient leurs interprétations, les hommes de profit étaient saisi de somnolence et s’endormaient, et quand ils se réveillèrent, ils dirent aux devins :
    « C’est assez. Vous vous êtes exprimés à votre aise. Maintenant, allez et parlez à votre aise au peuple, afin qu’ils se calment et nous laissent aussi en paix. »

    Mais les devins, hommes à la science funeste, comme on les appelait aussi, furent réticents à aller vers le peuple de peur d’être lapidé, car les gens ne les aimaient pas. Et ils dirent aux capitalistes:
    « Maîtres, c’est un mystère de notre métier que si les hommes sont repus, désaltérés et paisibles, alors ils trouvent du réconfort dans notre discours, comme vous. Mais s’il ont soif et faim, ils n’y trouvent aucun réconfort, mais plutôt des raisons de se moquer, car il semble que si un homme n’est pas repu, notre sagesse n’est pour lui que du vide ».

    Mais les capitalistes dirent :
    « Hardi, en avant. N’êtes-vous pas nos hommes désignés pour être nos ambassadeurs? »

    Et les devins se dirigèrent vers le peuple et leur expliquèrent le mystère de la surproduction, et comment il se faisait qu’ils devaient périr de soif parce qu’il y avait trop d’eau, et comment il ne pouvait pas y en avoir assez parce qu’il y en avait trop !!!
    Et ils leurs parlèrent aussi des taches du soleil, et leur expliquèrent comment tout ce qui leur était arrivé venait de leur manque de confiance. Mais tout se passa comme les devins avaient dit, car pour le peuple leur sagesse n’était que du vide.

    Et le peuple les maudit, en leur disant:
    « Allez-vous faire voir, têtes d’œufs ! Est-ce que vous vous moquez de nous ? Est-ce que l’abondance produit la famine ? Est-ce que beaucoup ne donne rien ? »

    Et ils prirent des pierres pour les lapider.

    Les capitalistes, voyant que les gens du peuple murmuraient encore, et n’écoutaient pas les devins, et craignant qu’ils n’attaquent le réservoir pour s’emparer de l’eau, leur envoyèrent de saints hommes (en fait de faux prêtres), qui les exhortèrent au calme et leur demandèrent de ne pas s’en prendre aux capitalistes parce qu’ils avaient soif. Et ces saints hommes, qui étaient de faux prêtres, assurèrent au peuple que ce fléau leur avait été envoyée par Dieu pour le salut de leur âme, et que s’ils l’enduraient avec patience, sans convoiter l’eau, ni s’en prendre aux capitalistes, il adviendrait qu’après avoir rendu l’âme, ils arriveraient dans un pays sans capitalistes, où l’eau serait abondante. Cependant, il y avait aussi de vrais prophètes de Dieu, compatissants pour ces gens, qui ne prophétisaient pas pour le compte des capitalistes, mais plutôt contre eux.

    Les capitalistes virent que le peuple murmurait encore et s’attroupait sans être calmé par les gouttes dont ils les aspergeaient du bout de leurs doigts trempés dans l’eau qui débordaient du réservoir, et le nom des gouttes d’eau était La Charité, et elles étaient très amères.

    Et quand les capitalistes virent que ni les paroles des devins, ni celles des saints hommes qui étaient faux prêtres, ni les gouttes appelées La Charité ne calmaient le peuple, qui était de plus en plus en colère et se pressait autour du réservoir comme pour s’en emparer, ils réunirent un conseil et dépêchèrent des émissaires auprès du peuple et aussi tous ceux qui étaient de bons guerriers, ils les prirent à part et leur dirent habilement :
    « Et si vous rejoigniez les capitalistes? Si vous vous mettez à leur service contre le peuple pour qu’ils ne s’emparent pas du réservoir, vous aurez de l’eau en abondance et ne périrez pas, vous et vos enfants. »

    Et les hommes forts et les guerriers aguerris furent convaincus par ce discours, se laissèrent persuader, poussés par la soif, se mirent au service au service des capitalistes, devinrent leurs hommes, furent équipés en bâtons et épées, se firent les défenseurs des capitalistes, et frappèrent les gens qui s’approchaient du réservoir.

    Au bout de plusieurs jours le niveau de l’eau avait baissé dans le réservoir, car les capitalistes utilisaient l’eau pour des fontaines et des bassins où ils se baignaient avec femme et enfants et ils gaspillaient l’eau pour leur plaisir.

    Quand les capitalistes virent que le réservoir était vide, ils dirent:
    « La crise est terminée » et ils allèrent embaucher des gens pour apporter de l’eau et le remplir de nouveau. Et pour chaque seau qu’ils apportaient ils recevaient un sou, mais pour le seau que les capitalistes tiraient du réservoir pour le redonner aux gens, ils recevaient deux sous, pour faire leur bénéfice. Au bout d’un certain temps, le réservoir débordait à nouveau comme avant.

    Alors, lorsque le peuple eut rempli le réservoir jusqu’à ce qu’il déborde, et se retrouva assoiffé jusqu’à ce que l’eau contenue ait été gaspillée par les capitalistes, il advint que surgirent dans ce pays des hommes qu’on appela des agitateurs car ils soulevèrent le peuple. Et ils s’adressèrent au peuple, en disant qu’ils devraient s’associer, et qu’ainsi ils n’auraient plus besoin d’être des serviteurs des capitalistes, et ne mourraient plus de soif. Aux yeux des capitalistes les agitateurs étaient des individus néfastes, qu’ils auraient bien vus crucifiés, sans oser le faire par peur du peuple.

    Et les agitateurs, lorsqu’ils parlaient au peuple, leurs disaient ceci :
    « Peuple stupide, combien de temps te laisseras-tu tromper par un mensonge et croiras-tu, pour ton malheur, ce qui n’est pas ? Car toutes ces choses qui t’ont été dites par les capitalistes et les devins sont des fables habilement conçues. Et de même, les saints hommes, qui disent que c’est la volonté de Dieu que vous devez toujours être pauvres, misérables et assoiffés, ils blasphèment Dieu et sont des menteurs. Il les jugera sévèrement et Il pardonnera à tous les autres. Comment se fait-il que vous ne puissiez-vous procurer de l’eau dans le réservoir ? N’est-ce pas parce que vous n’avez pas d’argent ? Et pourquoi n’avez-vous pas d’argent ? N’est-ce pas parce que vous ne recevez qu’un seul sou à chaque seau que vous portez au réservoir, qui est Le Marché, mais que devez rendre deux sous pour chaque seau que vous retirez, pour que les capitalistes puissent toucher leur bénéfice ? Ne voyez-vous pas, comment le réservoir doit ainsi nécessairement déborder, rempli à la mesure de ce dont vous manquez, abondé de votre manque ? Ne voyez-vous pas également que plus durement vous travaillerez, plus diligemment vous rechercherez et apporterez l’eau, plus les choses iront de mal en pis et non de mieux en mieux, tout cela à cause du profit, et cela pour toujours ? »

    C’est ainsi que les agitateurs parlèrent pendant plusieurs jours au peuple sans être entendus, mais il vint un temps où le peuple écouta.

    Et il répondit aux agitateurs:
    « Vous dites la vérité. C’est à cause des capitalistes et de leurs bénéfices que nous sommes dans le besoin, vu que en raison de leur profit, on ne peut en aucun cas retrouver les fruits de notre travail, de sorte que notre travail est vain, et plus nous peinons à remplir le réservoir, plus vite il déborde, et l’on peut ne rien recevoir, car il y a trop, selon les mots des devins. Les capitalistes sont des hommes durs, et leurs compassions sont cruelles. Dites-nous si vous savez comment nous pouvons nous délivrer de notre servitude. Mais si vous connaissez pas de moyen certain de nous délivrer, nous vous prions de vous tenir en paix, et nous laisser seuls, pour que nous puissions oublier notre misère. »

    Et les agitateurs répondirent en disant : « Nous connaissons un moyen. »

    Et le peuple dit:
    « Ne nous trompez pas, comme il en a été depuis le début, et personne n’a trouvé de moyen de nous délivrer jusqu’à présent, bien que beaucoup aient essayé désespérément. Mais si vous connaissez un moyen, dites-le-nous. »

    Alors, les agitateurs leur dirent le moyen :
    « A la vérité, quel besoin avez-vous de tous ces capitalistes, à qui vous devez céder les bénéfices pris sur votre travail? Pour quels grands faits leur payez-vous ce tribut? Eh bien! Ce n’est que parce qu’ils vous commandent en équipes et vous font aller et venir, fixent vos tâches, et puis vous donnent un peu de cette eau que vous, et non pas eux, avez apporté. Or, voici le moyen de sortir de cette servitude ! Faites pour vous-mêmes ce qui est fait par les capitalistes, à savoir l’organisation de votre travail , le commandement de vos équipes, et la division de vos tâches. Ainsi vous n’aurez aucun besoin des capitalistes, ni de leur rétrocéder le moindre profit, mais tout le fruit de votre travail doit vous revenir entre frères, chacun ayant la même part. Et ainsi est le réservoir ne débordera plus jamais jusqu’à ce que chaque homme soit rassasié, sans avoir besoin de remuer la langue pour réclamer plus, et ensuite le débordement fera fontaines agréable et étangs pour votre plaisir, comme le firent pour eux les capitalistes, mais cette fois pour le plaisir de tous. »

    Et le peuple répondit:
    « Comment allons-nous faire cela, qui nous semble excellent pour nous? »

    Et les agitateurs répondirent :
    « Choisissez-vous des hommes modestes pour aller et venir, pour commander vos équipes et organiser votre travail, et ces hommes seront les capitalistes, mais attention, ils ne doivent pas être vos maîtres comme les capitalistes le sont, mais vos frères et vos officiers qui feront votre volonté, et ils ne prendront pas de bénéfices, mais chaque homme aura sa part comme les autres, de sorte qu’il n’y ait pas de maîtres et de serviteurs parmi vous, mais seulement des frères. Et, de temps en temps, comme bon vous semblera, vous choisirez d’autres hommes modestes à la place des premiers pour organiser le travail. »

    Et le peuple écouta, et cela lui paraissait bon. En plus, cela ne semblait pas difficile. Et d’une seule voix ils crièrent:
    « Alors, qu’il en soit comme vous l’avez dit, nous le ferons! »

    Et les capitalistes entendirent des clameurs, et ce que les gens disaient. De même les devins l’entendirent aussi, de même que les faux prêtres et les puissants hommes de guerre, qui servaient à la défense des capitalistes. Et quand ils entendirent, ils tremblèrent de tous leur membres, de sorte que leurs genoux se heurtèrent, et ils se dirent les uns aux autres, « C’est la fin ! »

    Cependant, il y avait de vrais prêtres du Dieu vivant qui ne prophétisaient pas pour le compte des capitalistes, compatissants pour ces gens, quand ils entendirent les cris du peuple et ce qu’il avait dit, ils se réjouirent grandement et rendirent grâce à Dieu de cette délivrance.

    Et le peuple s’en fut et tout se passa comme les agitateurs l’avaient annoncé. Et il arriva ce que les agitateurs avaient dit qu’il arriverait, comme ils l’avaient prédit. Et il n’y eu plus aucun assoiffé dans ce pays, non plus que d’affamé, de sans habit, de grelottant, ou de nécessiteux. Et chaque homme dit à son compagnon: «Mon frère», et chaque femme dit à sa compagne « Ma sœur », c’est ainsi qu’ils furent, les uns aux autres, comme frères et sœurs à jamais unis. Et la bénédiction de Dieu s’étendit sur cette terre à jamais.

    Edward Bellamy, Equality, 1897.
    La Citerne1


  • « Les ignorants », d’Etienne Davodeau,

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    Le bonheur est dans la vigne

    C’est l’histoire d’une rencontre. Etienne Davodeau a passé un an auprès d’un viticulteur au franc-parler réjouissant et au caractère bien trempé, Richard Leroy, adepte passionné de la biodynamie. Entre l’amoureux des vins non trafiqués et le dessinateur humaniste, le courant ne pouvait que passer. On savoure avec délectation cette expérience pleine d’humour, où chacun des protagonistes s’initie avec curiosité à l’univers de l’autre, tout en s’émerveillant de partager le même amour du travail bien fait.
    N’hésitez pas à vous enivrer de cette pétillante BD ! Un vrai bonheur ! A lire pour les amoureux du vin et de la BD.
    Et un vrai enseignement de la viticulture.

    « Les ignorants », d’Etienne Davodeau, éd. Futuropolis, 272 pages.

    Ça commence ainsi

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    Les deux compères « en vrai ».

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    La biodynamie, c’est quoi ?

    A la vigne : intensifier la vie du sol, la vie de la plante et leurs échanges.
    La première caractéristique de la viticulture biodynamique est l’emploi de préparations spécifiques dans la conduite de la vigne. Il existe trois catégories de préparations : les préparats dynamisés, les préparats pour compost et les tisanes et décoctions.

    La bouse de corne

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    La bouse de corne (dite préparation 500) sert à renforcer la vie souterraine de la vigne. La bouse de corne agit sur le système racinaire de la plante et accélère la mycorhize (la mycorhize désigne un type de symbiose associant une espèce de champignon aux racines de la vigne). La bouse de corne est une bouse de vache de bonne qualité que l’on introduit dans une corne de vache et que l’on enterre pendant la période hivernale pour la faire fermenter. « Cette préparation favorise la structure du sol, stimule la vie microbienne et la formation de l’humus » (Laurent Dreyfus, de la revue Biodynamis). Selon Pierre Masson (formateur et conseiller en biodynamie), « elle est un puissant édificateur de la structure du sol. Elle favorise l’activité microbienne et la formation d’humus. Elle régule le pH du sol en accroissant celui des sols acides et en atténuant celui des sols alcalins. Elle stimule la germination des graines, la croissance générale du système racinaire et particulièrement son développement vertical vers la profondeur. Elle aide à la dissolution des formations minérales dans les sols, même en profondeur (alios), et peut aider à lutter contre les phénomènes de salinisation. »
    D’après Pierre Masson, la bouse de corne doit être employée à raison de 100 grammes dans un minimum de 30 litres d’eau de pluie. Selon Laurent Dreyfus, « une portion de 25 grammes dynamisée une heure dans un récipient de 25 litres permet de traiter environ 25 ares ». La dynamisation du préparat consiste à brasser l’eau dans laquelle on a mis la bouse de corne — une eau tiédie, à la température du corps humain —, de façon à former un vortex (un tourbillon). « Cette dynamisation a pour vocation d’oxygéner et de vivifier la substance » (L. Dreyfus). L’ensemble est ensuite pulvérisé dans l’heure qui suit la préparation, au moins deux fois par an, en général au printemps et à l’automne, peu avant que l’activité biologique des sols atteigne son plus haut niveau.

    La silice de corne

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    L’autre préparat principal est la silice de corne (dite préparation 501). Le silicium est le constituant principal (47 %) de l’écorce terrestre. C’est du cristal de roche (quartz) broyé, enterré dans une corne de vache pendant la saison estivale. Complémentaire de la préparation 500, la 501 agit sur la partie aérienne des plantes pendant leur période végétative. Autrement dit, la silice de corne sert à accélérer la photosynthèse : elle « renforce énormément le métabolisme de la lumière (photosynthèse) », dit L. Dreyfus. Le quartz (silice cristallisée) favorise l’assimilation de la lumière solaire par la plante, aide au développement des feuilles, à l’équilibre de la fleur, à l’initiation florale de l’année suivante et donne l’énergie nécessaire à une bonne fructification. D’après Pierre Masson, la silice de corne est « essentielle pour la structuration interne » de la plante et pour son développement. « Elle favorise la pousse verticale des plantes », ce qui facilite le palissage de la vigne. « Elle accroît la qualité et la résistance de l’épiderme des feuilles et des fruits. » Enfin, « elle est déterminante pour assurer une bonne qualité alimentaire : la qualité nutritive des aliments est renforcée, leur goût et leurs arômes sont mis en valeur. » Les doses à pulvériser sont, là aussi, homéopathiques : 1 gramme de silice de corne brassé pendant une heure dans 5 à 10 litres d’eau, ce qui permet de traiter de 25 à 50 ares, soit 4 grammes dans 30 à 35 litres d’eau pour un hectare.

    Le compost de bouse

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    Troisième préparat très fréquent en viticulture biodynamique : le compost de bouse mis au point par l’Allemande Maria Thun. « Il permet une bonne vie microbienne, explique L. Dreyfus, il active la décomposition des végétaux et des matières organiques et, de ce fait, il favorise une restructuration rapide des sols ». Ses composants aident à la formation de nombreux micro-organismes qui permettent de développer le complexe argilo-humique du sol. « On en met en novembre, juste après les vendanges, raconte David Rossignol (Domaine Rossignol-Trapet, Gevrey-Chambertin), pour améliorer la décomposition des matières organiques dans le sol ».

    Et pour revenir à la BD et à Richard LEROY

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    Pas plus de 2,7 hectares pour cet ex-professionnel des sciences économiques, mais quels grands vins ! Lorsqu’il quitte la France, c’est pour aller en Allemagne et aider sa femme Sophie à vendre des produits français du terroir. Lorsqu’il quitte l’Allemagne, c’est pour revenir à Paris, dans le but de goûter le plus de vins possible. Et lorsqu’il quitte Paris, c’est cette fois pour rejoindre sa chère et tendre Loire, sur les coteaux du Layon…
    Richard Leroy, star de la Bande dessinée les Ignorants a appris à travailler les sols de façon précise, en se basant sur l’observation, comme avant. Il sélectionne le meilleur de ses vignes pour réaliser des vins blancs dans son garage, reconverti en cuvage. Richard Leroy, tantôt fou de chenin, toujours orfèvre, tantôt rebelle..

    Le refus volontaire des appellations.

    Depuis 2008, Richard Leroy a décidé de déclassser ses cuvées en vins de France, en sortant volontairement de son appellation, fatigué des guerres interminables d’agréments et d’autorisations administratives.
    Ses vins n’en sont pas moins qualitatifs, bien au contraire. Les cuvées de Richard Leroy offrent le meilleur de leur terroir, en s’exprimant avec classe, minéralité, salinité, droiture. En quantité malheureusement trop limitée, il s’agit ici bel et bien d’un vigneron qui sait y faire.


  • Le braconnier du lac perdu – Peter May

    Peter MAY

    Les Hébrides, en gaélique écossais Na h-Innse Gall, en anglais Hébrides.

    C’est le troisième tome d’une trilogie de Peter May, dans les îles lointaines d’Ecosse, toujours aussi âpres et rudes. Ce tome peut être lu sans connaître les deux précédents.

    Dans ce dernier épisode, Fin Macleod a démissionné de la police et est engagé par un riche propriétaire pour faire la chasse aux braconniers. L’un de ceux-ci, Whistler est son plus proche ami de jeunesse. C’est en sa compagnie qu’il va faire une macabre découverte : un cadavre dans un avion mis à jour dans un lac asséché. Il s’avère qu’il s’agit de Roddy, un célèbre chanteur de rock gaëlic, disparu il y a une vingtaine d’années.

    Ce sera l’occasion pour Fin de faire un retour sur sa jeunesse, ses débuts dans la vie d’adulte, ses difficiles relations avec les femmes. Il tentera également de comprendre ce qui est arrivé à Whistler, vivotant de combines et de petits braconnages, alors que c’était le plus brillant d’entre eux, promis à un avenir radieux.
    Il a tout perdu, y compris la garde de sa fille, Anna, qu’il aimerait tant retrouver.

    Un dernier tome qui plonge avec plaisir dans les paysages sauvages des Hébrides, à l’image des habitants et de leurs histoires. La narration se fait sur trois époques et montre que Peter May n’a pas perdu de son don pour se jouer de la temporalité. C’est tout un pan du passé de Fin qui est ici rajouté, néanmoins de manière parfois un peu artificielle.

    Cela permet cependant d’aborder de belles thématiques, comme l’amour, l’amitié ou la responsabilité d’une vie. L’intrigue se mêle d’ailleurs à d’autres histoires de secrets enfouis par le temps qui font peser une atmosphère un peu nostalgique sur ce roman. Et une fois de plus, elle est portée par la psychologie complexe de personnages.

    « Whistler lança un sale regard à Fin, mais l’hostilité qui l’assombrissait s’évanouit immédiatement. Comme on l’a toujours fait. Un homme est en droit de prendre à la terre que le Seigneur nous a donnée. Et il l’a donnée à chacun de nous, Fin. Tu ne peux pas l’emporter avec toi quand tu meurs alors comment quelqu’un peut-il penser la posséder de son vivant ? »

    Peter MAY1


  • Samsung nous espionne ! Et tout le monde s’en fout !

    1984

    « Le Meilleur des mondes » – Aldous Huxley

    « 1984 » – Georges Orwell.

    Il n’y a pas que George Orwell qui a dressé un bilan sombre de l’avenir de l’humanité, caractérisé dans sa prophétie, « 1984 », d’une dictature impitoyable : «Big Brother».
    Aldous Huxley avait, plus d’une dizaine d’années avant Orwell, créé un monde où les êtres humains étaient totalement inconscients de leur sort.
    Lequel des deux était le plus visionnaire. A lire et à relire …

    Samsung nous espionne et le dit !

    Politique de confidentialité de la smart TV de Samsung concernant son module de commande vocale :

    «Sachez que si les mots que vous prononcez sont personnels ou contiennent des informations sensibles, il est possible que ces informations fassent partie des données capturées et transmises à un service tiers via la Reconnaissance Vocale.»

    Un extrait de 1984 de George Orwell, paru en 1949:

    «Il captait tous les sons émis par Winston au-dessus d’un chuchotement très bas. De plus, tant que Winston demeurait dans le champ de vision de la plaque de métal, il pouvait être vu aussi bien qu’entendu. Naturellement, il n’y avait pas de moyen de savoir si, à un moment donné, on était surveillé. Combien de fois, et suivant quel plan, la Police de la Pensée se branchait-elle sur une ligne individuelle quelconque, personne ne pouvait le savoir.»

    Alors oui, forcément, cela fait un peu peur. Samsung a depuis dû préciser sa position et expliquer que sa smart TV n’était pas l’effrayant Big Brother d’Orwell. (Seulement un maillon)
    Pourtant, il faut avouer qu’elle était attirante, cette comparaison avec l’écrivain britannique. Depuis plusieurs années, l’utilisation d’Orwell pour nous alerter d’un désastre en cours concernant l’espionnage de notre vie privée est devenue commune.
    Après les révélations d’Edward Snowden, un peu avant l’été 2013, Fabrice Epelboin avait évoqué «le monde orwellien» dans lequel nous vivions:

    «On peut parler de monde orwellien dans la mesure où l’on trouve les éléments du célèbre roman 1984: un Etat qui surveille les moindres faits et gestes de la population, qui s’immisce de plus en plus dans le domaine du privé, qui contrôle l’information par son emprise sur les médias –les subventionner alors qu’ils sont en situation de faillite chronique depuis des lustres est une bonne solution– et où l’on a un appareil d’Etat qui impose un vocabulaire –qu’Orwell nomme « novlangue » et qu’on appelle, nous, “éléments de langage” ou “storytelling”.

    « Bien sûr que nous sommes dans un monde orwellien. Tout le monde s’en rend bien compte, mais nous sommes encore loin d’être dans un monde en crise ouverte, ou tout du moins nous n’en sommes qu’aux prémices.»

    Edward Snowden avait lui-même fait référence à George Orwell en décembre 2013:

    «Récemment, nous avons appris que nos gouvernements travaillent ensemble pour créer un système de surveillance mondiale. George Orwell nous avait prévenus du danger de ce genre d’informations. Les types de collecte utilisés dans le livre, comme les microphones, les caméras, les télés qui nous regardent, ne sont rien comparé à ce que nous avons aujourd’hui. Nous avons des capteurs dans nos poches qui permettent de nous suivre partout.»

    Huxley plus visionnaire

    En fait, notre société est plus proche de celle qu’Aldous Huxley avait imaginée dans Le Meilleur des mondes.
    Dans cette contre-utopie publiée en 1932, il dépeignait, «les contours d’une dictature parfaite.

    « Des individus conditionnés auraient l’illusion d’être libres et épanouis, mais seraient en réalité placés dans un système de soumission via une consommation et une distraction excessives».

    Voir mon article « Un jour tous pucés »
    Dans le Guardian, John Naughton démontrait, en 2013, pourquoi Huxley était «le vrai visionnaire»:

    «Nous avons oublié l’intuition d’Huxley. Nous n’avons pas réussi à nous rendre compte que notre emballement pour les jouets élégants produits par les Apple et Samsung –combiné à notre appétit apparemment insatiable pour Facebook, Google et d’autres entreprises qui fournissent des services « gratuits » en échange de détails intimes de notre vie quotidienne– pourrait bel et bien se révéler comme étant un narcotique aussi puissant que le « soma » l’était pour les habitants du Meilleur des mondes. […] Ayons une pensée pour l’écrivain qui a perçu l’avenir dans lequel nous apprenons à aimer nos servitudes numériques.»

    L’essayiste Neil Postman remarquait , que c’était peut-être Huxley, et non Orwell, qui avait le mieux réussi à anticiper le futur. Dans la préface de Se distraire jusqu’à en mourir, il tenait à faire la différence entre les deux auteurs:

    «Orwell prévient que nous serons bientôt submergés par une oppression imposée. Mais chez Huxley, il n’y pas besoin de Big Brother pour priver les gens de leur autonomie, de leur maturité et de l’histoire. De la façon dont il le voyait, les gens finiront par aimer d’eux-mêmes leur oppression et adorer les technologies qui annihilent leurs capacités à penser.»
    «Huxley, dans sa vision, n’a nul besoin de faire intervenir un Big Brother pour expliquer que les gens seront dépossédés de leur autonomie, de leur maturité, de leur histoire. Il sait que les gens viendront à aimer leur oppression, à adorer les technologies qui détruisent leur capacité de penser.
    Orwell craignait ceux qui interdiraient les livres, Huxley redoutait qu’il n’y ait même plus besoin d’interdire les livres car plus personne n’aurait envie d’en lire.
    Orwell craignait ceux qui nous priveraient d’informations, Huxley redoutait qu’on ne nous en abreuve au point que nous ne soyons réduits à la passivité.»

    Là où Orwell imaginait la censure, Huxley voyait lui des individus inondés de flux et victimes d’un désintérêt général pour l’information. On s’y croirait …


  • La Source Noire de Patrice Van Eersel

    source noire

    Je tombe par hasard sur une critique de ce livre sur le site « Les brins d’herbes engagés ».
    Je l’ai lu il y a plus de dix ans, il est sorti en 1986 et le voir ainsi réapparaitre me donne envie de le remettre sur le devant de la scène.

    Qu’est-ce ?

    La Source Noire est le cheminement passionnant d’un jeune journaliste sans idées préconçues qui va enquêter sérieusement sur le phénomène des NDE, en pleine vague de succès du best-seller de Raymond Moody. Bien d’autres choses ont été publiées depuis, mais c’est une excellente base de réflexion sur la vie, la mort, l’organisation de l’univers vue par les physiciens quantiques…

    C’est un livre bouleversant d’humanité, aisé à lire, que l’on peut offrir sans problème à un grand adolescent.

    Incontournable pour tous ceux et celles qui se posent des questions existentielles. Il ne donne pas de réponses, il tente plutôt une synthèse, ouvre des portes et trace des pistes. Pour moi, ce fut un ouvrage fondateur, et c’est la raison pour laquelle je vous le propose aujourd’hui.

    Critique : Une enquête rigoureuse

    La vie de Patrice Van Eersel a changé lorsque jeune journaliste, il fut envoyé aux États-Unis par le journal « Actuel » interviewer le professeur Ronald Siegel.

    Ce dernier proclamait avoir trouvé une explication rationnelle aux témoignages d’expériences aux frontières de la mort. Quand il eut rencontré le dit savant, il fut stupéfait de constater que celui-ci n’avait rien à lui offrir que des stéréotypes. Et pour ne pas rentrer bredouille en France, il rencontra le gratin des chercheurs américains sur les états modifiés de conscience, les états proches de la mort, les thanatologues, etc.

    Et il nous livre ici l’essentiel de ses reportages. Les rencontres avec Raymond Moody, Kenneth Ring, Elisabeth Kubler Ross, mais aussi des physiciens comme David Bohm ou Rupert Sheldrake et bien d’autres ont complètement modifié sa vison de l’univers.

    C’est la rencontre de Michael Sabom, un cardiologue texan pragmatique mais fasciné par ce nouveau paradigme qui lui a fait écrire ce livre, nous dit-il.

    Actuellement, Van Eersel est un des piliers de l’IANDS France (International Association for Near Dead Studies).

    Ce livre nous fait découvrir une science audacieuse, qui préfigure peut-être ce que sera la connaissance demain.

    Résumé (4° de couverture).

    De la mort, nous avons tout oublié, tout ce que notre culture avait érigé en sagesse. Même la science est devenue ignorante. Tellement que des savants tirent la sonnette d’alarme. Il faut, disent-ils, réhabiliter l’agonie, écouter les mourants, étudier ce passage aussi capital que la naissance. Psychiatres, cardiologues, chirurgiens, biologistes et physiciens, dans les laboratoires les plus sophistiqués des états-Unis, d’Europe, mais encore en Inde et partout dans le monde, analysent, sondent, interrogent la mort, ou du moins ceux qui ont frôlé la mort, collectionnent leurs écrits, examinent leurs témoignages, confrontent leurs expériences. Et l’on découvre que la mort cacherait une clarté à l’éblouissante beauté, pleine de vie, pourrait-on dire.
    La source noire. Aux portes de la mort, c’est une nouvelle approche de la vie, de la connaissance, de la mémoire…

    La Source noire, un livre fascinant et plein d’espoir.

    Édité en livre de poche, vous le trouverez aisément pour un petit prix.


  • La reine de la baltique – Viveca Sten

    la reine de la baltique

    Viveca Sten, est star dans son pays, où elle rivalise avec Camilla Läckberg.

    Certes, sa cadette (39 printemps, contre 54) qui a entamé plus tôt sa fulgurante ascension. (La Princesse des glaces, 2003)

    L’histoire

    Nous partons découvrir, la baie de Stockholm, nous allons visualiser l’île de Sandhamn, celle de Harö et bien sûr le phare de Grönskär. Cette localisation géographique est plutôt agréable et donne des envies de visite, plutôt bonne impression !
    Un petit matin de juillet, sur une plage de Sandhamn, un homme tombe sur un corps mutilé entortillé dans un filet de pêche… Krister Berggren, cariste chez un grossiste en alcool, avait disparu depuis Pâques. Bientôt, sa cousine, croupier, est également trucidée. Puis c’est au tour d’un insulaire, vaguement peintre. Le tout en pleine saison touristique! L’inspecteur Andreasson, aidé par sa camarade Nora, prend l’affaire en main. Un équipage chaleureux, un scénario bien ficelé, et surtout le portrait ingénieux de ces îliens du Nord.

    Ce que j’en ai pensé

    Le style est un peu simplet, pas trop de recherche, juste descriptif peut être un peu maladroit mais efficace et jamais ennuyeux !
    Nous faisons connaissance de personnages qui nous semblent au début un peu caricaturaux, le policier malheureux, replié sur lui et son mal de vivre, l’amie d’enfance débordée par une vie de famille un peu envahissante et qui se pose des questions sur son rôle dans la société et se retrouve mêlée à une enquête policière, et puis la petite secrétaire qui se découvre un attrait pour le beau policier.
    Je reprocherai à Viveca Sten ce qui m’a fait lâcher Camilla Läckberg mais que certains lecteurs peuvent apprécier, je veux parler des états d’âme et de la vie privée des personnages, leurs gamins, leurs conjoints et autre belle famille. Des chapitres sur le sommeil des gosses ou leurs caprices, ça ralentit un peu l’action et ça n’apporte rien, à mon goût !
    Alors bien sûr, raconté comme ça, on doute très fort, on se dit encore les mêmes recettes, peut-être un peu éculées ! Oui c’est sûr !

    Mais au final c’est agréable à lire.

    Une série est diffusée sur ARTE jeudi 29 janvier à 21h35 (44 min) MEURTRES A SANDHAMN – SAISON 1 LA REINE DE LA BALTIQUE


  • Encore une des raisons de la Guerre de 14-18

    Urinoir

    Lorsqu’il s’engage dans l’organisation, pour 1915, d’une Exposition universelle d’un genre nouveau, le gouvernement français ne s’attend pas à devoir composer avec les fantaisies des artistes d’avant-garde, aux premiers rangs desquels Marcel Duchamp, Erik Satie et Apollinaire. Pourtant, après quelques quiproquos, les voici bombardés responsables de l’évènement, sous la houlette de Mara Bijou, patronne lilliputienne d’une maison close des Boulevards, bien décidée à profiter de l’occasion pour redorer l’image de sa profession. Paris se transforme pour accueillir l’Expo lorsqu’un parti violemment hostile commence à se faire entendre : processions, manifestations et même attentat criminel menacent de tout remettre en cause. C’est que ce projet, pacifiste, féministe et social nuit à des intérêts très puissants. Il faudra toutes les ressources des brigades mobiles de la préfecture de police, assistées pour l’occasion par quelques monte-en-l’air et forceurs de coffre – forts, pour identifier les coupables.

    Mais cela suffira-t-il à les neutraliser? Seule l’Histoire en décidera.

    Laurent Flieder et Dominique Lesbros redonnent vie à des personnages ayant existé, de personnages mythiques, et leur font rencontrer des personnages fictifs mais paraissant tout aussi réels.
    C’est une carte postale de l’époque, de Paris dans les années d’avant-guerre (de 14), des conflits politiques, des divergences d’opinions et d’intérêts (notamment la confrontation pudibonderie/prostitution…), dans lesquels les auteurs (formant un duo hyper accordé) insufflent un vent de folie, de quiproquos et dialogues savoureux, au sein d’une enquête rythmée et loin d’être dénuée d’une réelle réflexion.

    Cette histoire va de la préparation de l’exposition Universelle de 1915 qui n’a jamais eu lieu à l’assassinat de Jean Jaurès qui a eu lieu !

    Au-delà du côté burlesque et drôle du roman, ce livre, à l’immense connaissance de l’époque, contient un discours général de tolérance en même temps que de vigilance, et souligne une certaine « ironie »/les bâtons mis dans les roues de la paix, l’instrumentalisation probable/possible de certains.

    On le referme en ayant beaucoup souri, mais en pensant aussi aux dégâts que provoquent parfois certains intérêts industriels et politiques, au détriment de l’humain.

    « … ce qui les gêne, ce n’est pas l’Expo mais le pacifisme qu’elle répand dans l’opinion. L’entente qu’elle établit entre les peuples des différentes nations, si contraire à la folie guerrière qui occupe ces temps-ci les discours et les actes de tous les dirigeants. Et nul ne sait jusqu’où ils peuvent aller, ni de quoi ils sont capables. »


  • « Les fauves d’Odessa »- Charles Haquet

    Fauves

    L’arrière-cuisine de l’industrie alimentaire n’est pas toujours très jolie à voir. Charles Haquet, grand reporter à L’Express, publie un roman policier : « Les fauves d’Odessa », inspiré de ses enquêtes journalistiques.

    Voici l’un des menus imaginés par l’un des personnages :

    « Des amuse-bouche en apéro. Des toasts de caviar parfumés à l’urotropine.
    Idéal pour accompagner du champagne contrefait.

    Attention aux cacahuètes : elles peuvent contenir des traces d’un champignon cancérigène.

    En entrée, une terrine de porc nourri au clenbutérol (anabolisant).

    Ensuite un méli-mélo de poissons aux antibiotiques et aux œstrogènes.

    Pourquoi pas un poulet aux nitrites ?

    Une pastèque en dessert. Elle est explosive parce qu’elle a reçu un accélérateur de croissance. Et pour terminer, un petit digestif au méthanol. »

    Quand on lit Les Fauves d’Odessa, aux éditions du Masque, on espère vraiment que rien ne soit réel et pourtant.

    « Tout est vrai. Ce sont des anecdotes et des incidents qui sont arrivés un peu partout sur la planète et qui ont été répertoriés », explique Charles Haquet. « J’ai commencé cette histoire par une enquête que j’ai faite pour l’Express, et je me suis dit que c’était vraiment une matière extraordinaire.
    Je trouve que c’est très efficace de mêler une trame d’enquête avec des faits réel et un roman. »

    L’histoire :

    Deux personnages principaux, deux experts en sécurité alimentaire, se sont associés pour créer une entreprise, la société Tracfood, chargée d’effectuer des audits d’usines et des fournisseurs. Ils regardent comment sont fabriqués les produits et ils délivrent, si tout va bien un label bio, par exemple… Le problème, évidemment, c’est que tout ne va pas bien. Ils sont confrontés à des mafieux sans foi ni loi.

    Des frontières poreuses

    Un pied en Chine, un pied en Ukraine. Le tout, c’est de soigner la présentation : pas de points de rouille sur les boîtes de conserve ou de fautes d’orthographe sur l’étiquette.

    « Il y a des mafieux qui sont spécialisés là-dedans. Ils vont en Chine chercher des aliments contrefaits et utilisent la technique des boîtes blanches. Ce sont des boîtes de conserves serties, avec, à l’intérieur, des légumes impropres à la consommation. On essaie de leur donner une bonne figure, on fabrique de fausses étiquettes et on envoie ça par palettes entières en Europe. On le passe par des points de la frontière européenne beaucoup plus poreux que d’autres. Ensuite, on peut les envoyer n’importe où. »

    « Il faut savoir que 2% à 3% des containers sont ouverts par les douaniers. Donc tout passe et vous avez la galerie des horreurs. Il y a toute une chaîne de valeurs où en amont on met une pression phénoménale sur les fournisseurs pour vendre aux consommateurs des produits censés être bons. Il y a un manque de connaissance du consommateur sur le prix réel des aliments. »

    Bonne lecture et bon appétit …

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  • La rivière noire – Alnaldur Indridason

    riviere noire

    Que dit la « Quatrième de couverture » :

    Le sang a séché sur le parquet, le tapis est maculé. Egorgé, Runolfur porte le t-shirt de la femme qu’il a probablement droguée et violée avant de mourir… Sa dernière victime serait- elle son assassin? Pas de lutte, pas d’arme. Seul un châle parfumé aux épices gît sur le lit.
    L’inspectrice Elinborg enquête sur cet employé modèle qui fréquentait salles de sport et bars… pour leur clientèle féminine.

    En quelques mots l’histoire …

    Un certain Runolfur se préparait à passer une soirée agréable : il avait séduit une jeune femme dans un pub, lui avait versé un somnifère dans son verre, et l’avait raccompagnée chez lui. Cependant, les choses ne se sont apparemment pas passées comme prévues car le lendemain, il est retrouvé mort, égorgé, son corps baignant dans une mare de sang. C’est donc l’inspectrice Elinborg qui se retrouve chargée de l’affaire, car le commissaire Erlendur est parti dans les montagnes mener une quête solitaire. Mais elle n’est certainement pas en reste, car son flair va rapidement lui permettre de découvrir que Runolfur n’est pas une victime, ou en tout cas, pas seulement.

    Encore un très bon Indridason

    Cet auteur islandais si particulier, qui semble avoir un don pour nous plonger dans des atmosphères épaisses et presque sordides, occupé qu’il est à narrer la misère humaine dans sa banalité la plus douloureuse. Le roman est dense, captivant, le suspense mené d’une main de maître, et il s’agit une nouvelle fois d’un très bon roman policier, bien qu’il puisse sembler surprenant de voir Indridason évoquer un sujet aussi contemporain que la drogue du viol. Signe que l’Islande n’est plus à l’abri de la contamination d’une criminalité nouvelle, moins spontanée, plus réfléchie et donc plus perverse, et l’on se dit qu’il est bien que le commissaire Erlendur ne soit pas là pour voir ça, lui qui est si attaché aux traditions de son île et à son passé historique.

    L’inspectrice Elinborg

    Cette fois-ci, le commissaire étant absent, (et cette absence fait elle-même peser comme une menace sur ses co-équipiers qui, bien que ne mentionnant que rarement leur supérieur, semble malgré tout affligés et inquiets par son départ inattendu), c’est à l’inspectrice Elinborg qu’il revient de mener l’enquête.
    Elinborg est une femme moderne, qui vit avec ses trois enfants et son compagnon, qui aime la cuisine indienne et qui tente de mener une vie des plus saines possibles, tout en ayant bien peu de temps à consacrer à sa petite famille. Bien que plus ancrée dans la réalité matérielle qu’Erlendur, Elinborg semble avoir, comme lui, le plus grand mal à créer le lien avec ses enfants, et surtout son fils aîné, qui écrit sur son blog toutes les misères que sa stupide mère lui fait subir, au plus grand désarroi de celle-ci.
    Et ce fil de la fragilité du lien familial est bien quant à lui dans la plus pure lignée de la série des Erlendur. En effet, en évoquant l’inquiétude de cette mère face à l’éloignement de son fils aîné, nous retrouvons la préoccupation constante d’Indridason, qu’il n’affronte jamais directement, en tant qu’énigme, mais toujours en bruit de fond, comme un parasitage constant. Un peu comme avec Erlendur, toujours tracassé par la déchéance de sa fille toxicomane, les petits déboires d’Elinborg nous rappellent que même si une enquête est bouclée, la vie de famille, elle, ne peut jamais l’être.

    Une enquête captivante

    Comme il est de coutume avec Indridason, c’est sur les traces d’un mort qu’il nous faut partir puisque nous nous trouvons face à un corps dont personne ou presque ne sait rien, et que c’est pourtant dans le passé de cet homme que doit se cacher le coupable.
    Qu’il s’agisse d’un passé lointain ou d’un passé plus proche, si l’une de ses victimes a décidé de se venger. Se pose alors une question dérangeante : si cet homme est coupable d’avoir infligé à des jeunes filles une des pires douleurs qui soit, en étant même allé jusqu’à leur confisquer leurs souvenirs en les droguant, n’a-t-il pas eu ce qu’il méritait, et faudrait-il réellement aller jusqu’à mettre en prison celle qui se serait ainsi vengée ?

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  • Arnaldur Indridason – Betty

    Betty

    « Comme toujours lorsque je suis couchée dans ma solitude et que je pense à ce qui s’est passé, mon esprit s’évade pour rejoindre Betty. Je me recroqueville sous la couette. Parfois, les souvenirs m’assaillent avec tellement de violence que j’en pleure.
    Comme elle me manque !
    Comme ils me manquent, ses doux baisers sur mon corps …
    Ô Betty …  »

    L’auteur Arnaldur Indridason est connu pour ses excellents romans mettant en scène les aventures du bourru et tourmenté commissaire Erlendur en Island.

    Ce polar « Betty » est d’un tout autre genre auquel il s’est essayé. Et quel bonheur il a eu de nous le faire partager!

    Ce polar semble tout à fait banal: une rencontre amoureuse qui tourne au drame, le meurtre d’un riche homme d’affaires. le narrateur est en détention provisoire, accusé de ce meurtre.

    Dans la première partie du livre, on l’écoute qui nous raconte la rencontre avec cette femme, plantureuse, machiavélique, vénale, mariée à un homme plus âgé qu’elle et qu’elle n’aime pas. En cellule de détention, le narrateur est confronté aux interrogatoires et détaille ainsi, par l’intermédiaire de flash-back, leurs rencontres amoureuses.

    Et, puis, le virement brutal, dans la seconde partie. Alors, c’est une toute autre histoire que nous fait « subir » Indridason. A se demander comment on s’est laissé berner depuis le début.

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  • La Noble Maison – James Clavell

    La noble maison

    Un livre pas récent, mais d’actualité pour comprendre l’esprit de la Chine d’aujourd’hui.

    Dans la « Noble Maison », James Clavell, auteur des best-sellers internationaux Taï-pan et Shôgun, décrit un monde où la couleur, l’exotisme, l’action sont omniprésents. La description de Hong Kong, dans les années 1960, fournit beaucoup plus qu’un cadre : elle représente l’essence même du roman.

    A travers elle, Clavell conte la folle histoire des rapports entre Britanniques et Chinois.
    L’odeur de l’argent domine toutes les autres à Hong Kong, et la lutte pour la fortune existe à tous les niveaux – de la passion du jeu, qui agite la plus humble servante, jusqu’à la bataille pour le pouvoir, qui oppose les grands Taï-pans…

    L’action du roman se déroule sur un peu plus d’une semaine, mais ces quelques huit jours sont fertiles en péripéties : enlèvements, assassinats, escroqueries, double jeu permanent, émeutes…

    « La Noble Maison », l’histoire d’un monde qui demeure l’un des plus mystérieux, des plus attirants de la planète : Hong Kong. Une écriture dense, frénétique, humoristique, grâce à laquelle Clavell s’impose comme un maître du roman exotique moderne.

    A propos de l’auteur.

    James Clavell (Charles Edmund DuMaresq de Clavelle ) est un écrivain, scénariste, réalisateur et producteur britannique. Il est né à : Sydney, Australie en 1924 et mort à Vevey dans le canton de Vaud en Suisse en 1994

    Il fait ses études à Portsmouth avant, en tant que jeune officier artilleur, d’être fait prisonnier par les Japonais lors de la chute de Singapour. Il passe alors la fin de la Seconde Guerre Mondiale dans l’infâme camp de Changi. C’est à partir de cette expérience à Changi qu’il a écrit son best-seller King Rat.

    Son intérêt pour l’Asie, ses peuples et ses cultures s’expriment également dans Taï-Pan, une aventure se déroulant à Hong Kong et relatant l’ascension d’un marchand rusé, Dirk Struan, à la tête de sa compagnie La Noble Maison.

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  • La mort est dans la ville – Yvon Toussain.

    Désolé ! Deux critiques de livre qui se suivent ayant la mort pour personnage ! Je ne suis pas obsédé par le sujet ! C’est une pure coïncidence due au hasard de la lecture.

    mort dans la ville

    Le sujet.

    Yves débarque dans sa ville natale, une bourgade provinciale de 7000 âmes. C’est l’été et il fait une chaleur écrasante. En provenance de Paris, criminologiste et écrivain, il initie une année sabbatique qu’il passera dans sa maison d’enfance en compagnie de Maria, la bonne qui l’a élevé et qui, bien que vieille, est toujours active. Il retrouvera son ami de toujours, Pergaud, ainsi que d’autres collègues policiers, Michel et Jaubert.

    Cette année sera également une année de réflexion, loin de son épouse Mireille et proche de sa belle-sœur Marie qu’il a toujours aimée en secret.

    Toutes les conditions sont donc réunies pour faire de ce temps un temps de vacuité, mais les événements en décident autrement.
    Le premier suicide réussi n’est guère suspect. Il est, peu à peu, suivi par d’autres, tout aussi inexplicables :
    « Mais le lendemain, 8 juin, avant même que le journal local ait fait état de la mort de Madeleine Larose, deux autres cas sont enregistrés. Un homme de soixante-dix ans, Victor Marot, se pend dans sa cuisine. Il est veuf et il vit seul, ses deux enfants travaillant à l’étranger. Il est pensionné depuis quatre mois. Et le même jour, Sébastien Defrance, étudiant, vingt ans, se tire une balle dans la tête à la terrasse d’un café de la ville basse. »

    Des cadavres de citoyens sans histoire s’accumulent sans que Jaubert ou Lorelle, le médecin – chef de l’hôpital, ne puissent établir aucun lien entre ceux-ci.
    L’ambiance de la petite ville se transforme et, lorsque les maisons de la carrière exploitée par le maire et Jean-Marie Suc son gendre et adjoint explosent, l’énervement devient perceptible. Yves est confronté à un insondable mystère : pourquoi tous ces gens se suicident-ils ?
    Lorelle envisage l’hypothèse d’une imprégnation psychologique, par télépathie, Jaubert une contrainte d’ordre social ressemblant à celle des lemmings, ou encore une épidémie d’origine inconnue .La chose est prise très au sérieux par la préfecture et lorsqu’un suicide d’une famille qui a quitté la petite ville se constate à Lyon, les autorités bouclent la bourgade de crainte d’une propagation.

    Le colonel Costello est chargé avec son unité d’encercler la ville, d’y établir des barrages pour que nul ne s’échappe. Le contact avec l’extérieur est maintenu par hélicoptère. Cette vive tension, ressentie par les habitants, se traduira non seulement par une montée en flèche des suicides mais encore par une nuit d’émeute où des maisons incendiées, des jets de pierre sur les autorités, signent le désarroi de la population.

    Lorelle propose une théorie sur l’évolution des divers états de l’agonie chez l’individu en la rapprochant de ce qui se passe au niveau social :
    « En fait, on pourrait dire que c’est le véritable début de l’agonie, que le délabrement général qui conduit à la mort est imminent. Vous m’avez compris, n’est–ce-pas ? Vous avez saisi le parallèle que je suggère ? Notre ville vient de connaître sa période combative. Je prévois, je prophétise même qu’elle ne va pas tarder à entrer dans sa période dépressive. Et alors, mon cher commissaire, vous verrez que ce ne sera plus par dizaines que l’on dénombrera les cadavres… »

    Plus de cinquante suicides se perpétuent ainsi jusqu’à ce que la morgue de l’hôpital soit encombrée. Le médecin, qui se dévoue corps et âme aux soins, bascule dans la déraison. Yves semble  » immunisé « , contrairement à Lortac, dont la femme s’est suicidée, qui met à profit le désordre ambiant pour empoisonner à l’arsenic, Jaubert, son chef qu’il déteste, sans y parvenir cependant. Soudain, l’épidémie semble marquer un arrêt : avec le temps qui passe, l’on enregistre une diminution notable des cas de suicide. Le dernier en date, clôturant la série, est celui de Marie laquelle – mystérieusement – a décidé de se tuer en sortant définitivement de la vie d’Yves. Lorsqu’en novembre, l’état de siège est levé, Yves repart vers Paris, différent de ce qu’il était, aussi bien moralement que physiquement, sans avoir pu résoudre l’énigme de cette vague de mortalité.

    Qu’en penser

    Un roman à l’approche comportementaliste dont le cadre en huis clos augmente l’intensité de l’intrigue. La minutie des descriptions jusqu’au moindre détail crée une atmosphère d’angoisse autour de personnages qui paraissent marqués par le destin. Les relations entre eux s’établissent dans l’ambiguïté, les sentiments sont exacerbés par la violence de la pulsion suicidaire. Un ouvrage original, à la limite du genre, entre enquête policière et catastrophe sociale.
    Du plaisir à lire.

    L’auteur

    Yvon TOUSSAINT
    (1933-) Ecrivain belge, journaliste. Ancien directeur du quaotidien « le Soir » à Bruxelles. Surtout connu pour le roman à propos de son homonyme assassiné à Tahiti « la mort d’Yvon Toussaint »

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  • Les intermittences de la mort – José Saramago

    Intermittences 1

    Sur l’auteur

    José de Sousa Saramago est un écrivain et journaliste portugais, né le 16 novembre 1922 à Azinhaga (Portugal) et mort le 18 juin 2010 à Lanzarote (îles Canaries Espagne). Il reste à ce jour l’unique auteur lusophone (parlant portugais) à avoir reçu le prix Nobel de littérature.
    Intermittences 2

    L’histoire.

    Commençons par résumer rapidement l’histoire : dans un pays indéterminé, un 1er janvier, la mort s’est mise en grève.

    Plus personne ne meurt à l’intérieur des frontières. Mais cela ne veut pas pour autant dire que l’on ne vieillit plus ou que l’on n’est plus malade. Impossible pour les agonisants de passer de vie à trépas.

    À première vue, cela pourrait passer pour une bénédiction, mais c’est un leurre dont la population va rapidement se rendre compte. À commencer par les entrepreneurs de pompes funèbres qui se retrouvent du jour au lendemain au chômage technique. S’il n’y avait que cette corporation qui avait à souffrir de cette nouvelle situation, le pays pourrait à la limite se satisfaire de cette étrangeté.

    Mais la mort est une pierre fondatrice de nos sociétés ; sans elle toute l’économie du pays est mise en faillite :

    – Comment gérer les hôpitaux et les maisons de retraite surpeuplés ?
    – Que faire de ces agonisants qui refusent de passer dans l’au-delà ?
    – Pourquoi payer des assurances vie qui ne servent plus à personne ?
    – Et surtout, comment justifier pour l’Église cette foi qui ne repose que sur la promesse d’un paradis après la vie ?

    Le premier ministre et son équipe feront face tant bien que mal et tenteront de trouver des solutions.

    Mais au bout de six mois, la mort (avec une minuscule s’il vous plaît) décide de reprendre son activité. Et là encore, rien n’est simple… Mais la plus grande surprise est finalement pour la faucheuse qui rencontre un violoncelliste qui refuse de mourir !

    Que dire de cette histoire ?

    « Les intermittences de la mort » fait partie de ce que la littérature a de meilleur.

    L’idée de départ pourrait s’apparenter à un sujet de bac philosophie. Jose Saramago démontre avec maestria tout ce que ce rêve peut avoir d’inconsidéré ; il n’omet aucune situation et propose une réflexion riche et pertinente sur notre rapport à la mort et la vie. Mais ce qui est magistral dans ce récit, c’est la façon dont l’auteur nous la livre.

    L’écriture de Jose Saramago est extrêmement dense : chaque chapitre est un paragraphe de plusieurs dizaines de pages, sans retour à la ligne, sans démarcation physique pour les dialogues (seules les majuscules nous indiquent les changements d’interlocuteurs), sans point d’interrogation, d’exclamation et avec une présence très parcimonieuse de points finaux. Car si la mort n’est plus, il n’y a plus de fin, donc plus de points. Tout cela est d’une logique implacable. Au début c’est déroutant.

    Alors, me direz-vous, un texte, dans lequel les phrases s’éternisent et s’étalent parfois sur des pages et des pages, doit être très difficile à suivre ? Et je vous répondrai que c’est là qu’opère la magie de la littérature.

    Le récit de José Saramago, malgré sa structure, ou peut-être grâce à elle, est d’une fluidité à couper le souffle. Les mots coulent de source, on se laisse porter avec délice par cette mélopée, comme on écouterait émerveillé un violoniste virtuose jouer une partition particulièrement difficile.

    Et ce qui est plaisant, c’est que loin d’être pompeux, José Saramago s’amuse ; tout en enchaînant les doubles croches avec une grande maîtrise, il ponctue son texte d’une ironie mordante et d’un humour absolument délicieux.

    Cela relève d’autant plus de l’exploit que pendant les deux tiers du récit, l’auteur n’offre pas à son lecteur de personnages auxquels il pourrait s’identifier. Il est un narrateur extérieur, un observateur qui décrit le marasme dans lequel tout un pays s’enfonce inexorablement. Il y a bien ça et là des personnages que l’on retrouve, mais plus pour leur statut (hommes de pouvoir, de religion, médias) que pour leur individualité.

    Dans ces passages, l’auteur brosse une critique féroce des institutions et là encore c’est un véritable régal.

    La dernière et troisième partie du roman marque une rupture dans la narration (d’ailleurs, le point est de retour).

    Quittant la fable sociale et politique, Jose Saramago verse dans le récit fantastique et nous propose un pas de deux entre la mort incarnée et un violoncelliste.

    Cette dernière partie, loin de me décevoir, a fini par me mettre à genoux : la respiration se fait plus douce et on pénètre l’intimité de ces deux êtres que tout devrait désunir et dont le destin a décidé de se jouer. Ce morceau de musique de chambre est un joyau, un roman dans le roman, un dernier éclat avant que le rideau ne retombe et que tout recommence.
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    Pour finir, un peu d’humour noir :

    « Allez, Madame la Grande Faucheuse, ce n’est pas le tout, mais au boulot ! Il y a du pain sur la planche (et entre)! Oui je sais, ce n’est pas une vie … ! »

    Intermittences 3


  • Je n’ai pas accroché …

    Deux livres qui parait-il sont excellents, mais qui pour moi ont été d’un ennui mortel. Mais ceci n’est que mon opinion, la mienne, à moi, personnellement …

    Liam

    Qu’en dire ?

    Étrange, oui. Peut-être envoûtant par passages mais surtout désespérant à d’autres. Voyages.
    Grands délires au lyrisme un peu trop surfait à mon goût. Le livre refermé, j’ai eu l’impression d’un manque. Je n’ai pas réussi à comprendre complètement le désespoir qui tend vers la folie d’O ‘Flaherty, cela manquait de sincérité.

    En résumé, l’auteur essaie de nous dire qu’il faut aller très, très bas dans la fange pour se trouver et ne plus prêter le flanc au pouvoir de l’autre. S’abandonner pour abandonner la lutte et « … prendre congé de son désespoir, puisqu’il ne peut empêcher le plongeon des corneilles noires ».

    L’éditeur nous dit sur la quatrième de couverture : « À mes ennemis ce poignard est un livre écumant de désespoir et d’intelligence, comparable par sa dimension poétique au Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline … » Là je dis tout de suite « Stop ! » N’est pas Céline qui veut ! Même si l’écrivain ne s’épargne rien, hargne, compassion, générosité, cruauté, démence et même la passion, cela n’est pas comparable …
    Lorsque j’ai lu Voyage au bout de la nuit, je ne l’ai pas lâché, emporté par le rythme et la mélodie des mots. Lorsque j’ai lu O’ Flaherty raconter toute sa vie, que j’ai eu du mal à y trouver un intérêt !

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    Train de nuit

    Le sujet

    Une femme penchée sur le parapet d’un pont, un soir à Berne, sous une pluie battante. Le livre, découvert par hasard, d’un poète portugais, Amadeu de Prado (imaginaire). Ces deux rencontres bouleversent la vie du sage et très érudit professeur Raimond Gregorius.
    Au milieu d’un cours de latin, soudain il se lève et s’en va. Il prend le premier train de nuit pour Lisbonne, tournant le dos à son existence antipoétique et sans savoir ce que vont lui révéler la beauté étrangère de Lisbonne et le livre d’Amadeu. Fasciné par ce texte, il veut savoir qui était Amadeu de Prado. L’enquête menée par Gregorius l’entraîne dans une ronde de personnages fortement dessinés qui ont connu de Prado

    Qu’en dire ?

    C’est le roman d’un auteur suisse, Pascal Mercier, dont je n’avais entendu que du bien. Je le sentais moyen tout de même et appréhendais de me heurter à du prise de tête, mais dès la première page, j’ai été charmée par le ton, le style et la tournure que prenait le récit.

    Il y avait un souffle magique dans ces premiers chapitres.
    J’avais été conquis par Gregorius, ce personnage qui se réveille à la cinquantaine et décide (enfin, décide-t-il vraiment) de partir à Lisbonne sur les traces d’un poète portugais, tout ça suite à une rencontre impromptue. J’ai aimé cette étrange folie du début, chaque observation sonnait juste.

    « Quelquefois, on a peur de quelque chose parce qu’on a peur d’une autre chose ».

    « On ne sait pas ce qu’il manque à quelqu’un, jusqu’à ce qu’il l’obtienne, et alors d’un seul coup, c’est très clair, c’était cela. »

    Et puis, je ne sais pas, peu à peu, j’ai commencé à caler et à me lasser de ces réflexions sans fin, de cette quête qui finalement ne m’intéressait pas.

    Les personnages torturés, trop lucides pour être heureux, et qui se posent des questions sans fin finissent par me lasser. Tant d’introspection finit par taper un peu sur le système.

    En réalité, le personnage et le passé de Prado m’ont ennuyé et je n’ai pas compris non plus cette obsession et cet intérêt de Gregorius pour la vie de ce poète imaginaire. Ca ne méritait pas 500 pages d’écriture !

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  • Pourquoi j’ai mangé mon père – Roy Lewis

    Pourquoi j'ai mangé mon père

    « Pourquoi j’ai mangé mon père » est un roman extrêmement drôle et surprenant qui parle avec humour de l’évolution des hommes durant la préhistoire.

    On se retrouve alors en plein pléistocène (entre -500 000 et 300 00 ans environ), dans une famille de pithécanthropes erectus (Homo Erectus, évolution de l’Homo Habilis) très particulière.

    En effet, le père et chef de famille, Édouard, veut faire évoluer l’espèce.

    Ses inventions sont le fil conducteur du livre. On découvre ainsi comment successivement, il a découvert le feu, sa capacité à solidifier les armes de chasse, l’art, la cuisine…

    Tel un scientifique fou, il cherche continuellement de nouvelles créations qui feront avancer l’espèce entière. Le narrateur est interne à l’histoire, c’est le fils d’Édouard, Ernest. Moins intéressé par le progrès que son père, ce qui l’importe le plus, c’est juste de vivre tranquillement, en compagnie de sa charmante femme, Griselda.

    Un autre personnage joue un rôle important dans cette histoire, le frère d’Édouard, Vania, très conservateur, cet homme est toujours contre les inventions de son frère et n’hésite pas à le lui faire remarquer, sa devise, Back to the trees, montre son attachement à la vie de ces ancêtres arboricoles…
    Pourtant, tout en se disputant avec son frère, il profite de ses inventions sans aucune gêne… (encore un antisystème qui en profite !)

    Bref, tandis que son père, donnait les clés de ses expériences à tous les membres de son espèce qu’il rencontrait, qu’il inventait tous les jours des ustensiles plus dangereux les uns que les autres, Ernest et ses frères commencent à se demander ce qui serait le mieux pour la sécurité de l’espèce, laisser leur père découvrir les secrets du monde et les divulguer aux autres pithécanthropes ou alors l’éliminer…

    Ce roman montre comment l’homme veut toujours inventer de nouvelles choses, évoluer trop vite, souvent à son détriment.
    C’est un vrai miroir de la société que nous propose Roy Lewis, avec d’un côté ceux qui ne se soucient pas tellement de l’évolution de l’espèce et qui profitent des inventions quand elles arrivent, mais ne sont pas gênés de leur absence.
    De l’autre côté, on voit, à travers le personnage de l’oncle Vania, ceux qui se plaignent tout le temps de la marche du monde mais qui sont les premiers à l’utiliser à leur avantage. Un livre qui fait rire au premier abord mais qui fait ensuite réfléchir sur les fondements de notre société moderne.

    Pourquoi il faut lire ce livre ?

    A la différence des autres livres traitant du même sujet, « Pourquoi j’ai mangé mon père » prend le parti de nous cultiver en nous faisant rire. Les personnages s’expriment comme vous et moi mais ils vivent dans la Préhistoire ! Et ça, ça change tout.

    Situations plus qu’hilarantes et dialogues inoubliables s’enchaînent alors au fil des pages. Ainsi à propos de la chasse : « L’ennui, c’était qu’elle (la viande) était toute sur quatre pattes. Et d’essayer de chasser la viande sur quatre pattes […] quand on essaie de se tenir soi-même difficilement sur deux, c’est littéralement un jeu d’andouilles. » Ou plus loin, à propos des repas : « Oser dire à maman qu’on ne voulait pas de ceci ou de cela, de la fourmi pilée, du crapaud mariné, c’était vouloir s’attirer une bonne baffe. »
    « Pourquoi j’ai mangé mon père » est également un joli conte sur la société, la famille, l’éducation et l’éternel débat entre ceux qui veulent faire bouger les choses et ceux qui pensent que « c’était mieux avant ». Le mot de la fin revient à Edouard parlant à ses fils : « Votre devise, nous disait-il gravement, ce doit être de donner à vos enfants, comme j’ai tenté de le faire, un départ meilleur que n’a été le vôtre. »

    Pourquoi j'ai mangé mon père 2

    Quelques mots sur l’auteur

    Roy Lewis (1913 – 1996).
    Né le 6 novembre 1913 à Felixstowe, il a grandi à Birmingham, et poursuivi ses études à Oxford avant d’intégrer la London School of Economics. En 1938, il part sillonner l’hémisphère sud, avec sa jeune épouse, Kloé avec laquelle il eut 2 enfants. Après un long séjour en Australie, il rentre en Angleterre en 1946 et entreprend alors la rédaction d’ouvrages socio-économiques.
    Son ami Timothé Bouchard, anthropologue, l’amène à s’intéresser au passé de l’espèce humaine. C’est à la suite de leurs conversations que Roy Lewis écrivit « Pourquoi j’ai mangé mon père« .

    Le livre a été traduit en français et préfacé par Vercors (Le silence de la mer, Les animaux dénaturés …) à la demande enthousiaste de Théodore Monod !

    Pourquoi j'ai mangé mon père 3

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