Le bonheur est dans la vigne
C’est l’histoire d’une rencontre. Etienne Davodeau a passé un an auprès d’un viticulteur au franc-parler réjouissant et au caractère bien trempé, Richard Leroy, adepte passionné de la biodynamie. Entre l’amoureux des vins non trafiqués et le dessinateur humaniste, le courant ne pouvait que passer. On savoure avec délectation cette expérience pleine d’humour, où chacun des protagonistes s’initie avec curiosité à l’univers de l’autre, tout en s’émerveillant de partager le même amour du travail bien fait.
N’hésitez pas à vous enivrer de cette pétillante BD ! Un vrai bonheur ! A lire pour les amoureux du vin et de la BD.
Et un vrai enseignement de la viticulture.
« Les ignorants », d’Etienne Davodeau, éd. Futuropolis, 272 pages.
Ça commence ainsi
Les deux compères « en vrai ».
La biodynamie, c’est quoi ?
A la vigne : intensifier la vie du sol, la vie de la plante et leurs échanges.
La première caractéristique de la viticulture biodynamique est l’emploi de préparations spécifiques dans la conduite de la vigne. Il existe trois catégories de préparations : les préparats dynamisés, les préparats pour compost et les tisanes et décoctions.
La bouse de corne
La bouse de corne (dite préparation 500) sert à renforcer la vie souterraine de la vigne. La bouse de corne agit sur le système racinaire de la plante et accélère la mycorhize (la mycorhize désigne un type de symbiose associant une espèce de champignon aux racines de la vigne). La bouse de corne est une bouse de vache de bonne qualité que l’on introduit dans une corne de vache et que l’on enterre pendant la période hivernale pour la faire fermenter. « Cette préparation favorise la structure du sol, stimule la vie microbienne et la formation de l’humus » (Laurent Dreyfus, de la revue Biodynamis). Selon Pierre Masson (formateur et conseiller en biodynamie), « elle est un puissant édificateur de la structure du sol. Elle favorise l’activité microbienne et la formation d’humus. Elle régule le pH du sol en accroissant celui des sols acides et en atténuant celui des sols alcalins. Elle stimule la germination des graines, la croissance générale du système racinaire et particulièrement son développement vertical vers la profondeur. Elle aide à la dissolution des formations minérales dans les sols, même en profondeur (alios), et peut aider à lutter contre les phénomènes de salinisation. »
D’après Pierre Masson, la bouse de corne doit être employée à raison de 100 grammes dans un minimum de 30 litres d’eau de pluie. Selon Laurent Dreyfus, « une portion de 25 grammes dynamisée une heure dans un récipient de 25 litres permet de traiter environ 25 ares ». La dynamisation du préparat consiste à brasser l’eau dans laquelle on a mis la bouse de corne — une eau tiédie, à la température du corps humain —, de façon à former un vortex (un tourbillon). « Cette dynamisation a pour vocation d’oxygéner et de vivifier la substance » (L. Dreyfus). L’ensemble est ensuite pulvérisé dans l’heure qui suit la préparation, au moins deux fois par an, en général au printemps et à l’automne, peu avant que l’activité biologique des sols atteigne son plus haut niveau.
La silice de corne
L’autre préparat principal est la silice de corne (dite préparation 501). Le silicium est le constituant principal (47 %) de l’écorce terrestre. C’est du cristal de roche (quartz) broyé, enterré dans une corne de vache pendant la saison estivale. Complémentaire de la préparation 500, la 501 agit sur la partie aérienne des plantes pendant leur période végétative. Autrement dit, la silice de corne sert à accélérer la photosynthèse : elle « renforce énormément le métabolisme de la lumière (photosynthèse) », dit L. Dreyfus. Le quartz (silice cristallisée) favorise l’assimilation de la lumière solaire par la plante, aide au développement des feuilles, à l’équilibre de la fleur, à l’initiation florale de l’année suivante et donne l’énergie nécessaire à une bonne fructification. D’après Pierre Masson, la silice de corne est « essentielle pour la structuration interne » de la plante et pour son développement. « Elle favorise la pousse verticale des plantes », ce qui facilite le palissage de la vigne. « Elle accroît la qualité et la résistance de l’épiderme des feuilles et des fruits. » Enfin, « elle est déterminante pour assurer une bonne qualité alimentaire : la qualité nutritive des aliments est renforcée, leur goût et leurs arômes sont mis en valeur. » Les doses à pulvériser sont, là aussi, homéopathiques : 1 gramme de silice de corne brassé pendant une heure dans 5 à 10 litres d’eau, ce qui permet de traiter de 25 à 50 ares, soit 4 grammes dans 30 à 35 litres d’eau pour un hectare.
Le compost de bouse
Troisième préparat très fréquent en viticulture biodynamique : le compost de bouse mis au point par l’Allemande Maria Thun. « Il permet une bonne vie microbienne, explique L. Dreyfus, il active la décomposition des végétaux et des matières organiques et, de ce fait, il favorise une restructuration rapide des sols ». Ses composants aident à la formation de nombreux micro-organismes qui permettent de développer le complexe argilo-humique du sol. « On en met en novembre, juste après les vendanges, raconte David Rossignol (Domaine Rossignol-Trapet, Gevrey-Chambertin), pour améliorer la décomposition des matières organiques dans le sol ».
Et pour revenir à la BD et à Richard LEROY
Pas plus de 2,7 hectares pour cet ex-professionnel des sciences économiques, mais quels grands vins ! Lorsqu’il quitte la France, c’est pour aller en Allemagne et aider sa femme Sophie à vendre des produits français du terroir. Lorsqu’il quitte l’Allemagne, c’est pour revenir à Paris, dans le but de goûter le plus de vins possible. Et lorsqu’il quitte Paris, c’est cette fois pour rejoindre sa chère et tendre Loire, sur les coteaux du Layon…
Richard Leroy, star de la Bande dessinée les Ignorants a appris à travailler les sols de façon précise, en se basant sur l’observation, comme avant. Il sélectionne le meilleur de ses vignes pour réaliser des vins blancs dans son garage, reconverti en cuvage. Richard Leroy, tantôt fou de chenin, toujours orfèvre, tantôt rebelle..
Le refus volontaire des appellations.
Depuis 2008, Richard Leroy a décidé de déclassser ses cuvées en vins de France, en sortant volontairement de son appellation, fatigué des guerres interminables d’agréments et d’autorisations administratives.
Ses vins n’en sont pas moins qualitatifs, bien au contraire. Les cuvées de Richard Leroy offrent le meilleur de leur terroir, en s’exprimant avec classe, minéralité, salinité, droiture. En quantité malheureusement trop limitée, il s’agit ici bel et bien d’un vigneron qui sait y faire.