Le grand coup de Poutine

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Poutine
Source : Observatus geopoliticus

Poutine retourne les évènements à son avantage.

Le maître du Kremlin est-il en train de prendre les Kurdes aux Américains et de commencer à sceller la frontière syrienne contre les Turcs ? Ça en prend visiblement le chemin…

Qu’on l’aime ou pas, il est difficile de ne pas reconnaître en lui un génie stratégique de la veine d’un Richelieu ou d’un Sun Tzu. Selon les préceptes du judo qu’il affectionne tant, Vladimir « abracadabra » Poutine retourne toujours tout à son avantage, ce qui doit finir par être désespérant pour ses adversaires.

La réaction russe au « coup de poignard dans le dos » de la part de Ben Erdogan a déjà étonné par sa rapidité et son ampleur. Ce n’est d’ailleurs pas fini car l’on apprend maintenant que la coopération scientifique entre les deux pays est arrêtée et que plus de 1 000 camions turcs sont bloqués à la frontière. De plus, le Turk Stream risque bien d’être gelé par la partie russe, si l’on en croit des sources au sein de Gazprom. Mais il est évident que Moscou allait également tenter de retourner la situation à son avantage sur le plan stratégique.

Des informations émergent et elles ne sont pas tristes…

La Russie aurait commencé à s’entendre avec les YPG kurdes de Syrie afin de couper le passage entre l’Etat Islamique et la Turquie, ce qui changerait considérablement la donne stratégique. Nous avions déjà plusieurs fois évoqué ce qui n’était alors qu’une possibilité ; grâce à l’incident du Sukhoi, celle-ci se mue peu à peu en certitude, au grand dam du sultan qui risque de regretter longtemps, très longtemps son coup de folie.

Quelques explications sont nécessaires pour mesurer l’importance de la chose. Et d’abord une carte :
Syrie Irak

Après les échecs de Daech face aux Kurdes à Hassaké et à Kobané, la voie de communication avec le parrain turc est réduite à une porte d’environ 80 km, commençant un peu à l’est d’Aazaz et allant jusqu’à Jarabulus sur l’Euphrate (les deux points rouges sur la carte). On le voit, les YPG kurdes, bête noire d’Ankara qui les considère comme « terroristes », sont situées de part et d’autre et ne rêvent que de réunir leurs territoires (appelons-les pour l’instant « Kurdes Ouest » et « Kurdes Est »).

Le sultan avait décidé d’une ligne rouge à ne pas franchir pour les Kurdes syriens : l’Euphrate, au-delà duquel les avions turcs n’hésiteraient pas à les bombarder, ce qui est arrivé plusieurs fois. Le piquant de l’affaire est que ces mêmes YPG sont censés être les alliés des Etats-Unis, eux-mêmes alliés de la Turquie. Bref, un maelström sur lequel Poutine joue comme dans du velours, nous y reviendrons.

Lorsqu’à l’été il fut question d’une opération kurde pour prendre Jarabulus et perturber le ravitaillement de Daech, Ankara menaça d’intervenir militairement. Finalement, un accord fut trouvé entre Américains et Turcs. Les premiers assuraient aux seconds l’annulation de l’opération contre l’utilisation par les jets US de la base d’Incirlik. On en était là quand le Sukhoi a été abattu…

Si les « Kurdes Est » de Kobané n’ont pas encore bougé ni franchi l’Euphrate, les « Kurdes Ouest » ont fait mouvement et engagé la bataille dans la plaine au nord d’Alep… soutenus par les bombardements russes ! Les YPG ont pris le contrôle de plusieurs villages à un jet de caillou de la frontière turque, mettant en péril l’approvisionnement des terroristes « modérés » (Al Qaeda, Ahrar al Cham). Ce qui se profile à l’horizon est un mouvement en tenaille entre les « Kurdes est » franchissant l’Euphrate et les « Kurdes ouest », le tout protégé par les fameux S-400 russes qui vont abattre comme des mouches les avions turcs qui s’aventureraient dans la région.

Syrie Irak2

Les Américains, embringués dans des alliances totalement contradictoires.

Ils sont paralysés et ce diable de Poutine en profite avec délice. Si Moscou soutient les YPG, Washington ne pourra non seulement rien faire, mais même rien critiquer, puisque ces milices kurdes sont ses alliés théoriques ! Une fois de plus, Barack à frites verra avec horreur les Russes débaucher ses propres associés.

Car Vladimirovitch voit plus loin. Il a appelé Assad et le PYD (parti kurde chapeautant les YPG) à s’unir. Les Kurdes sont preneurs depuis un certain temps ; jusqu’ici, c’est Assad qui n’était pas très chaud, mais il est l’obligé de Moscou depuis la campagne aérienne lancée il y a deux mois. Cette alliance – qui semble déjà se faire sur le terrain militaire à défaut d’un accord politique formel – porterait un coup mortel à l’EI et autres terroristes modérés chers à l’Occident, giflerait les Turcs et embarrasserait terriblement les Américains.

Affaire à suivre