Quelques exemples de profiteurs de la situation : Chevron comme Exxon
Côté pile gentil:
Chevron adorerait le climat. La multinationale du pétrole dit «partager les inquiétudes des gouvernements et du public contre les risques du changement climatique». Reconnaît aussi «que l’utilisation des énergies fossiles» (pour «répondre aux besoins énergétiques mondiaux», hein) «contribue à augmenter les GES dans l’atmosphère». Et qu’il faut, évidemment, prendre des actions «prudentes et pratiques» pour y répondre.
Côté face méchant:
Comme Exxon, l’autre géant de l’or noir américain, Chevron a longtemps été l’un des principaux soutiens financiers des lobbies climato-sceptiques, think tank, centre de recherches, etc. Il continue de saper systématiquement toute tentative de renforcement législatif national ou planétaire pour lutter contre le changement climatique.
Chevron a aussi refusé le 28 mai d’avoir un expert climat indépendant dans son conseil d’administration. Refusé de se donner des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Refusé de mettre en œuvre une politique de rémunération des actionnaires tenant compte des risques induits par le changement climatique. Refusé de rallier la coalition montante d’entreprises qui militent pour fixer un prix au carbone…
Pire, Chevron – gratifié jeudi soir comme EDF d’un Prix Pinocchio du Climat, décerné par l’ONG Les Amis de la Terre – a été condamné en Equateur à verser 9,5 milliards de dollars pour la pollution de vastes zones de la forêt amazonienne entre 1964 et 1990 par Texaco, une société pétrolière américaine qu’il a rachetée en 2001, et la bataille juridique bat toujours son plein.
Chevron n’hésite pas non plus à multiplier, y compris avec l’appui de diplomates américains, les pressions pour obtenir, en dehors des Etats-Unis, des permis d’exploitation du gaz et du pétrole de schiste. Notamment en Argentine, en Patagonie, au sein de communautés mapuches.
«Chevon est le symbole des abus et des violations des droits humains», confie Pascoe Sabido, de Corporate Europe Observatory.
Le symbole, aussi «de l’impunité de grandes firmes qui continue à polluer envers et contre tout, cherche le profit à tout prix en pillant la planète, avec le soutien implicite du gouvernement américain.»
EDF
Côté pile gentil:
EDF sponsorise la COP 21 (à hauteur de 3,1 millions d’euros avec sa filiale ERDF, selon Attac, qui a aussi publié un guide du lobbying et du greenwashing spécial COP 21). Et ne se prive pas de l’exploiter. Sur son site web, l’électricien est tantôt «partenaire officiel d’un monde bas carbone», tantôt «acteur engagé concrètement dans la lutte contre le changement climatique». Notre punchline préférée : «Faites pas l’autruche devant le climat». EDF expose également ses «solutions» au Bourget dans un espace réservé aux entreprises.
Côté face méchant:
EDF n’est pas aussi «engagé» qu’il le dit. C’est plutôt le contraire. En privé, devant les journalistes, son PDG Jean-Bernard Lévy ne cache pas son manque d’affection (euphémisme) pour le photovoltaïque et l’éolien et s’étonne qu’on puisse se préoccuper du climat. L’électricité issue des énergies renouvelables (hors hydraulique) ne pèse que 5% dans la puissance installée du groupe dans le monde au 31 décembre 2014. Trois fois moins que celle tirée du «thermique fossile hors gaz», en clair le charbon et le fioul, qui compte pour 16%. Alors oui, l’électricien a fermé plusieurs centrales à charbon en France ces dernières années, divisant par deux ses émissions de CO2 entre 2013 et 2014, et répète à tout va qu’il n’a plus l’intention d’en construire de nouvelles. Mais il en possède toujours seize dans le monde, dont certaines, au Royaume-Uni, sont parmi les plus polluantes d’Europe.
En Chine, EDF s’est associé à l’électricien China Datang pour en construire une de 2 GW à Fuzhou d’ici 2016. «La première centrale charbon de type ultra-supercritique», se targue EDF, vantant un «impact moindre sur l’environnement» : au lieu de 900 g/kWh d’émissions de CO2 (pour une centrale à charbon classique), elle ne rejettera que… 800g/kWh. Super. «EDF profite clairement de la COP pour verdir son image. Mais c’est de l’esbrouffe, assène Malika Peyrault, chargée de campagne pour l’ONG Les Amis de la Terre. N’oublions pas que l’entreprise fait beaucoup de nucléaire qui, en plus de présenter un risque non maitrisé et potentiellement dramatique pour l’environnement, s’appuie sur une ressource d’origine fossile, l’uranium, dont l’extraction génère du CO2». Jeudi, l’ONG a décerné à l’électricien le prix «Pinocchio» du climat pour «l’utilisation controversé d’un sponsoring visant à étiqueter l’énergie nucléaire comme « propre » et pour ses investissements continus dans les ressources fossiles».
Coca-Cola
Côté pile gentil:
Coca-Cola expose depuis vendredi au Grand Palais à Paris ses actions dans les domaines du recyclage et de l’efficacité énergétique. La multinationale assure avoir réduit de 30% le poids de ses canettes sur les vingt dernières années et y intégrer 40% en moyenne de métal recyclé. Globalement, elle s’est engagée à baisser d’un tiers les rejets de CO2 générés par la fabrication de ses boissons d’ici 2020 par rapport à 2007.
Côté face méchant:
Le problème, c’est que pour produire ses 2 milliards de boissons servies chaque jour dans le monde, Coca-Cola a tendance à assoiffer certaines régions. La société utilise chaque année près de 305 milliards de litres d’eau pour remplir ses bouteilles, fabriquer les emballages, faire tourner ses usines, recycler ses produits, etc.
«La disponibilité de l’eau, sa qualité et sa pérennité sont des défis majeur pour l’entreprise, à la fois pour ses opérations et vis-à-vis des communautés environnantes», concède-t-elle dans son rapport annuel 2014.
A tel point qu’une de ses usines a été fermée l’an dernier en Inde par les autorités au motif qu’elle pompait trop d’eau dans les nappes phréatiques et menaçait l’agriculture locale. «La stratégie de Coca-Cola n’a pas évolué : miser sur des méga-usines pour réduire les coûts. Mais celles-ci ont très soif d’eau», déplore Sylvain Angerand, coordinateur de campagne aux Amis de la Terre. «Alors le groupe a inventé le concept de la compensation en eau, qui consiste à financer des projets de restauration de zones hydriques dont les volumes d’eau sont équivalents à ceux utilisés pour sa production. Coca-cola veut ainsi devenir «neutre en eau» d’ici 2020. Mais ces projets sont souvent menés loin des sites industriels. C’est une forme extrême de greenwashing. C’est la négation du droit à l’eau». Au Mexique, la multinationale replante des arbres dans la région du Chiapas pour réduire l’érosion des sols, mais n’évoque pas une restitution d’eau aux populations locales menacées par les 100 millions de litres d’eau qui y sont pompés chaque année par… elle-même.
Suez Environnement
Côté pile gentil
:
«Nous sommes convaincus qu’il y a urgence à donner un prix crédible au carbone», claironne Jean-Louis Chaussade, le DG de Suez Environnement, à longueur de tweets de l’entreprise. Sponsor de la COP21, très présente au Bourget comme au Grand Palais, Suez vante aussi ses «solutions technologiques pour lutter contre le dérèglement climatique», comme le – très énergivore – dessalement d’eau de mer. «Avec le soutien des pouvoirs publics», elle est par ailleurs à l’initiative de l’Alliance des Entreprises pour l’Eau et le Climat. «La COP21 est en quelque sorte la première COP de l’eau», dit même Chaussade.
Côté face méchant:
La jolie carte postale se ternit lorsqu’on lit le rapport de l’ONG américaine «Corporate Accountability International». Il se concentre surtout sur le «sale bilan» d’Engie (ex GDF-Suez), EDF, BNP-Paribas… et Suez Environnement. Celle-ci est ainsi accusée de «profiter du changement climatique». La partie distribution d’eau des activités de Suez est «de plus en plus concentrée sur les zones en stress hydrique et les régions déficitaires en eau, ce qui laisse penser qu’elle a pour objectif de tirer profit de cette rareté», dénonce l’ONG. Mieux, Suez a aussi des intérêts dans le traitement des eaux usées issues des mines de charbon, des sables bitumineux canadiens ou de l’exploitation des gaz et huiles de schiste.
Corollaire évident, l’entreprise fait activement du lobbying pour le schiste, notamment via le Centre hydrocarbures non conventionnels, auquel participent aussi Total, Engie, Vallourec ou les chimistes Solvay et Arkema. Quant à la volonté de donner «d’urgence» un prix au carbone, ardemment défendue depuis peu par les multinationales, y compris les plus émettrices de gaz à effet de serre, «c’est aussi une façon d’influencer le processus réglementaire et de l’amener sur le terrain du marché», dérégulé et spéculatif, estime Jesse Bragg, de Corporate Accountability.
Mais tout le monde s’en fout !
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