Le député des Pyrénées-Atlantiques ex-Modem Jean Lassalle,
61 ans, marcheur, chanteur, provocateur, sans étiquette politique et sans argent, a obtenu ses 500 signatures pour être au premier tour de la présidence de la République.
Avec l’accent rocailleux de son Béarn natal, il annonçait, le 17 mars 2016 : « Je veux être un candidat populaire qui est là pour retaper la France, pour aller vers le peuple. » Jean Lassalle, il y a un an déjà, professait que les 500 signatures ne seraient « pas un problème ». Et il les a eues, comme l’a confirmé samedi 18 mars le Conseil constitutionnel. En octobre 2016, Jean Lassalle sort un livre programme Un berger à l’Elysée. Programmé depuis son enfance, son chemin politique est pour lui une évidence.
« Je n’ai pas un sou, mais si les gens croient en moi, je trouverai de l’argent. » Sans étiquette depuis son départ du MoDem en 2016, où il est resté près de 10 ans, il a l’intention de créer un parti. « Le nom, je le trouverai avec le peuple ».
« Mon rêve c’était d’être rugbymen. » Du haut de son 1,92 m, Jean Lassalle en impose. Le rugby, il l’a dans la carrure, le nez à la Depardieu et surtout dans les veines. Il a transmis sa passion à ses trois fils. Thibault, l’aîné est pro dans l’équipe de Castres olympique : « Mon père Président, ça ne me fait pas rêver. Mais, ce n’est pas une surprise. Il est si déterminé. »
Jean Lassalle, en février 2017, à Paris. | AFP
« Une force de la nature »
L’an dernier, Ouest-France le rencontrait à l’Assemblée nationale où il siège depuis 2007. Ce qui frappe: ses mains, énormes, abîmées par les travaux de la terre. « J’aime débroussailler, me servir de ma moto bineuse, me confronter à la terre », affirme l’ancien berger. Il y trouve la sérénité, « un moment pour réfléchir ».
Le montagnard est né le 3 mai 1955, à Lourdios-Ichère. « Ma maison, c’est dans la montagne. Le village est loin de tout. » Une enfance sereine, chantante mais très modeste, dans une famille de bergers transhumants, sa mère est communiste et son père gaulliste. Avec ses deux sœurs et son frère, il a l’habitude de côtoyer des objecteurs de conscience à la bergerie. Il écoute les paroles de ces hommes. Il sympathise.
Bernard Bourguinat, l’un d’eux, se souvient : « Jean avait une maturité précoce. Il souffrait du regard des enfants du village. » Chaque jour, pour aller à l’école, il descend de la montagne par les chemins. Pas de routes. Il se le promet : « Un jour, je serai le maire. Je ferai une route. » Et il n’a pas de doutes…
« C’est une force de la nature », affirme son ami d’enfance, Didier Hervé. À 14 ans, ils étaient ensemble au lycée agricole. « Introverti, il regardait toujours par la fenêtre. » Mais, c’était au début. « Il a fini animateur des soirées du lycée. » Jean Lassalle confirme : « Au lycée, j’avais des boutons, les cheveux longs, j’étais grand et dégingandé, je n’étais pas très beau. »
Les mandats s’enchaînent
L’admirateur de De Gaulle et de Gandhi est élu maire de Lourdios-Ichère, dans la vallée d’Aspe, le 20 mars 1977. Il a 21 ans. « Comme mon père, j’étais berger. Mais la politique a été plus forte. » C’est son frère cadet Julien qui reprend le troupeau.
Jean Lassalle a « le désir de convaincre ». Les mandats s’enchaînent : conseiller général de 1982 à 2015, élu au Parlement de Navarre (Pau) et député depuis 2002, et même président de l’Association des populations des montagnes et du monde (APMM).
À 23 ans, en boîte, sur les Champs-Élysées, à Paris, il a rencontré Pascale. Elle est devenue sa femme et la mère de leurs quatre enfants. Elle n’est jamais très loin. Son mari Président, elle ne se voit pas habiter à l’Élysée : « Je resterai à Lourdios-Ichère, il fera son travail. »
Actions atypiques
Lysiane Palacin, sa collaboratrice parlementaire, le décrit comme « un homme de caractère, au parler vrai, un homme de combat ». Il se démarque par des actions atypiques. Le 3 juin 2003, droit comme un I, il entonne le Si Canti, un chant de son enfance, pour contrer Nicolas Sarkozy à l’Assemblée nationale. Il veut se faire entendre : « Lorsque tout a été essayé, il reste le chant. » Jean Lassalle est aussi un mélomane admirateur de Vivaldi.
En 2006, il s’engage dans une grève de la faim contre la délocalisation d’une usine. Ces 39 jours ont laissé des traces sur la santé du candidat. « J’ai réussi à maintenir environ 140 emplois », se réjouit-il. L’usine tourne toujours, il a perdu 21 kg.
Aux élections régionales en 2010, il fait le buzz avec son slogan « Vous ne le savez pas encore, mais vous allez voter pour moi. » Il fait 16 %. « Il avait transformé l’essai », s’amuse Bernard Bourguinat. Jean Lassalle croit en sa « bonne étoile ».
« Parti seul en croisade »
Il a été évincé aux dernières régionales et son amitié de 40 ans avec François Bayrou est en berne. Jean Lassalle est depuis « parti seul en croisade », tandis que François Bayrou a fait alliance avec Emmanuel Macron, qui a aussi approché le député des Pyrénées-Atlantiques par SMS, selon lui.
En 2013, le député fait un tour de France à pieds – une « promenade » de plus de 5 000 kilomètres qui a duré 8 mois et qui a nécessité un emprunt à la banque. Jean Lassalle s’excuse presque : « Pascale a dû vendre son élevage de porcs de montagne pour tenir. »
Lors de ce tour très médiatisé, il est allé à la rencontre « du peuple français », écouter, recueillir. « Je suis le candidat qui connaît le mieux la France », martèle-t-il.
Son cheval de bataille, ce sont les énergies renouvelables. « Les marées de la façade maritime et le soleil, c’est ça l’avenir. » Il s’emporte à l’évocation du pétrole. Il insiste : « Sauver l’Afrique, c’est aider cette population à apprivoiser le soleil. » Son programme se fera avec l’Afrique. Bernard Bourguinat l’affirme : « Il ira jusqu’au bout. »
Parti voir Bachar al-Assad en janvier
S’il est élu, il promet « de rassembler ce grand peuple qui est le nôtre, qui est divisé et désespéré ». Il veut lutter contre « un système purement spéculatif et libérer les gens de l’oppression financière ». Sans vouloir sortir de l’Union européenne, il entend négocier des « marges de manœuvre ».
Jean Lassalle entend passer aux énergies renouvelables « car on va bientôt sortir du pétrole ». Il retirera immédiatement « nos troupes du Proche-Orient où on tire sur des amis ». En janvier dernier, Thierry Mariani, Nicolas Dhuicq (LR) et lui se sont rendus à Damas pour discuter avec Bachar al-Assad. « Je suis dans l’incapacité de dire si ce qu’il fait, c’est bien ou mal. Je ne suis pas un tribunal, je ne suis pas La Haye ! », déclare-t-il à Sud-Ouest à son retour.
L’homme de la terre, Jean Lassalle souhaite « remettre à la mode la campagne de France, car c’est le cœur du pays, et réhabiliter toutes les provinces. » Ce n’est pas une blague, le député veut « mettre en avant les arts martiaux pour que les gens puissent se défendre. »
« Le pays est en train de s’écrouler. Cette campagne est indigne », expliquait-il au début du mois de mars en Vendée. Si vous voulez qu’on sorte de cet ennui mortel, il faut injecter du Jean Lassalle dans le turbo. »
Quelques morceaux choisis de Jean Lassalle