« Pourquoi j’ai mangé mon père » est un roman extrêmement drôle et surprenant qui parle avec humour de l’évolution des hommes durant la préhistoire.
On se retrouve alors en plein pléistocène (entre -500 000 et 300 00 ans environ), dans une famille de pithécanthropes erectus (Homo Erectus, évolution de l’Homo Habilis) très particulière.
En effet, le père et chef de famille, Édouard, veut faire évoluer l’espèce.
Ses inventions sont le fil conducteur du livre. On découvre ainsi comment successivement, il a découvert le feu, sa capacité à solidifier les armes de chasse, l’art, la cuisine…
Tel un scientifique fou, il cherche continuellement de nouvelles créations qui feront avancer l’espèce entière. Le narrateur est interne à l’histoire, c’est le fils d’Édouard, Ernest. Moins intéressé par le progrès que son père, ce qui l’importe le plus, c’est juste de vivre tranquillement, en compagnie de sa charmante femme, Griselda.
Un autre personnage joue un rôle important dans cette histoire, le frère d’Édouard, Vania, très conservateur, cet homme est toujours contre les inventions de son frère et n’hésite pas à le lui faire remarquer, sa devise, Back to the trees, montre son attachement à la vie de ces ancêtres arboricoles…
Pourtant, tout en se disputant avec son frère, il profite de ses inventions sans aucune gêne… (encore un antisystème qui en profite !)
Bref, tandis que son père, donnait les clés de ses expériences à tous les membres de son espèce qu’il rencontrait, qu’il inventait tous les jours des ustensiles plus dangereux les uns que les autres, Ernest et ses frères commencent à se demander ce qui serait le mieux pour la sécurité de l’espèce, laisser leur père découvrir les secrets du monde et les divulguer aux autres pithécanthropes ou alors l’éliminer…
Ce roman montre comment l’homme veut toujours inventer de nouvelles choses, évoluer trop vite, souvent à son détriment.
C’est un vrai miroir de la société que nous propose Roy Lewis, avec d’un côté ceux qui ne se soucient pas tellement de l’évolution de l’espèce et qui profitent des inventions quand elles arrivent, mais ne sont pas gênés de leur absence.
De l’autre côté, on voit, à travers le personnage de l’oncle Vania, ceux qui se plaignent tout le temps de la marche du monde mais qui sont les premiers à l’utiliser à leur avantage. Un livre qui fait rire au premier abord mais qui fait ensuite réfléchir sur les fondements de notre société moderne.
Pourquoi il faut lire ce livre ?
A la différence des autres livres traitant du même sujet, « Pourquoi j’ai mangé mon père » prend le parti de nous cultiver en nous faisant rire. Les personnages s’expriment comme vous et moi mais ils vivent dans la Préhistoire ! Et ça, ça change tout.
Situations plus qu’hilarantes et dialogues inoubliables s’enchaînent alors au fil des pages. Ainsi à propos de la chasse : « L’ennui, c’était qu’elle (la viande) était toute sur quatre pattes. Et d’essayer de chasser la viande sur quatre pattes […] quand on essaie de se tenir soi-même difficilement sur deux, c’est littéralement un jeu d’andouilles. » Ou plus loin, à propos des repas : « Oser dire à maman qu’on ne voulait pas de ceci ou de cela, de la fourmi pilée, du crapaud mariné, c’était vouloir s’attirer une bonne baffe. »
« Pourquoi j’ai mangé mon père » est également un joli conte sur la société, la famille, l’éducation et l’éternel débat entre ceux qui veulent faire bouger les choses et ceux qui pensent que « c’était mieux avant ». Le mot de la fin revient à Edouard parlant à ses fils : « Votre devise, nous disait-il gravement, ce doit être de donner à vos enfants, comme j’ai tenté de le faire, un départ meilleur que n’a été le vôtre. »
Quelques mots sur l’auteur
Roy Lewis (1913 – 1996).
Né le 6 novembre 1913 à Felixstowe, il a grandi à Birmingham, et poursuivi ses études à Oxford avant d’intégrer la London School of Economics. En 1938, il part sillonner l’hémisphère sud, avec sa jeune épouse, Kloé avec laquelle il eut 2 enfants. Après un long séjour en Australie, il rentre en Angleterre en 1946 et entreprend alors la rédaction d’ouvrages socio-économiques.
Son ami Timothé Bouchard, anthropologue, l’amène à s’intéresser au passé de l’espèce humaine. C’est à la suite de leurs conversations que Roy Lewis écrivit « Pourquoi j’ai mangé mon père« .
Le livre a été traduit en français et préfacé par Vercors (Le silence de la mer, Les animaux dénaturés …) à la demande enthousiaste de Théodore Monod !
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