Hommage à Christine de Pizan

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Christine de Pizan née à Venise en 1364 et morte au monastère de Poissy vers 1430, est une philosophe et poétesse française de naissance italienne.
Veuve à 26 ans, elle gagna sa vie en écrivant : elle fut la première femme à vivre de sa plume. Son chef-d’œuvre, La Cité des Dames illustres, est une allégorie où différentes figures féminines du passé dialoguent sur la place de la femme dans la société. C’est le premier ouvrage réellement féministe de la littérature.
Mais le nom de Christine de Pizan est très vite oublié et, pendant longtemps, la postérité crut que l’auteur du texte était un homme, car autant d’érudition et et de génie ne pouvaient être attribués à une femme.
La critique a largement rendu justice à la première écrivaine qui a laissé une œuvre considérable.

Cuer qui en tel tristour demeure.

Se de douloureux sentement
Sont tous mes dis, n’est pas merveille,
Car ne peut avoir pensement
Joyeux, cuer qui en dueil traveille.
Car, se je dors ou se je veille,
Si suis je en tristour a toute heure,
Si est fort que joye recueille
Cuer qui en tel tristour demeure.

Noublier ne puis nullement
La trés grant douleur non pareille.
Qui mon cuer livre a tel tourment,
Que souvent me met a l’oreille
Grief desespoir, qui me conseille
Que tost je m’occie et accueure;
Si est fort que joye recueille
Cuer qui en tel tristour demeure.

Si ne pourroye doulcement
Faire dis; car, vueille ou ne vueille,
M’estuet complaindre trop griefment
Le mal, dont fault que je me dueille;
Dont souvent tremble comme fueille,
Par la douleur qui me cueurt seure.
Si est fort que joye recueille
Cuer qui en tel tristour demeure.

Tant ont a durer mes peines.

Je suis loings de mes amours,
Dont je pleure mainte lerme;
Mais en espoir prens secours
Que tost revendra le terme
Qu’il m’a mis de retourner.
Ja sont passées trois sepmaines,
Six en devoit sejourner,
Tant ont a durer mes peines.
Tant le desire tousjours
Qu’en suis malade et enferme.
Or venez doncques le cours,
Amis que j’aim d’amour ferme,
Et vous ferez destourner
Mes angoisses trés grevaines;
Car jusques au retourner
Tant ont a durer mes peines.
Pour mener mon dueil en plours,
Souvent a par moy m’enferme;
Mais ce garist mes doulours
Qu’a bon espoir je m’afferme
Que Dieu vous vueille amener,
Ou tost nouvelles certaines;
Jusques la me fault pener,
Tant ont a durer mes peines.

Christine de Pizan