France Trésor est l’agence en charge de la gestion de notre dette publique.
A ce titre, c’est elle qui place notre dette sur les marchés. Pour ce faire, « l’Agence France Trésor est assistée dans la gestion de la dette de l’État par le Comité stratégique, qui aux côtés des spécialistes en valeurs du Trésor, la conseille sur les grands axes de la politique d’émission de l’État. Il aide l’Agence France Trésor à mettre en œuvre de façon concrète, en les approfondissant, les principes de sa politique d’émission ».
La composition du comité stratégique en surprendra peut-être plus d’un (ou pas …) :
– Le président, M. Jacques de la Rosière, ancien patron de la Banque de France et du FMI, est aussi président du think tank Eurofi, qui prétend conseiller les gouvernants sur la régulation financière. Sauf que les membres de ce think tank (voirici) sont à peu près toutes les grandes banques européennes (BNP Paribas, Société Générale, Crédit Suisse, etc.) et américaines (Goldman Sachs, Bank of America, JPMorgan, etc.). On peut donc raisonnablement augurer que les « préconisations » d’Eurofi ne seront guères contraignantes pour les amis de François Hollande, Michel Sapin, et autres Nicolas Sarkozy. M. de la Rosière conseille aussi Michel Pébereau, le très influent patron de BNP Paribas.
A noter qu’il a 84 ans. On ne se lasse décidemment jamais des affaires et du pouvoir …
– M. Marc-Antoine Autheman est président du conseil d’administration d’Euroclear. Basée en Belgique, il s’agit d’une société financière internationale de dépôt et de règlement/livraison. Autrement dit, une « banque des banques » qui assure les transactions entre elles. Elle partage ce privilège avec la désormais célèbre, bien que discrète, Clearstream. Après avoir été directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy (ce qui lui a permis de participer aux grands mouvements de libéralisation de la finance), Marc-Antoine Authmean a également dirigé la Banque de Financement et d’Investissement (BFI) du Crédit Agricole.
– M. Günther Braünig siège au conseil d’administration de KfW, l’une des plus grosses banques allemandes.
– Mme Satu Huber est directrice générale de Local Tapiole Pension, un fonds de pension suédois.
– M. Assaas J. Jabre est membre du conseil d’administration d’Ecobank, un réseau de banque qui couvre une large partie de l’Afrique.
– M. René Karsenti est président de l’International Capital Market Association (ICMA), une organisation interprofessionnelle mondiale regroupant les banques d’investissement et les maisons de titres.
– M. Ng Kok Song est président du Global Investments du Government of Singapore Investment Corporation (GIC), le fonds d’investissement singaporien (mais loin de nous l’idée de considérer Singapour comme un paradis fiscal, puisque « les paradis fiscaux, c’est fini », dixit notre ancien président).
– M. Dino Kos est le Directeur des Global Regulatory Affairs de CLS, une entreprise américaine spécialisée dans le conseil financier. Il a également officié chez Morgan Stanley.
– M. Bertrand de Mazières est directeur général des finances de la Banque européenne d’investissement (BEI).
– M. Thomas Philippon, grâce lui en soit rendue, est le seul économiste du lot!!!! Il a, notamment à travers Le capitalisme d’héritiers, la crise française du travail (La République des idées, 2007), dénoncé les bonus et stock-options excessifs.
– M. Yong Yin est directeur général du centre de gestion des réserves de la State Administration of ForeignExchange (SAFE), l’organisme de régulation des échanges financiers internationaux de la Chine.
On ne trouve donc que, dans une quasi exclusivité, des banquiers ou assimilables comme tels. A l’exception – notable – de M. Philippon (qui sert de caution morale ?), il ne se trouve aucun économiste, aucun véritable haut fonctionnaire (encore en activité), aucun représentant politique, aucun représentant d’une quelconque association.
Le conseil pour la réalisation de nos emprunts publics est donc confié à ceux-là même à qui nous empruntons …
Comme si une entreprise se faisait conseiller par l’avocat d’affaires de son client ou de son débiteur …
On rétorquera encore, un peu facilement, que pour de tels conseils, il faut un haut niveau d’expertise que l’on ne retrouvera que dans le monde de la finance.
Mais la France ne regorge-t-elle pas de suffisamment d’économiste hautement qualifiés et de hauts fonctionnaires amplement formés et expérimentés ? Avec de tels raisonnements, on en finirait par recruter les policiers chez les délinquants …!
Ce qui est certain, par contre, c’est que ce n’est certes pas avec de tels « conseillers » que le pouvoir en place infléchira quoi que ce soit dans la financiarisation de l’économie, ni remettra quoi que ce soit en cause dans les dogmes des politiques néolibérales en vigueur.
Et ce n’est certes pas d’un tel conseil que viendra l’inconcevable idée d’emprunter auprès de notre banque centrale.
… et je vous dis pas les salaires …!
_________________________________________________________________________