Les Etats pourront-ils être condamnés pour crime climatique et violation des droits des générations futures ?

Partager

tribunaux
Source : d’après Valérie Cabanes www.bastamag.net

C’est une lacune du droit international.

Comment garantissons-nous aux générations futures le droit de vivre dignement dans un environnement sain ?
Des déclarations – celles de Stockholm, de Rio et de Vienne – appellent à reconnaître notre droit à un environnement sain et notre devoir de le léguer aux générations suivantes. Mais aucune sanction n’est prévue pour ceux qui menacent ce droit, il n’a même pas été élevé au rang de droit fondamental de l’homme. Et pourtant il en va de la pérennité des conditions de la vie sur terre.

Nous avons franchi des limites.

Le réchauffement climatique mais aussi toutes les autres limites planétaires que nous avons franchies ou que nous sommes sur le point de franchir – érosion de la biodiversité, déforestation massive, pollution des eaux et des sols, acidification des océans – sont des conséquences directes de nos modes de consommation et de production depuis l’avènement de l’ère industrielle. En 150 ans, en misant sur son développement et son confort via les énergies fossiles et l’exploitation effrénée des ressources terrestres, l’homme a bouleversé l’écosystème terrestre.

Et nos choix menacent aujourd’hui la Paix et la sécurité humaine.

Quand des enfants font trembler des industriels.

Rassurez-vous je dis seulement « trembler ».

Pour protéger leur avenir, des jeunes américains se sont regroupés en 2011 et ont intenté ce qu’on appelle aux États-Unis une « class action » contre six agences fédérales américaines. Kids vs. Global Warming (« Enfants contre le réchauffement climatique ») représentée par son fondateur Alec Loorz, activiste depuis l’âge de 12 ans, et WildEarth Guardians (« Guardiens de la Terre sauvage ») représentée par son fondateur Xiuhtezcatl Martinez, 14 ans, ont attaqué collectivement le gouvernement américain.

Celui-ci est accusé par les jeunes plaignants d’avoir condamné leur avenir en ne mettant pas en place une stratégie pour éviter le scénario catastrophe d’une augmentation de 2°C d’ici à la fin du siècle.
La Cour suprême a rejeté la plainte début mai 2014 considérant qu’elle n’avait pas la compétence pour protéger des ressources naturelles. (Ben tiens ! C’est pas nous, on ne sait pas !)

L’affaire a cependant fait trembler la plus grande association d’industriels américains, l’American Association of Manufacturers, qui représente notamment les intérêts du secteur des énergies fossiles.

Les peuples arctiques face à la fonte des glaces

Les peuples arctiques, dont les moyens d’existence sont menacés par la fonte des glaces, ont eux-aussi décidé de déposer une plainte contre le gouvernement américain auprès de la Commission interaméricaine des Droits de l’Homme. Ils demandent à ce que les États-Unis soient contraints de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Si la plainte est jugée recevable, la Cour interaméricaine des droits de l’homme l’instruira. Cela paraît peu probable car les États-Unis n’ont pas ratifié la déclaration des Droits de l’homme de 1948, aussi incroyable que cela puisse paraître.

Mais toute dénonciation de la Commission aura un impact diplomatique percutant, aucun État n’appréciant d’être pointé du doigt.

Pour l’heure, les intérêts de nos gouvernants restent intimement liés aux intérêts du secteur privé, en particulier à toutes les entreprises multinationales qui financent les campagnes politiques et où l’État est parfois lui-même actionnaire.

Cette collusion des intérêts permet aux 90 entités (multinationales, certains États) qui produisent les deux-tiers des émissions de gaz à effet de serre de dicter des normes qui leur sont favorables dans un souci de profits.

Une lueur d’espoir.

Un espoir nous vient des Pays Bas.

En juin dernier, un tribunal de La Haye a donné raison à la plainte de 886 citoyens contre leur gouvernement. Les plaignants avaient demandé aux juges de qualifier un réchauffement climatique de plus de 2 °C de «violation des droits humains».

Dans son jugement, le tribunal a estimé que l’État néerlandais devait réduire ses émissions afin de respecter « la norme de 25 à 40 % que les scientifiques et les politiques internationales estiment nécessaire pour les pays industrialisés (…) en raison de son devoir de vigilance pour protéger et améliorer l’environnement ».

Depuis ce verdict, des citoyens s’organisent dans de nombreux pays pour agir en justice contre leur propre gouvernement, notamment en France.

Les secteurs polluants doivent répondre de leurs décisions.

Mais pour le mouvement End Ecocide on Earth, il faut aller encore plus loin. Nous demandons en effet que ceux qui détiennent notre destin commun en mains, en particulier ceux qui dirigent le secteur pétrolier, celui de l’agro-industrie, du nucléaire, ceux qui subventionnent et spéculent sur ces marchés, soient encadrés par le droit pénal international.

Il faut qu’ils puissent répondre de leurs décisions quand celles-ci impactent la survie de populations entières en détruisant leurs conditions d’existence, même si cela permet d’offrir plus de confort à quelques-uns d’entre nous.

C’est tout simplement immoral et suicidaire à long-terme.

Mais tout le monde s’en fout !