IL N’Y A PAS PIRE SOURDS QUE CEUX QUI NE VEULENT PAS ENTENDRE !

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Source : d’après en partie l’article de DENIS SIEFFERT SUR POLITIS

Les causes du Brexit sont européennes

Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a assuré vendredi que le vote historique britannique en faveur d’un retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne ne signifiait pas le début de la fin pour l’UE.

A une question en conférence de presse lui demandant si ce vote signifiait la fin de l’UE, Jean-Claude Juncker a répondu « non », avant de quitter rapidement le podium et d’être longuement applaudi par les nombreux fonctionnaires européens présents dans la salle de presse qui ont peur pour leur gagne pain.
Les prophètes de la dernière heure se sont donc trompés.

Ils prédisaient le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne, et c’est le Brexit qui l’a finalement emporté, à l’aube de ce 24 juin, avec 51,9% des voix. Ils ont eu le tort de trop scruter les réactions de la « City » que l’on disait, en toute fin de campagne, résolument optimiste.

Ils ont oublié que c’est le peuple qui décide, encore un peu et, non la finance, même si la finance est la mère de l’UE.

Deux populations qui s’affrontent.

La finance est leur boussole. Elle n’est visiblement pas celle de la majorité des Britanniques. Et c’est peut-être bien là le fond du problème. Ce sont deux populations qui se sont affrontées dans cette affaire. Il n’y a qu’à regarder la répartition géographique du vote pour s’en convaincre : Londres pour le maintien ; le centre et le nord de l’Angleterre, frappé par le chômage et la précarité, pour le Brexit.

Un vote qui fait écho à une volonté d’indépendance qui ne tardera pas à se manifester de nouveau.

Alors, faut-il se réjouir de ce Brexit ?

C’est assurément un énorme coup de pied dans la fourmilière européenne qui en avait bien besoin. Mais c’est aussi le fruit d’une campagne menée avec de mauvais arguments, souvent xénophobes, et dominée par la droite du parti conservateur et le parti d’extrême droite, Ukip. Et c’est le principal dirigeant de ce mouvement, Nigel Farage, qui criait le plus bruyamment victoire, vendredi matin.

Les Britanniques, les Anglais principalement, ont voté « contre » le maintien. Contre une perte de souveraineté, contre le mépris dont les ouvriers, et les plus démunis, ont à juste titre le sentiment d’être les victimes. Un sentiment qui s’est cristallisé conjointement sur Bruxelles et sur le Premier ministre, David Cameron.

On ne manquera pas de voir quelques similitudes avec le vote des Français contre le traité constitutionnel, en 2005 (qui ne servit à rien !). Mais avec une grande différence qui, précisément, nous empêche de nous réjouir et nous inspire même bien des craintes : c’est la gauche sociale qui avait dominé le référendum français ; c’est la droite extrême qui a monopolisé les débats en Grande-Bretagne.

La finance va se venger sur le peuple.

Au lendemain du Brexit, tous les experts s’efforcent d’en mesurer les conséquences : fuite des capitaux, délocalisations (JP Morgan annonce déjà des licenciements), inflation… La City va se venger. Et d’une façon ou d’une autre, les électeurs du Brexit en feront les frais. Mais je ne me risquerai pas pour ma part à prédire l’avenir. Plutôt que de prévoir les conséquences incertaines, il est urgent d’analyser les causes. Car elles ne sont pas spécifiquement britanniques.

Imaginez si le même référendum était organisé aujourd’hui en France !!!

L’UE, l’instrument des institutions financières.

Ce n’est plus le peuple qui dirige l’UE, ce sont les marchés et leurs lobbies institutionnalisés.

Ce qui s’est exprimé de cette façon avec le Brexit, s’exprime un peu partout en Europe. La large victoire du mouvement Cinq étoiles à Rome et dans plusieurs grandes villes italiennes, la percée de l’extrême droite en Autriche, le succès prévisible de Podemos en Espagne, la progression du Front national en France, sans oublier les précurseurs grecs de Syriza, sont autant de manifestations d’un soulèvement non contre le principe européen, mais contre l’Union européenne telle qu’elle apparaît aujourd’hui aux peuples. C’est-à-dire comme l’instrument des institutions financières, et des politiques d’austérité.

C’est un sentiment d’impuissance qui s’exprime contre l’Union européenne et les grands partis traditionnels, libéraux ou sociaux démocrates. C’est une révolte contre une chape de plomb, et contre un déni systématique de démocratie, comme on l’a vu en France après le référendum de 2005, et plus cruellement encore, après le référendum grec de juillet 2015. Et comme on le voit ces jours-ci encore dans notre pays avec le mépris affiché par le gouvernement face à une opinion hostile à une loi travail largement inspirée par l’Union européenne.

Ce mouvement de révolte est engagé. Il aura lieu. Il a lieu. La grande question est de savoir quelles sont les forces politiques qui vont l’exprimer. En Espagne, Podemos représente, pour les élections du 26 juin, une espérance aux antipodes des partis qui ont animé la campagne du Brexit. Cette question est également au cœur du débat politique en France.

A chacun son « Brexit ».