Turquie : ou comment devenir un dictateur élu démocratiquement

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Les turcs, après avoir voté comme des pieds, risquent de se retrouver avec une balle dans la tête, alors qu’ils se sont tiré la balle dans le pied !

La réforme constitutionnelle devrait normalement rentrer en vigueur en 2019.

Théoriquement M.Erdogan – qui a déjà quatorze ans de pouvoir à son actif – pourrait rester aux manettes jusqu’en 2029, à la condition qu’il soit réélu lors des présidentielles de 2019 et de 2024. Mais c’est facile, des élections cela se truquent.

Ses ambitions sont à la mesure d’Atatürk dont l’héritage s’efface progressivement de l’histoire officielle. Erdogan a une ambition à long terme, résumée dans sa « vision 2023 » : faire entrer Turquie dans le Top 10 des puissances économiques mondiales, augmenter le nombre de touristes et celui des médecins.

On célébrera en 2023 le centenaire de la fondation de la République turque. Ce sera un moment clé, hautement symbolique. Mais dans l’intervalle, le futur super-président devra gérer un pays divisé.

Vers un pouvoir dictatorial.

Peut-on changer l’organisation d’un pays et la nature de son pouvoir politique avec une si courte majorité ?

Avec 51,2 % des votes en sa faveur, mais dans l’attente des résultats définitifs, Recep Tayyip Erdogan semble avoir remporté son pari de faire avaliser par les électeurs turcs le passage à un système présidentiel fort, mais à quel prix : une opposition laminée, des dirigeants kurdes en prison, des médias réduits au silence, près de 100 000 fonctionnaires licenciés au prétexte qu’ils auraient des affinités avec le coup d’Etat avorté de l’été 2016.

En dépit de la victoire annoncée du « oui » dans l’ensemble du pays, le camp du « non » l’a emporté dans les trois principales villes, Istanbul, Ankara et Izmir. « C’est une victoire pour Erdogan mais aussi une défaite. Il a perdu Istanbul, là où il a entamé sa carrière politique », en devenant maire en 1994, a écrit sur Twitter Soner Cagaptay, analyste spécialiste de la Turquie au Washington Institute. Les régions peuplées en majorité de Kurdes du Sud-Est ont aussi massivement voté contre l’accroissement des prérogatives du chef de l’État.

Il apparaît que la Turquie est profondément divisée en deux camps : une aile républicaine, citadine, plutôt de gauche et laïque, et une aile religieuse et conservatrice, provinciale, décidée à restaurer l’islam comme le liant social de la Turquie, là où le fondateur de la République, Mustafa Kemal Atatürk, en avait fait une religion d’Etat strictement contrôlée.

Peu de mouvements de foule ont été observés en début de soirée. Des manifestants qui tentaient de se rendre devant la Haute Commission électorale, sur l’avenue Mithat Pasa, dans le centre de la capitale, ont été bloqués par la police.

Le CHP, le principal parti d’opposition, a demandé en début de soirée un nouveau décompte des voix pour 60 % des bureaux de vote.

Président jusqu’en 2029, et plus s’il réserve d’autre surprises !

Si sa victoire devait être officiellement confirmée, lui qui a échappé à une tentative de putsch le 15 juillet disposerait non seulement de pouvoirs considérablement renforcés, mais pourrait en théorie rester à la tête de l’État jusqu’en 2029.

Il a également évoqué la possibilité d’organiser un nouveau référendum, cette fois-ci sur le rétablissement de la peine capitale, une initiative qui sonnerait le glas du processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

Et pourquoi pas l’instauration de la charia ! C’est un musulman pur et dur. Le port du voile généralisé c’est sûr les turcs y auront droit.

Les Turcs résidant à l’étranger ont voté beaucoup plus nettement en faveur du oui.

Liban mis à part, c’est en Belgique que le taux de « oui » au référendum turc a été le plus élevé. C’est ce qui ressort de chiffres de l’agence de presse turque Anadolu, alors que 99,45% des voix avaient été comptés.

Alors que le camp du « oui » semble l’emporter à 51,2% en Turquie même, il obtient en Belgique 77,1%. Seul le Liban, avec 93,9% de « oui », enregistre un score plus élevé. En Belgique, quelque 44.500 bulletins avaient été dépouillés vers 22h00. Plus de trois quarts des voix se sont exprimées pour les modifications constitutionnelles que le président turc Recept Tayyip Erdogan veut mener.

Le « oui » a enregistré des score élevés dans d’autres pays d’Europe: en Autriche (73,2%) et aux Pays-Bas (70,3%), puis en France (65,2%), en Allemagne (63%) et au Danemark (60,6%).
Le camp du « non » l’a emporté ailleurs, notamment en Espagne (86,7%) et au Royaume-Uni (79,1%). L’opposition semble aussi forte aux Etats-Unis et au Canada. Sur 28.000 bulletins dépouillés aux Etats-Unis, plus de 23.000 étaient négatifs (82,9%), et trois quarts des bulletins au Canada exprimaient un « non ». Des chiffres comparables étaient remarqués en Russie (2.400 votes) et en Chine (900 votes).

Venus assister au discours du Premier ministre Yildirim à Ankara, des partisans de l’AKP ont laissé éclater leur joie même s’ils s’attendaient à une plus large victoire du « oui ». « On attendait plus, mais je suis heureuse », clame, une jeune femme tenant un drapeau turc à la main. « Ce résultat montre qu’une partie du pays conservatrice, ne veut pas rendre le pays plus fort et a une mentalité européenne, l’autre partie progressiste, ce sont des vrais Anatoliens », a renchéri un autre supporteur.