Désolé ! Deux critiques de livre qui se suivent ayant la mort pour personnage ! Je ne suis pas obsédé par le sujet ! C’est une pure coïncidence due au hasard de la lecture.
Le sujet.
Yves débarque dans sa ville natale, une bourgade provinciale de 7000 âmes. C’est l’été et il fait une chaleur écrasante. En provenance de Paris, criminologiste et écrivain, il initie une année sabbatique qu’il passera dans sa maison d’enfance en compagnie de Maria, la bonne qui l’a élevé et qui, bien que vieille, est toujours active. Il retrouvera son ami de toujours, Pergaud, ainsi que d’autres collègues policiers, Michel et Jaubert.
Cette année sera également une année de réflexion, loin de son épouse Mireille et proche de sa belle-sœur Marie qu’il a toujours aimée en secret.
Toutes les conditions sont donc réunies pour faire de ce temps un temps de vacuité, mais les événements en décident autrement.
Le premier suicide réussi n’est guère suspect. Il est, peu à peu, suivi par d’autres, tout aussi inexplicables :
« Mais le lendemain, 8 juin, avant même que le journal local ait fait état de la mort de Madeleine Larose, deux autres cas sont enregistrés. Un homme de soixante-dix ans, Victor Marot, se pend dans sa cuisine. Il est veuf et il vit seul, ses deux enfants travaillant à l’étranger. Il est pensionné depuis quatre mois. Et le même jour, Sébastien Defrance, étudiant, vingt ans, se tire une balle dans la tête à la terrasse d’un café de la ville basse. »
Des cadavres de citoyens sans histoire s’accumulent sans que Jaubert ou Lorelle, le médecin – chef de l’hôpital, ne puissent établir aucun lien entre ceux-ci.
L’ambiance de la petite ville se transforme et, lorsque les maisons de la carrière exploitée par le maire et Jean-Marie Suc son gendre et adjoint explosent, l’énervement devient perceptible. Yves est confronté à un insondable mystère : pourquoi tous ces gens se suicident-ils ?
Lorelle envisage l’hypothèse d’une imprégnation psychologique, par télépathie, Jaubert une contrainte d’ordre social ressemblant à celle des lemmings, ou encore une épidémie d’origine inconnue .La chose est prise très au sérieux par la préfecture et lorsqu’un suicide d’une famille qui a quitté la petite ville se constate à Lyon, les autorités bouclent la bourgade de crainte d’une propagation.
Le colonel Costello est chargé avec son unité d’encercler la ville, d’y établir des barrages pour que nul ne s’échappe. Le contact avec l’extérieur est maintenu par hélicoptère. Cette vive tension, ressentie par les habitants, se traduira non seulement par une montée en flèche des suicides mais encore par une nuit d’émeute où des maisons incendiées, des jets de pierre sur les autorités, signent le désarroi de la population.
Lorelle propose une théorie sur l’évolution des divers états de l’agonie chez l’individu en la rapprochant de ce qui se passe au niveau social :
« En fait, on pourrait dire que c’est le véritable début de l’agonie, que le délabrement général qui conduit à la mort est imminent. Vous m’avez compris, n’est–ce-pas ? Vous avez saisi le parallèle que je suggère ? Notre ville vient de connaître sa période combative. Je prévois, je prophétise même qu’elle ne va pas tarder à entrer dans sa période dépressive. Et alors, mon cher commissaire, vous verrez que ce ne sera plus par dizaines que l’on dénombrera les cadavres… »
Plus de cinquante suicides se perpétuent ainsi jusqu’à ce que la morgue de l’hôpital soit encombrée. Le médecin, qui se dévoue corps et âme aux soins, bascule dans la déraison. Yves semble » immunisé « , contrairement à Lortac, dont la femme s’est suicidée, qui met à profit le désordre ambiant pour empoisonner à l’arsenic, Jaubert, son chef qu’il déteste, sans y parvenir cependant. Soudain, l’épidémie semble marquer un arrêt : avec le temps qui passe, l’on enregistre une diminution notable des cas de suicide. Le dernier en date, clôturant la série, est celui de Marie laquelle – mystérieusement – a décidé de se tuer en sortant définitivement de la vie d’Yves. Lorsqu’en novembre, l’état de siège est levé, Yves repart vers Paris, différent de ce qu’il était, aussi bien moralement que physiquement, sans avoir pu résoudre l’énigme de cette vague de mortalité.
Qu’en penser
Un roman à l’approche comportementaliste dont le cadre en huis clos augmente l’intensité de l’intrigue. La minutie des descriptions jusqu’au moindre détail crée une atmosphère d’angoisse autour de personnages qui paraissent marqués par le destin. Les relations entre eux s’établissent dans l’ambiguïté, les sentiments sont exacerbés par la violence de la pulsion suicidaire. Un ouvrage original, à la limite du genre, entre enquête policière et catastrophe sociale.
Du plaisir à lire.
L’auteur
Yvon TOUSSAINT
(1933-) Ecrivain belge, journaliste. Ancien directeur du quaotidien « le Soir » à Bruxelles. Surtout connu pour le roman à propos de son homonyme assassiné à Tahiti « la mort d’Yvon Toussaint »
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