Une petite curiosité linguistique, comme je les aime.
Les vers holorimes sont des vers entièrement homophones ; c’est-à-dire que la rime est constituée par la totalité du vers, et non pas seulement par une ou plusieurs syllabes identiques à la fin des vers comme dans la rime « classique ».
Jean GOUDEZ a commît ce petit poème d’invitation à Alphonse ALLAIS. Les vers en gras riment entièrement deux à deux, de même que les vers en maigre.
Invitation
Je t’attends samedi, car Alphonse Allais, car
A l’ombre, à Vaux, l’on gèle. Arrive. Oh ! La campagne !
Allons – bravo ! – longer la rive au lac, en pagne ;
Jette à temps, ça me dit, carafons à l’écart.
Laisse aussi sombrer tes déboires, et dépêche !
L’attrait (puis, sens !) : une omelette au lard nous rit,
Lait, saucisse, ombre, thé des poires et des pêches,
Là, très puissant, un homme l’est tôt. L’art nourrit.
Et, le verre à la main, – t’es-tu décidé ? Roule –
Elle verra, là mainte étude s’y déroule,
Ta muse étudiera les bêtes ou les gens !
Comme aux dieux devisant, Hébé (c’est ma compagne)…
Commode, yeux de vice hantés, baissés, m’accompagne…
Amusé tu diras : « L’Hébé te soûle, hé ! Jean ! »
Comme beaucoup de ces formes fondées sur des contraintes extrêmes, les poèmes composés d’holorimes tiennent en général plus de la prouesse que de la littérature.
Cependant, Louise de Vilmorin, dans son recueil L’Alphabet des aveux, parvint à la synthèse du jeu et de l’émotion poètique :
Étonnamment monotone et lasse
Est ton âme en mon automne, hélas !
…et Alphonse ALLAIS s’y colle avec humour bien sûr …
Ah ! Vois au pont du Loing, de là, vogue en mer Dante.
Hâve oiseau pondu loin de la vogue ennuyeuse (1).« La rime n’est pas très riche, mais j’aime mieux cela que de sombrer dans la trivialité. » (commentaire d’Alphonse Allais)
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