LE CHATEAU DE ST ANDRE D’OLERARGUES DANS LE GARD

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Article destiné à tous ceux qui connaissent St André d’Olérargues et qui s’intéressent à son histoire et, à tous les curieux qui aiment découvrir des coins de France inconnus.

Deux site pour en savoir plus :

Site officiel de la commune de St André d’Olérargues

Site de l’Histoire de la commune de St André d’Olérargues

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LE CHATEAU – DESCRIPTION GENERALE.

On ne connait pas la date exacte de l’édification des premières pierres du château.

Grâce à l’amabilité d’un futur acquéreur de cette bâtisse, que nous remercions vivement, nous avons pu avoir accès à la remarquable étude patrimoniale réalisée en 2004 par Claude PRIBETICH AZNAR. Architecte du Patrimoine – 30900 NIMES.
Une partie des indications mentionnées ci-après sont issues de cette étude.

Pour estimer la date des travaux il faut étudier d’une part, l’histoire de l’époque pour y déceler quelles ont pu être les motivations du propriétaire pour construire une telle bâtisse. D’autre part il faut étudier l’architecture du bâtiment qui peut apporter des indications précieuses de datation.

D’aspect massif, la construction présente la disposition d’un logis cantonné de quatre tours circulaires. L’une d’entre elles (sud/est) est de taille et de structure différente des trois autres (fig. 115). Le corps central, sensiblement carré, est partagé, dans le sens nord/sud, par un refend. Répartis sur trois niveaux, les volumes habités sont composés aujourd’hui d’un rez-de-chaussée occupé par des annexes agricoles, d’un premier étage habité en partie, jusqu’il y a une dizaine d’années, par le propriétaire et d’un second étage de combles.

Enchâssé au nord et à l’est dans un bâti datant du XIXe siècle, le château a de ce fait perdu la spécificité de son implantation d’origine, isolé au milieu de ses dépendances (cour, jardin, aires, écuries..). Sur le terrain, le pendage naturel est/ouest du terrain ne trouve pas d’écho dans la construction, le rez-de-chaussée est à peu de chose près, de niveau. Ce sont les aménagements du XIXe siècle et notamment les portes ouvertes à l’ouest qui ont nécessité l’installation d’emmarchements et d’une terrasse (disparue aujourd’hui) pour en faciliter l’accès.

Extérieurement, la propriété était scindée en deux parties par un mur important jusqu’en 2006, vestige d’un partage lié à la vente du bien en 1816. Ce cloisonnement prolongeait le refend central de la bâtisse. Un jardin (à l’ouest) et une cour d’entrée (au sud-est) étaient ainsi délimités. La cour sud-est correspond à l’entrée dans la propriété. Des annexes, résultats d’extensions liées aux besoins agricoles des précédents propriétaires, grevèrent la parcelle et en réduisirent la lisibilité. Ces annexes accolées à la bâtisse sont aujourd’hui démantelées. Un garage, appartenant à un autre propriétaire, crée une enclave dans le volume de cette cour.

LE CONTEXTE HISTORIQUE :

On peut dire que ceux qui ont survécu à la famine du 14° siècle durent faire face à la peste qui suivit et les survivants durent subir les pillages, meurtres et viols des routiers et des brigands pendant la guerre de 100 ans. Pour rappel la guerre dura cent ans mais pas les combats. Il y eut de longues périodes ou la « soldatesque » ne combattait pas, ni pour un camp, ni pour l’autre. Ces routiers livrés à eux-mêmes pillaient les villages et l’insécurité était grande.
Dans ce climat on peut aisément imaginer que le seigneur du lieu ait voulu construire un habitat fortifié pour protéger ses gens et ses serfs, voire pour stocker ses récoltes. De plus le château était pour lui un abri sécurisé pendant ses déplacements.
Donc historiquement cette période du 14° siècle a été propice à la construction d’une première bâtisse fortifiée.

QUELQUES DATES ET FAITS HISTORIQUES IMPORTANTS.

En 1260, dans la reconnaissance que fait Dame Hermessinde à son suzerain l’évêque d’Uzès, elle cite le fief de St André d’Olérargues, mais elle n’y mentionne pas la présence de château en ce lieu, comme elle le fait cependant pour d’autres villages.

Le fief appartenait en 1319 à Jean de Gardies. Ce siècle de calamités et de turbulences verra les propriétaires ou occupants se succéder. Après Jean de Gardies apparait en 1331 Jean de Malons. En 1340 c’est Robert Pons pour 2/3 du fief et Raymond de Sérignac de Pougnadoresse pour 1/3 qui font « reconnaissance » à l’évêque d’Uzès Guillaume III de Mandagout. Puis en 1349 la seigneurie est rétrocédée à nouveau à la famille de Gardies, Guillaume de Gardies devient le propriétaire des lieux. Puis c’est Raymond et Pons de Combes en 1360 coseigneurs alliés des de Gardies.
Cette période où les propriétaires ou copropriétaires du fief se succèdent semble peu propice à la construction d’une bâtisse.

Par contre, après 1349 les de Gardies et leur descendants et/ou alliés restent possesseurs de la terre jusqu’en 1454. Ceci représente près de cent ans de stabilité, qui a pu être propice à une construction fortifiée.

En 1454 le fief est vendu à Etienne de Montdragon, pour acquérir ce bien il lui faut l’accord de son suzerain le seigneur évêque d’Uzès c’est l’acte de lauzime qui est l’autorisation donnée à des particuliers et moyennant redevance, de vendre, céder, échanger ou hériter (droit de mutation) une terre. Cet acte de lauzime précisait, je cite : (traduit en français par le chanoine Roman en 1901)

« …tout le village et toutes ses dépendances, ses tènements, territoires, mandement et district, toutes les habitations et demeures, forteresse et dépendance dudit village de Saint André d’Oleyrargues, avec haute et basse justice, mère mixte impère, coercition, et tout ce que de droit il possède dans le dit village, sur les personnes et les choses et tout ce qu’il est sensé posséder …etc »

Ceci tendrait à prouver que le château ou du moins une partie, comme nous verrons plus loin, avait été construit avant son acquisition.

En 1493 terres et château furent vendus à Antoine de Bagnols seigneur de St Michel d’Euzet et Théobald d’Albert ou d’Aubert son gendre, fils de Jean Aubert baron de Montclus.
L’acte de lauzime précise, alors :

« Lauzime fait par l’évêque d’Uzès de la vente faite par Jacques de Montdragon à Antoine et Théobald de Bagnols, du village de Saint André, diocèse d’Uzès, avec haute et basse justice, censives, servitudes, laudines, treizain, herbages, devois, terres cultes et incultes, plusieurs prés, droits de ladite juridiction et ses dépendance, ses émoluments, et les honneurs et les charges connexes, lequel village et château est ainsi composé : du levant, la juridiction de Sabran et de St Marcel de Carreiret ; du couchant, la juridiction et le territoire de Verfeuil ; du vent droit, la juridiction et la terre de la Roque ; du marin, la terre et juridiction de St Marcel de Carreiret (…).

Le lecteur remarquera la désignation originale de l’époque, concernant les quatre points cardinaux.

Théobald d’Albert reste seigneur de St André d’Olérargues au moins jusqu’en 1524, soit 31 ans.

Son fils ainé, Paul, lui succède à la tête de la seigneurie, il mourut sans enfant en 1553.

Parallèlement chez leurs voisins de Lussan en 1550, Gaspard d’Audibert, seigneur de Lussan revient de la campagne d’Italie. Ayant vu l’inutilité des châteaux haut-perchés, et ayant admiré la beauté des résidences italiennes, il décide la construction d’un château près de la source d’un petit ruisseau nommé Le Fan au pied de Lussan. Ce château a une certaine ressemblance avec celui de St André qui, lui malgré tout, se veut d’un aspect plus « médiéval ».
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Figure 115-1. Photo de l’auteur. Château de Fan à Lussan.

Le frère de Paul, Edouard d’Albert de Mondragon, Seigneur de Saint André, Co Seigneur du Pin et de Cabrière, Chevalier de l’Ordre du Roi, Gouverneur d’Aigues Mortes, lui est substitué en 1563 dans le testament de leur père. Il épouse en 1564 Marguerite de Bourdicq, ils ont une fille unique Marguerite d’Albert (ou d’Aubert) qui gèrera légitimement la seigneurie à partir de 1569 suite au décès d’Edouard son père, elle a alors 4 ans.

Il est intéressant de noter ici qu’Edouard, son père, se distingua dans les combats contre les protestants. Il contribua à la levée du siège d’Alès en 1569 et ravitailla cette ville. Il fut tué en novembre 1570 d’un coup de pistolet, étant venu défendre la ville de Nîmes que les protestants avaient surprise.
Ces faits expliquent en partie pourquoi d’abord lui, puis sa famille tenaient à rénover et surtout fortifier le château pendant ces périodes troublées.

Marguerite sa fille deviendra la « Dame de Saint-André et de Sabran » citée dans les textes.
Ses parents et elle-même, quand elle fut plus âgée, réparèrent et embellirent cette demeure en vue peut-être de son éventuel mariage et sûrement en vue d’enrichir leur patrimoine. Une décoration, frappée d’un médaillon qui était sans doute, en décoration de clé de voute, au-dessus de la porte monumentale au pied de la grande tour d’escalier porte une date pouvant marquer la fin des travaux : 1587.

Un an plus tard, elle a environ 23 ans, elle épouse le 19 février 1588 à Barbentane Charles d’Audibert (fils de Gaspard d’Audibert, seigneur de Lussan, de Valcroze, de Gauerguer et de St Marcel), dont nous avons parlé précédemment, mais elle conserve la seigneurie à son mon.

Ainsi les d’Audibert de Lussan acquièrent la seigneurie de St André.

Pendant ce temps à une trentaine de kilomètres, à Laudun, sur le mur intérieur de l’étroite cour d’une maison du village, située sur le rempart même, quelqu’un a gravé une petite pierre taillée en forme de livre ouvert, sur les deux pages desquelles a été tracée l’inscription suivante, en menus caractères assez mal formés :

« Vive la foy catholique ! 1588 et le premier de juillet, M. de Montmorency vint, avec les
Huguenots, assiga (assiégea) Laudun, et faict tirer 694 volées de canon, sans le prendre, et abattit le pont de Nisson »

Charles d’Audibert rédige en 1622 un premier testament dans lequel il revendique son appartenance à l’église réformée, à qui il lègue de l’argent pour ses pauvres. Ce qui est un comble, ayant eu un beau-père qui les combattit. Se référant dans son testament « a tous ce qu’il lui a donné au contrat de leur mariage », soit « les réparations et améliorations que ledit seigneur a dit avoir faites aux biens de ladite dame », le testament ne sera pas plus explicite sur les questions qui nous intéressent.

Nous reparlerons de ces « réparations et améliorations ».

SUR LE PLAN ARCHITECTURAL

Il faut remarquer que cette construction a été beaucoup modifiée et remaniée au cours des siècles. Les ouvertures initiales obturées et les créations de nouvelles ouvertures sont nombreuses et certaines de ces dernières ont même été rebouchées.

Les matériaux :

L’ensemble de la construction est réalisé au moyen d’une maçonnerie de moellons liés avec chaux et sable, l’approvisionnement provenant de carrières locales ou d’extractions plus lointaines. De plus, lors de l’excavation du terrain en vue de la réalisation des fondations, des blocs sont réservés et utilisés dans les maçonneries. Il peut s’agir également de matériaux de récupération issus de la démolition de murs en place. La nature de ces matériaux est diverse : calcaires, grès et safre sont utilisés, les derniers en petite quantité. Une pierre brune apparaît fréquemment dans les maçonneries de la moitié orientale du château, c’est du grès rouge (ferrugineux) abondant sur la commune. Les blocs sont, en général, de petites tailles ; mieux assisés (empilés avec bonne assise) dans la partie à l’est que dans la partie à l’ouest.

Les épaisseurs de murs :

Au rez-de-chaussée, les maçonneries sont d’épaisseurs différentes (fig. 115-2). Les murs cotés est sont plus épais (entre 0.9 et 1 m) que du côté ouest (entre 0.6 et 0.7 m) :
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Figure 115-2. Dessin de Claude PRIBETICH AZNAR

Les contacts d’ancrage entre les murs :

A cette disparité d’épaisseur des murs s’ajoutent des ancrages, ou des adossements, marquant une reprise des maçonneries entre la partie est et la partie ouest.
L’examen a révélé par exemple que :
. Au rez-de-chaussée, le mur sud-est est liaisonné au mur de l’escalier après refouillement de celui-ci (A), (fig.115-3)
. Sur toute la hauteur du bâtiment, le mur ouest du couloir opère de même avec la façade sud.
. Au 2ème étage, un enduit, piégé par la construction de ce cloisonnement, en confirme la postériorité
. Le refend est/ouest s’appuie, sans liaison, contre le refend nord/sud. (fig. 115-3),
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Figure 115-3. Photos de Claude PRIBETICH AZNAR

Les origines médiévales :

Ces différentes observations entre la construction Est et la construction Ouest de la bâtisse : nature des matériaux, épaisseurs différentes des murs, manque de liaison et d’ancrage des murs Est sur les murs Ouest, présence d’anciennes ouvertures bouchées sur le refend central nord sud, tendent à démontrer la présence d’un premier élément temporel de la construction. Dans ce segment de mur de refend, les vestiges d’une petite fenêtre à feuillure éclairait une salle occupant l’emplacement de la grande salle Est du rez-de-chaussée actuel. Sur la paroi extérieure de l’escalier, une baie dont le linteau monolithe est visible dans l’escalier (fig. 115-4), ouvrait sur cette tourelle primitive.

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Figure 115-4. Photo de l’auteur

De même la présence d’un soubassement plus large, visible dans la grande salle du rez-de-chaussée à la base du mur de refend nord-sud et sur la base de la tour d’escalier, côté nord, attire l’attention. Les blocs plus gros, toujours irréguliers, sont de couleur plus sombre et l’on perçoit la trace d’un remaniement correspondant à la reconstruction de la tour de l’escalier et à la surélévation de ce refend.

L’hypothèse qu’un premier château médiéval ait existé, comme l’indique le chanoine Roman dans sa monographie sur St André d’Olérargues, pourrait trouver appui sur ces observations et devait ressembler à peu près, au dessin ci-après.
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Cependant, s’il est facile d’imaginer que ces vestiges anciens aient pu servir de fondements à la construction future, on ignore tout ce qui a été conservé. On peut facilement comprendre que les pierres de la bâtisse primordiale aient pu servir de matériaux pour les travaux futurs et les fondations d’assises à la construction.

Les grands travaux d’extension et de modifications du château

C’est donc au cours du XVIe siècle et sous l’autorité d’Edouard d’Albert, qu’après liaisonnement des nouvelles maçonneries avec celles de la tour d’escalier, on entreprend la modification et la reconstruction de la partie orientale du château. Difficile de dire dans quel état était la bâtisse d’origine. Cependant, à l’intérieur, sont exclus de cette campagne de rénovation de certains refends et le voûtement, objets d’un « embellissement » et d’une réorganisation des lieux ultérieurs.
La demeure actuelle résulte d’une première grande campagne de travaux qui lui a donné la forme d’un manoir rectangulaire, flanqué de deux tours (à l’est) et disposant d’une première tour d’escalier, à l’emplacement de celle que nous empruntons aujourd’hui. Le mur de refend, ne présente de retraits pour supporter les planchers que sur son parement oriental, ce qui confirme une intention première de limiter ainsi la reconstruction.

La transformation en château définitif :

Une deuxième tranche de travaux réalisée avant 1587 et sans doute après la mort d’Edouard, est entreprise. Les maçonneries, moins épaisses, de la moitié occidentale, correspondent à cette deuxième campagne de travaux. De même ampleur que la première, mais plus économe en maçonnerie, elle complète le dispositif architectural pour le rapprocher du modèle du château médiéval. L’escalier est alors rebâti dans la tour, qui fait également l’objet d’une reconstruction. Contraint de respecter les niveaux en place à l’est, de distribuer les nouvelles salles à l’ouest et d’ouvrir sur la cour d’entrée par une porte monumentale, son développement reflète les difficultés rencontrées par les constructeurs pour concilier les impératifs du programme. Le millésime de 1587, gravé sur le bloc trapézoïdal remployé dans la cuisine du nord/est et qu’il convient de réinstaller à l’emplacement de la clé de la porte d’entrée, doit marquer l’achèvement de cette seconde campagne de travaux.
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Deuxième phase de travaux d’agrandissement __________ Première phase de travaux
Figure 115-6. Dessin de l’auteur

Les tours d’angle :

Elles diffèrent par leur taille, leurs dispositifs militaires, leurs baies d’éclairement, leurs distributions intérieures.

– la « grosse tour » (sud/est) circulaire à l’extérieur et quadrangulaire à l’intérieur, est d’un format nettement plus important que les trois autres (Diam ext. 5,30 m) cette « grosse tour » et la tour sud/est disposent d’une travée ouverte au sud au premier étage
– la tour nord/est, d’un diamètre inférieur (Diam ext. 4,70 m) s’ouvre à l’est au premier étage
– les tours ouest, semblables, sont de taille encore inférieure (Diam ext. 4,20). La tour nord/ouest s’ouvre à l’ouest au premier étage.

La tour d’escalier :

Polygonale au sud et circulaire au nord, cette tour abrite la porte monumentale d’entrée, protégée par une bretèche sur mâchicoulis. La faible saillie de la bretèche et les dimensions réduites des mâchicoulis font de cet ouvrage un élément d’intimidation et de décor plus qu’un ouvrage militaire sérieux. Les ouvertures de tirs latérales et les fenêtres de veille complètent ce dispositif.

La façade à pans coupés de la tour est d’une irrégularité que peut expliquer la présence du soubassement d’une première tour, comme nous l’avons vu plus haut. Les assises irrégulières et les blocs parfois posés en délit (la pose en délit consiste à poser la pierre, suivant un lit vertical et non horizontal) et souvent calés par de petites pierres, estompent la qualité de cette élévation qui était rehaussée d’un portail d’entrée architecturé. Les mâchicoulis et la bretèche, rappels du château médiéval, restent d’une expression modeste.

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Figure 115-7. Photo de l’auteur

La couverture de la tour d’escalier a été réalisée après son découronnement et une surélévation des murs permettant de donner la pente nécessaire à la toiture (fig. 115-8 image 149).

Au sommet de la tour d’escalier, entre les maçonneries courantes et la surélévation, apparaît un alignement de pierres plates de faible épaisseur (image 149), caractéristique d’un nivellement d’arase pour préparer la pose d’un couronnement. La présence d’un bloc mouluré posé dans l’embrasure de la fenêtre de veille en haut de la tour, rappelle le bandeau d’étage et la pierre de corniche de la tour du château de Lussan (image 150), et pourrait constituer l’ultime témoin de ce couronnement.
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Figure 115-8. Photos de Claude PRIBETICH AZNAR

L’escalier en vis :

L’escalier est constitué de marches de pierres monolithes de 1,45 m formant noyau, il s’inscrit dans les maçonneries de la tour sans accident, preuve que les constructions sont contemporaines. Ce constat est confirmé par la superposition des premières assises des encadrements des portes donnant sur l’escalier et l’encastrement des marches.

La gorge qui ponctue l’emmarchement au droit du noyau (fig. 115-9 gauche), donne de la légèreté à l’attache et de la largeur au giron. La sous-face de la marche est délardée (fig. 115-9 droit) ce qui permet d’alléger la marche sans diminuer sa résistance.
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Figure 115-9. Photo de l’auteur

Alors que le développé de l’escalier prend en compte les deux portes d’accès aux niveaux supérieurs, au rez-de-chaussée, la première marche empiète sur le couloir. Plus loin, la sous­ face d’une marche frôle l’arc segmentaire du passage de la porte d’entrée. Ceci prouve que le constructeur a dû s’adapter à l’existant.
Après la desserte du deuxième étage, l’escalier se prolonge sur trois quarts de tour jusqu’à un palier, vraisemblablement de pierre, à partir duquel un escalier de bois ou une échelle meunière, aujourd’hui disparus, desservait le corps de garde.

Les dispositions d’un plancher supérieur desservant la bretèche, autre que celui en place, ne sont pas perceptibles. Les deux poutres, posées à plat, semblent toutefois insuffisantes pour supporter un plancher.

Porte d’entrée

La description, ci-après, de la porte est issue des travaux de Madame Claude PRIBETICH AZNAR.
Les proportions de l’ouverture, plutôt large et basse, et son couvrement par un cintre à une clé culminant à seulement 2 mètres de hauteur, en appui sur les contre-clés reposant directement sur les sommiers (cinq claveaux plus longs que hauts) attestent d’un ouvrage construit au XVI° siècle.
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Figure 115-10. Dessin de Claude PRIBETICH AZNAR

Cet ensemble repose sur des impostes présentant deux saillies érodées et comportant un ressaut vertical, correspondant à une corniche d’imposte sur pilastres adossés, composée de deux tores formant bande.
Les piédroits, eux aussi fortement altérés sont travaillés en bossage en table orné de deux demi-motifs en cuvette adossés taillés en refouillement et centrés sur un point dans le joint du bossage. Cet ornement présente deux tables par éléments de pierre, sur le retour en tableau de la baie et sur le parement de la façade sur une largeur de 60 cm environ à droite et jusqu’à l’angle de la tour à gauche, où il n’existe plus de chaine d’angle sur 3,00 mètres de hauteur. La baie est encadrée de deux pilastres adossés à bossage selon le même motif.

C’est l’indice d’une porte monumentale, dont les composants au-dessus du cintre sont posés en applique sur un léger refouillement de 10 à 20 cm, dont les dimensions lisibles seraient d’environ 2 mètres de largeur sur 3,00 mètres de hauteur minimale.

Dans le refouillement, l’appareil est surmonté d’une assise de pierres longues et d’une hauteur d’environ 20 cm, qui pourrait correspondre à une corniche d’entablement.

On peut noter la présence de deux pierres plates posées en applique et en symétrie par rapport à la porte au-dessus de l’assise de la corniche supposée et présentant un bas-relief de vases. Le motif confirme la datation de l’ensemble.

Ces pierres d’une hauteur d’au moins 60 à 80 cm indiquent que la corniche d’entablement était surmontée d’un élément imposant appartenant au décor de la porte.

Un élément encore suscite notre curiosité : l’ornement de la clé de voûte de la grande salle dite cuisine du rez-de-cour.
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Figure 115-11. Photo de Jozef V. Welie.

Cette pièce, frappée d’un médaillon et portant le millésime 1587, est d’une forme trapézoïdale, incongrue pour une clé de voûte de salle.
Transposée par le dessin comme un élément de décor en applique sur le cintre de la porte, elle vient se superposer sur sa clé, en largeur, comme en hauteur jusqu’à la corniche de l’entablement. Cependant l’inscription serait, dans cette hypothèse, gravée à l’envers et se lirait la « tête en bas ».

Curieux. Le millésime y est gravé deux fois, en dessus et en dessous des initiales. La gravure du dessus est encadrée par un motif en oriflamme (rectangle avec deux pointes).
La facture de la gravure du millésime est assez simpliste et a pu être ajoutée plus tardivement.

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Figure 115-12. Photo de l’auteur

Quant aux initiales du centre on peut lire au moins : S – M – D. Toutes les interprétations sont possibles. Peut-être le M pour Mondragon ou Marguerite.
Il y a aussi dans les angles quatre têtes sculptées, trois visages humains et une tête de chien (ou de cochon ?)
Le reste des décorations sont des motifs floraux, il n’y a pas de symboles religieux.

Les baies extérieures :

Au rez-de-chaussée, les remaniements caractérisent une occupation du château qui a évolué dans le temps vers une plus grande accessibilité de ce niveau pour une utilisation agricole du bâtiment (écurie et étable, porcherie, stockage de foin, élaboration du vin …).

Les fenêtres, croisées ou demi-croisées du premier étage, sont constituées de blocs d’une vingtaine de centimètres d’assise qui s’ancrent relativement bien dans les maçonneries sans que n’apparaissent de reprises dues à des remaniements. Ce constat est à faire par opposition à l’hétérogénéité des modénatures qu’elles présentent : croisées aux arêtes vives ou à chanfreins larges ou étroits, avec ou sans plinthe, appui individuel aux décors variés ou appui continu se retournant sur les tours. Cette diversité, reflet sans doute de la volonté du propriétaire de se distinguer, est plus sensible sur la moitié occidentale du château.

Il apparait que pour l’ensemble des travées mutilées, les témoins sont suffisants pour envisager de retrouver les dispositions d’origine.

Toutes les baies ont été volontairement réduites en taille pour échapper à l’impôt sur les fenêtres, héritage du Directoire.

Dans le premier livre de son roman Les Misérables, dont l’action se déroule au début du XIXe siècle, Victor Hugo met dans la bouche de l’évêque de Digne Mgr Myriel les paroles suivantes lors d’un sermon :

« Mes très chers frères, mes bons amis, il y a en France treize cent vingt mille maisons de paysans qui n’ont que trois ouvertures, dix-huit cent dix-sept mille qui ont deux ouvertures, la porte et une fenêtre, et enfin trois cent quarante-six mille cabanes qui n’ont qu’une ouverture, la porte. Et cela, à cause d’une chose qu’on appelle l’impôt des portes et fenêtres. Mettez-moi de pauvres familles, des vieilles femmes, des petits enfants, dans ces logis-là, et voyez les fièvres et les maladies. Hélas ! Dieu donne l’air aux hommes, la loi le leur vend.

On remarque sur la photo des façades, ci-après, la réduction des ouvertures des fenêtres du premier étage. On peut apercevoir les baies réduites et décentrées par rapport à la corniche de l’allège sur la photo de gauche ou par rapport aux orifices de tir sur la photo de droite, ainsi que la trace des anciennes baies sous le crépi.

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Figure 115-13. Photo de l’auteur

Madame Claude PRIBETICH AZNAR dans son diagnostic patrimonial du château a réalisé des dessins des baies modifiés, en voici quelques exemples.
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Les embellissements et les voûtements du rez-de-chaussée.

Plus tard, mais toujours au XVIe siècle, comme l’indiquent les modénatures (en architecture, on appelle modénature les proportions et dispositions de l’ensemble des éléments d’ornement que constituent les moulures et profils des moulures de corniche) des portes d’accès aux salles intérieures un réaménagement du rez-de-chaussée mettant en œuvre le voûtement, les couloirs de distribution et la cheminée de la grande salle donnera la touche finale à la demeure de dame Marguerite d’Albert. Peut-être s’agit-il des « embellissements » que s’attribue Charles d’Audibert, son époux, dans son testament.

Les voûtes d’arêtes du rez-de-chaussée résultent des travaux « d’embellissement », évoqués plus haut. Elles remplacent vraisemblablement un plancher bois portant d’est en ouest et ont permis de supporter un sol dallé de grands carreaux au deuxième niveau. Par précaution, les voûtes sont appuyées sur des structures en pilier désolidarisées des anciennes maçonneries. Il est à remarquer que les voûtes sont complètement désolidarisées des murs périphériques dans lesquels elles devraient s’encastrer si elles avaient été construites en même temps.

Les voûtes couvrent l’ensemble du rez-de-chaussée du corps central et les premiers niveaux des tours orientales. Irrégulières, elles sont constituées de moellons maçonnés sur un coffrage selon le profil de voûte d’arête à l’est et de berceau à l’ouest. La forme circulaire des tours a conduit à la réalisation de coupoles. Celles-ci, façonnées à partir de pierres plates rayonnantes liées au mortier sur coffrage (fig. 137), soulignent dans leurs mises en œuvre les difficultés des constructeurs à prendre en compte les impératifs du programme.

Un faisceau d’indices contribue à placer le voûtement du château dans une ou deux campagnes de travaux ayant pour objectif « l’embellissement  » des lieux :

– nous avons évoqué précédemment les appuis isolés des voûtes d’arêtes,

– dans la tour sud/est, ce sont quatre blocs posés en encorbellement et taillés en coquille qui rachètent la forme carrée à pans coupés, le profil extrêmement déprimé des coupoles soumis à la contrainte du respect des niveaux de seuil en place des étages supérieurs. C’est également une réservation dans le coffrage des voûtes de part et d’autre de la porte d’accès à la tour, pour conserver ce passage,

– à l’ouest, la distribution des locaux militerait pour une contemporanéité du cloisonnement et du voûtement.

Le système défensif du château – Les canonnières :

Description générale :

A la fin du Moyen-Âge, l’aristocratie rurale, à l’image des puissants seigneurs se fait construire des demeures sur le modèle du château. La demeure seigneuriale s’implante à l’extérieur du bourg, à une distance plus ou moins proche de celui-ci, au centre de ses dépendances agricoles et n’offre plus le secours d’une protection aux habitants du bourg. Plus encore, elle peut mobiliser ses forces armées contre ces derniers en cas de différence de confession ou de différents territoriaux. Elle ne conserve que les caractères les plus représentatifs du château médiéval : les tours et parfois les fossés.

Les canonnières apparaissent dès la fin du XIVe siècle, lorsque l’armement évolue avec la mise au point d’un boulet métallique qui vient se substituer au boulet de pierre et l’apparition des armes à poudre. Leur forme s’adaptera aux besoins nouveaux de cette artillerie pour former, à partir de 1470, « les embrasures à la française ». Jean MESQUI, dans son ouvrage « Châteaux forts et fortifications en France », Flammarion écrit : « l’orifice de tir est placé à l’intérieur du mur, il est desservi par un évasement en entonnoir : le plan de la canonnière prenait la forme d’un X. Ce dispositif avait le triple avantage de mieux protéger l’embrasure, d’éviter l’affaiblissement du mur au droit du parement et d’améliorer la capacité de visée du tireur ».
Ainsi, l’orifice circulaire, adapté à la section du canon de l’arquebuse, est placé au centre du mur, l’ébrasement interne permettant le déplacement du servant et de la crosse, l’ébrasement externe en entonnoir aplati permettant le pivotement du tube de canon et le balayage extérieur. Au XVIe siècle, sur ce principe, les modèles vont se spécialiser pour répondre aux besoins des armes en usage : épaulées ou sur un affût, à culasse ou chargement du projectile par la gueule, pour le tir en négatif ou le tir à l’horizontal.

J. Miquel, dans son ouvrage consacré à l’architecture militaire dans le Rouergue au Moyen­ Âge, établit une distinction entre « canonnière » et « bouche à feu ». Selon lui, les premières, au XVe siècle, succédant immédiatement à l’archère-canonnière, présentent un orifice de tir de gros calibre diamètre de 100 à 190 mm destiné aux armes à poudre. Les secondes caractérisent le XVIe siècle et le XVIIe siècle et disposent d’une ouverture circulaire d’un diamètre variant entre 50 et 80 mm, permettant d’engager la gueule d’une arquebuse.

A Saint-André, la diversité des modèles et leur adaptation plus tardive à l’évolution de l’armement empêche de dater ce dispositif défensif de façon précise. L’inaccessibilité de la plupart des canonnières et notamment de l’orifice de tir, prive l’étude d’éléments datant comparatifs comme les sections de ces orifices.

Quelques exemples des très nombreux modèles de canonnières rencontrées sur le château.
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Figure 115-17. Photos de l’auteur

Stratégie défensive mise en œuvre :

Il ressort, de l’analyse, que le système défensif du château n’a pas été conçu d’un jet et qu’il a évolué en réponse aux troubles et aux dangers du moment. Il correspond, en fait, aux contraintes du programme architectural qui prend en compte la réalité des évènements qui marquent la période et une certaine idée de la demeure seigneuriale de mise au XVIe siècle. Le danger, certes, venait principalement de la route menant à Saint-Marcel de Careiret, les canons ne pouvant circuler en dehors des chemins. Mais, l’artillerie, plus légère, permettait ensuite un déplacement des hommes armés qui pouvaient encercler le château et attaquer sur tous les fronts.

La puissance de feu concentrée à l’est est le signe d’une campagne de travaux menée au cours d’une période extrêmement troublée. La diminution de l’importance des combats ou la paix retrouvée a pu conduire les constructeurs à n’envisager, à l’ouest, qu’un équipement de « sécurité », plus léger et spécialisé, mais en même temps, à renforcer (pour le combat, mais plus vraisemblablement pour l’intimidation) la défense supérieure des tours orientales.
L’absence d’équipement du rez-de-chaussée de la « grosse tour » et la faiblesse de ceux de la tour nord/est suggèrent qu’une autre protection, « un mur de clôture » apportait un premier rempart contre l’ennemi. Le situer le long de la route est la première idée qu’aucun indice archéologique n’est venu étayer.

Cette analyse du système défensif du château conforte l’idée d’une construction qui s’est déroulée en au moins deux grandes campagnes de travaux, qui ont structuré la construction en ce quadrilatère flanqué de quatre tours et distribué par un escalier en demi-œuvre.
La présence d’un couronnement crènelé, de murs d’enceinte ou de fossés n’a pu être prouvée par l’enquête.

Il y a ensuite « la bretèche » implantée sur la tour centrale qui servait de défense de la porte principale. La bretèche assez courante depuis le Xe siècle est devenue un dispositif prépondérant en matière de flanquement à partir du XIIIe siècle. Elle voit son déclin en matière d’éléments défensifs au XVe siècle avec l’utilisation de la poudre à canon. Il n’est plus besoin de défendre une porte depuis le dessus, puisqu’elle peut être détruite à distance par une bombarde.
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Figure 115-17. Photos et dessin de l’auteur

Comme nous l’avoir écrit précédemment, cette bretèche reste modeste et sa fonction était plus dissuasive que vraiment défensive.

Voilà ce que l’on pouvait dire du château. Intérieurement il n’y a rien de remarquable si ce n’est l’escalier à vis et plusieurs grandes cheminées qui n’ont malgré tout rien d’exceptionnelles. Il y a aussi quelques plafonds à la « française » qui demandent à être restaurés.

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