Source : le 30/10/2017 http://nosvoisins311.wixsite.com/voisins311-france/single-post/2017/10/30/Journal-change-une-photo-g%C3%AAnante
Les faits sont en train de disparaître des médias. Le déni des japonais.
Lorsque nous nous trouvons en dehors de Fukushima ou du Japon, il est difficile d’imaginer jusqu’à quel point il est devenu difficile de parler de la radio-contamination et du risque d’exposition.
Pour illustration, nous allons faire un rapport sur le cas du remplacement d’une photo dans le Journal Mainichi Shimbun. Il semble que cela se soit produit uniquement dans l’édition japonaise. La photo originale semble avoir été conservée jusqu’à présent dans l’édition anglaise.
Le 21 octobre, le Mainichi Shimbun a publié un article sur la réouverture d’une partie de la ligne Japan Rail Est sous le titre : « JR Est rouvre partiellement la ligne arrêtée depuis le désastre nucléaire de 2011 ».
Dans cet article, le Mainichi a publié une photo d’un train quittant la gare de Tomioka et qui vient d’être réouverte au transport de voyageurs.
Nous pouvons voir ci-dessus la photo originale (utilisée également dans la 1ère édition japonaise) avec une légende : « Un train quitte la station de Tomioka, Tomioka, Département de Fukushima, après la reprise de la ligne JR Joban entre Tomioka et Tatsuta le 21 octobre 2017. (Mainichi) »
Ainsi que vous pouvez vous en rendre compte, il est clair que la photo essaie d’attirer l’attention des lecteurs sur les sacs noirs contenant les déchets issus des travaux de décontamination. En effet, la légende japonaise mentionne aussi : « Sur le premier plan, un dépôt provisoire de sacs contenant des déchets de décontamination ».
La photo ci-dessus a reçu un nombre important de plaintes et de protestations, disant généralement: « pourquoi ternir un événement joyeux avec une telle photo ? »
Le résultat est que le Mainichi a remplacé la photo originale par celle que vous voyez ci-dessous.
Un résident du département de Fukushima a commenté comme ci-dessous dans son Facebook :
« A Fukushima, des protestations privées (NdT : spécialement sur l’internet), ont forcé un programme Télé à changer le titre d’un reportage. Les mêmes personnes ont contraint le journal Mainichi de changer l’article (NdT : changer la photo). La photo originale fut soumise à la pression des personnes pro-« reconstruction/réhabilitation de Fukushima », disant de « ne pas compromettre l’événement heureux avec une telle photo) ». Cela a l’air d’indiquer la fin du journalisme.
Les deux photos représentent toutes les deux la même réalité. Même une photo n’est pas épargnée par une interférence ou par une censure.
J’ai voulu le faire savoir simplement. La fonction la plus importante du journalisme – d’établir les faits, même pénibles à admettre pour certaines personnes, et de les utiliser afin de trouver la solution aux problèmes – est en train de disparaître. Nous sommes en train de traverser une telle ère.
Ces gens (exerçant la pression) sont les mêmes que ceux qui sont fâchés et exaspérés parce que « les média font des reportages uniquement sur les évacués volontaires (NdT : personnes ayant évacué de leur propre initiative des régions situées en dehors des zones concernées par les ordres d’évacuation) et non sur les résidents du département de Fukushima ».
Le 2 août 2017, le Journal Mainichi Shimbun a signalé l’incident de la modification du titre d’un reportage télé (en japonais) auquel l’auteur ci-dessus fait référence. Le titre du documentaire qui allait être diffusé, « La réalité après 63 ans de l’accident de Bikini : l’avenir réservé de Fukushima », était devenu la cible de critiques clamant que le sous-titre suggérait que des risques sanitaires similaires étaient supposés devoir se produire dans le département de Fukushima. Cédant à la pression, la TV Asahi a décidé d’éliminer le sous-titre, « l’avenir réservé de Fukushima »
Ce qui est inquiétant ici, c’est que ces pressions de censure ne proviennent pas des autorités gouvernementales, mais des citoyens.
La majorité des gens qui vivent dans – ou à l’extérieur de Fukushima – ne croient pas en la réalité des risques sanitaires liés à la radioactivité. Ils réagissent agressivement contre tout ce qui leur rappelle les risques pour la santé. Comprenez que lorsque vous en parlez ou quand vous écrivez au sujet des risques de radiation vous devenez l’objet de brimades. Vous devez avoir un caractère bine trempé pour persister, surtout si vous avez vos propres membres de la famille à protéger contre la brimade sociale. Le fait que les autorités ne reconnaissent pas ces risques sanitaires favorise cet antagonisme.
Ce phénomène n’est pas particulier au Japon. Il ne s’explique pas par des caractéristiques culturelles. Cela se produit dans le monde entier. Nous l’avons vu se produire à Tchernobyl, aux États-Unis et en France. Les gens nient les effets des radiations ou toute comparaison avec leurs effets sur les Îles Marshall ou en Polynésie française, parce que cela rend l’endroit dévalorisé ou les gens se sentent mis en cause. Ainsi, parler des effets de la radiation devient tabou, alors qu’il existe une base factuelle. (C’est probablement pire maintenant à cause des médias sociaux — les commentaires sont extrêmement émotifs, violents et destructeurs envers les autres).
Comme nous pouvons le voir à partir des incidents ci-dessus, la réalité est, de fait, en voie de disparition dans de nombreux média. Les média et le gouvernement censurent les faits et le public s’auto-censure et les uns censurent les autres. Soyons conscients de cette situation.