POUR EXISTER L’ART CONTEMPORAIN SE VEUT ELITISTE. POURQUOI ?
D’abord parce qu’étant, pour le moins, d’une qualité variable, il a besoin, pour prospérer, d’en appeler à l’idée reçue que : « ce qui est inaccessible est nécessairement génial ». Comment vendrait-on des rectangles marron sur carrés gris, une pastèque sur un piédestal (Fiac 2009) ou un étendoir garni de vielles chaussettes (Carré d’Arts de Nîmes) et d’autres produits dont le minimalisme recouvre souvent la vacuité. On peut parler aussi quelques fois d’escroquerie de la part de l’artiste et de la bêtise de l’observateur. Et que dire du snobisme du spectateur qui, flatté d’en pressentir l’audace et le sens caché, rejette les sceptiques comme un troupeau de réactionnaires, de grincheux et d’imbéciles?
Ensuite, parce qu’il est individualiste. Et comment ne pas l’être quand on considère qu’il suffit de s’exprimer pour être un artiste? L’art contemporain est le théâtre d’une étonnante inversion, au terme de laquelle il est plus facile d’être « artiste » que spectateur. L’académicien Jean Clair parlant de l’art plastique contemporain le qualifie d’ « un idiotisme exprimant les caprices infantiles d’un individu qui croit ne rien devoir à personne ». Je suis assez d’accord avec lui.
Ce prétendu élitisme lui vient, paradoxalement, d’une démocratisation du « geste » artistique qui, se prenant au sérieux et remplaçant le talent par le seul courage de s’exprimer, dispense de tous efforts, à commencer par ceux de se rendre intelligible et créer du beau.
Quand tout le monde croit pouvoir devenir artiste, l’art ne s’adresse plus à personne.
Les spectateurs de l’art contemporain n’ont pas tort, à ce titre, de considérer qu’il n’y a pas un art contemporain, mais autant d’arts contemporains qu’il y a d’artistes. Le problème, c’est qu’à ce compte-là il n’y a plus d’art du tout. Tout le monde peut et, a le droit de faire des travaux dits « d’art plastique » c’est à la portée de tous et c’est bien. Mais de-là à se prendre pour un Artiste, il y a une marge. On peut être content de soi sans pour autant avoir créé une Œuvre d’Art. La modestie et l’esprit critique manque à l’art contemporain.
Enfin, et c’est le plus grave, il se veut trop souvent conceptuel.
Il sacrifie l’émotion au profit de la pensée. A la différence des beaux-arts classiques, l’art contemporain demande qu’on le démontre, qu’on l’explique. Une œuvre doit transmettre une émotion spontanément sans explication. Si il est nécessaire d’expliquer c’est qu’il manque le lien indispensable entre l’œuvre et celui qui la contemple.
Les œuvres d’art contemporain sont aussi, des objets de « spéculation »: si c’est au prix du marché qu’elles doivent leur valeur, c’est parce qu’elles s’adressent à une prétendue intelligence, plus qu’à la sensibilité et qu’à la beauté.
En conclusion.
Je laisserai le dernier mot à l’académicien Jean Clair qui laisse quand même briller une petite lumière dans ses pages si pessimistes. Si peinture et sculpture partent à vau-l’eau, la musique et la danse tiennent bon, dit-il : «Il existe encore une musique sacrée : de jeunes compositeurs écrivent encore des messes, des requiem, des opéras métaphysiques. La danse non plus n’a jamais peut-être été aussi belle, fascinante, aérienne (…) On devine la raison : il y a dans ces disciplines – le mot reprend son sens – un métier, une maîtrise du corps longuement apprise, une technique singulière, année après année enseignée et transmise. Or il n’y a plus ni métier ni maîtrise en arts plastiques.»
Il y a d’extraordinaires artistes «CONTEMPORAINS» et une multitude d’amateurs «COMPTANT POUR RIEN» Ne confondons pas.