IX° Siècle Ermold le Noir
(en latin Ermoldus Nigellus)
Au IX° siècle les écrits se font en latin. Le lecteur trouvera la traduction au chapitre 4 du site cité en titre, et au siècle correspondant.
A remarquer que les vers ne riment pas, mais le poète a poussé l’élégance à faire que les premières et les dernières lettres soient identiques.
Editor, aetherea splendes qui Patris in arcE
Regnator mundi, fautorque, Redemptor, et auctoR
Militibus dignis reseras qui regna poloruM
Olim conclusos culpa parientis AvernO
Luminis aeterni revehis qui Christe tribunaL
David psalmianus praesaga carminis illuD
Voce prius modulans, dudum miranda relatU
Sacra futurorum qui prompsit dogmat vateS
Confer rusticulo, quo possim Caesaris in hoC
Eximii exiguo modulanter poscito ritE
Carmine gesta loqui. Nymphas non deprecor istuC
Insani quondam ut prisci fecere peritI
Nec rogo Pierides, nec Phoebi tramite limeN
Ingrediar capturus opem, nec Apollinis almI
Talia cum facerem , quos vana peritia lusiT
Horridus et teter depressit corda VehemotH
Limina siderei potius peto luminis, ut SoL
Verus justitiae dignetur dona precatU
Dedere: namque mihi non flagito versibus hoc, quoD
Omnia gestorum percurram pectine parvO
In quibus et magni possunt cessare magistrI
Caesaream flectant aciem, sed cantibus huc huC
Incipiam celebrare. Fave modo, Christe, precantI
Carmina, me exsilio pro quis nunc principis ab hoC
Auxilium miserando levet, qui celsus in aulA
Erigit abjectos, parcit peccantibus, atquE
Spargit in immensum clari vice lumina soliS
Alta regis Christi princeps qui maxime sceptrA
Rex Ludovice pie, et pietatis munere CaesaR
Insignis merit, praeclarus dogmate ChristI
Suscipe gratanter, profert quae dona NigelluS
Ausubus acta tamen qui tangere carmine vestrA
Regis ob aeterni vestro qui pectore sempeR
Mansit amor. Caesar famulum relevato cadenteM
Altitonans Christus vos quo sublimet in aethrA.
X° Siècle.
Voici un poème de Saint Abbon de Fleury, moine bénédictin.
Les écrits sont toujours en latin. Le lecteur trouvera la traduction au chapitre 4 du site cité en titre, et au siècle correspondant.
O pedagoge sacer meritis
Aymoine piis radians
Digneque sidereo decore:
Perrogitat matites liniens
Ore pedes digitosque tuos,
Cernuus Abbo tuus jugiter
Sume botros, tibi quos tua fert
Vitis adhuc virides; rubeant
Imbre tuo radiisque tuis,
Continuo seris atque fodis
Tu, celebrande, putas et eam
Nuncque cupis, niteat pluviis
Alterius, jubare alterius?
Dulce cui tribuas rogo mel.
Nam tibi palmes et uva manet.
Floruit has mihi Parisius
Nobilis urbs, veneranda nimis,
Bella precans sua ferre tibi.
Agnita cujus ut orbe vago
Sepiat ethera palma volans,
Doxaque regnet ubique micans,
Ore tuo gradiente super.
XI° siècle.
Et voici un extrait de La Chanson de Roland vers 1090
Non en occitan mais en langue d’oïl.
La Chanson de Roland, poème épique de 4002 vers décasyllabiques assonancés (10 pieds et rimes de même son). Ce poème est considéré comme le premier de son genre et comme le chef-d’œuvre des chansons de geste. Il appartient au Cycle du Roi (c.-à-d. de Charlemagne). L’auteur présumé, Turold (en latin Turoldus), est inconnu. Le poème se trouve dans le manuscrit 23 du fonds Digby de la Bibliothèque Bodléienne à Oxford.
Il est l’œuvre d’un scribe anglo-normand et reproduit le français qui se parlait en Angleterre vers 1170.
Carles li reis nostre emperere magnes
Set anz tuz pleins ad estet en Espaigne.
Tresqu’en la mer cunquist la tere altaigne.
N’i ad castel, ki devant lui remaigne,
Mur ne citet n’i est remes a fraindre,
Fors Sarraguce, ki est en une muntaigne,
Li reis Marsilie la tient, ki Deu nen aimet,
Mahumet sert, e Apollin recleimet,
Nes poet guarder que mals ne l’i ateignet.
Li reis Marsilie esteit en Sarraguce,
Alez en est en un verger suz l’umbre,
Sur un perrun de marbre bloi se culched,
Envirun lui plus de vint milie humes.
Il en apelet e ses dux e ses cuntes:
Oez seignurs, quel pecchet nus encumbret,
Li empereres Carles de France dulce
En cest pais nos est venuz cunfundre.
Jo nen ai ost, qui bataille li dunne,
Ne n’ai tel gent ki la sue derumpet.
Cunseilez mei cume mi saive hume,
Si me guarisez e de mort et de hunte.
N’i ad paien, ki un sul mot respundet,
Fors Blancandrins de Castel de Valfunde.
Et que disait-on en languedocien au XII° Siècle ?
Texte d’un auteur inconnu racontant la vie du seigneur de Saint Antonin, vicomte,qui aimait une gentille dame, femme du seigneur de Penne d’Albigeois.
Lo vescoms de Sant Antoni si fo del evescat de Caortz, senhor de Sant Antonin e vescoms, et amava una gentil domna, moiller del senhor de Pena d’Albiges, d’un castel ric e for. La domna gentilz e bela et vatens, e mot prezada, e mot honrada, etel mot valens e enseignatz, e bon trobaire. Et avia nom Ramon Jordan ; la domna era apellada la Vescomtessa de Pena. L’amors dels dos si fo ses tota mesura, taut se volgren de ben l’us à l’autre.
XIII° siècle. Un poème du poète Rutebeuf (en ancien français Rustebuef),
A écouter pour le plaisir sur YOU TUBE (copier/coller le lien)
Chanté par Léo Ferré : http://www.youtube.com/watch?v=27PU0qYEMpU »
Chanté par Joan Baez : http://www.youtube.com/watch?v=Tte6cqTzz9U
La complainte Rutebeuf (extrait)
Li mal ne sevent seul venir;
Tout ce m’estoit a avenir,
S’est avenu.
Que sont mi ami devenu
Que j’avoie si pres tenu
Et tant amé ?
Je cuit qu’il sont trop cler semé;
Il ne furent pas bien femé,
Si ont failli.
Itel ami m’ont mal bailli,
C’onques, tant com Diex m’assailli
En maint costé,
N’en vi un seul en mon osté.
Je cuit li vens les a osté,
L’amor est morte.
Ce sont ami que vens enporte,
Et il ventoit devant ma porte
Ses enporta.
C’onques nus ne m’en conforta
Ne du sien riens ne m’aporta.
Ice m’aprent
Qui auques a, privé le prent;
Més cil trop a tart se repent
Qui trop a mis
De son avoir pour fere amis,
Qu’il nes trueve entiers ne demis
A lui secorre.
Or lerai donc fortune corre
Si entendrai a moi rescorre
Si jel puis fere.
XIV/XV° siècle. Je ne résiste pas au plaisir de citer l’excellent François VILLON
L’explication détaillée du texte est sur le site.
Et pourquoi pas écouter le non moins excellent BRASSENS : https://www.youtube.com/watch?v=8vfnhMJii7o
Ballade des Dames du temps jadis
Dites-moi où, n’en quel pays,
Est Flora la belle Romaine,
Archipiades, ne Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine,
Echo, parlant quant bruit on mène
Dessus rivière ou sus estan,
Qui beauté eut trop plus qu’humaine ?
Mais où sont les neiges d’antan ?
Où est la très sage Héloïs,
Pour qui fut chastré et puis moine
Pierre Esbaillart à Saint-Denis ?
Pour son amour eut cette essoine.
Semblablement, où est la roine
Qui commanda que Buridan
Fût jeté en un sac en Seine ?
Mais où sont les neiges d’antan ?
La roine Blanche comme un lis
Qui chantait à voix de sirène,
Berthe au grand pied, Bietrix, Aliz,
Haramburgis qui tint le Maine,
Et Jeanne, la bonne Lorraine
Qu’Anglais brûlèrent à Rouen ;
Où sont-ils, où, Vierge souvraine ?
Mais où sont les neiges d’antan ?
Prince, n’enquerrez de semaine
Où elles sont, ne de cet an,
Que ce refrain ne vous remaine :
Mais où sont les neiges d’antan ?
XVI° Deux poésies : Jean BOUCHET et Clément MAROT
…de Jean BOUCHET
Quand nous aurons bon temps
Quand justiciers par équité
Sans faveur procès jugeront,
Quand en pure réalité
Les avocats conseilleront,
Quand procureurs ne mentiront,
Et chacun sa foi tiendra,
Quand pauvres gens ne plaideront,
Alors le bon temps reviendra.
Quand prêtres sans iniquité
En l’Église Dieu serviront,
Quand en spiritualité,
Simonie plus ne feront,
Quand bénéfices ils n’auront,
Quand plus ne se déguiseront,
Alors le bon temps reviendra.
Quand ceux qui ont autorité
Leurs sujets plus ne pilleront,
Quand nobles, sans crudélité
Et sans guerre, en paix viveront,
Quand les marchands ne tromperont
Et que le juste on soutiendra,
Quand larrons au gibet iront,
Alors le bon temps reviendra.
Refrain
Prince, quand les gens s’aimeront
(Je ne sais quand il adviendra)
Et que offenser Dieu douteront,
Alors le bon temps reviendra.
Clément MAROT
A une Damoyselle malade
Ma Mignonne
Je vous donne
Le bon jour.
Le sejour
C’est prison :
Guerison
Recouvrez,
Puis ouvrez
Vostre porte,
Et qu’on sorte
Vistement :
Car Clement
Le vous mande.
Va friande
De ta bouche,
Qui se couche
En danger
Pour manger
Confitures :
Si tu dures
Trop malade,
Couleur fade
Tu prendras,
Et perdras
L’embonpoint.
Dieu te doint
Santé bonne
Ma Mignonne.
XVII° Siècle. Deux poésies : Jean AUVRAY (sans pitié) et Isaac de BENSERADE (coquin)
… Jean AUVRAY
À une laide amoureuse de l’auteur
Un œil de chat-huant, des cheveux serpentins,
Une trogne rustique à prendre des copies,
Un nez qui au mois d’août distille les roupies,
Un ris sardonien à charmer les lutins,
Une bouche en triangle, où comme à ces mâtins
Hors œuvre on voit pousser de longues dents pourries,
Une lèvre chancreuse à baiser les furies,
Un front plâtré de fard, un boisseau de tétins,
Sont tes rares beautés, exécrable Thessale.
Et tu veux que je t’aime, et la flamme loyale
De ma belle maîtresse en ton sein étouffer ?
Non, non, dans le bordeau va jouer de ton reste ;
Tes venimeux baisers me donneraient la peste,
Et croirais embrasser une rage d’Enfer.
Isaac de BENSERADE
Madame, je vous donne un oiseau pour étrenne
Madame, je vous donne un oiseau pour étrenne
Duquel on ne saurait estimer la valeur ;
S’il vous vient quelque ennui, maladie ou douleur,
Il vous rendra soudain à votre aise et bien saine.
Il n’est mal d’estomac, colique ni migraine
Qu’il ne puisse guérir, mais surtout il a l’heur
Que contre l’accident de la pâle couleur
Il porte avecque soi la drogue souveraine.
Une dame le vit dans ma main, l’autre jour
Qui me dit que c’était un perroquet d’amour,
Et dès lors m’en offrit bon nombre de monnoie
Des autres perroquets il diffère pourtant :
Car eux fuient la cage, et lui, il l’aime tant
Qu’il n’y est jamais mis qu’il n’en pleure de joie.
XVIII° Siècle. Encore un coquin l’abbé de Latteignant
Le mot et la chose
Madame, quel est votre mot
Et sur le mot et sur la chose ?
On vous a dit souvent le mot,
On vous a souvent fait la chose.
Ainsi de la chose et du mot
Pouvez-vous dire quelque chose,
Et je gagerai que le mot
Vous plaît beaucoup moins que la chose !
Pour moi, voici quel est mon mot
Et sur le mot et sur la chose :
J’avouerai que j’aime le mot,
J’avouerai que j’aime la chose :
Mais, c’est la chose avec le mot
Et c’est le mot avec la chose ;
Autrement, la chose et le mot
A mes yeux seraient peu de chose.
Je crois même, en faveur du mot,
Pouvoir ajouter quelque chose,
Une chose qui donne au mot
Tout l’avantage sur la chose :
C’est qu’on peut dire encore le mot
Alors qu’on ne peut plus la chose…
Et, si peu que vaille le mot,
Enfin, c’est toujours quelque chose!..
De là, je conclus que le mot
Doit être mis avant la chose,
Que l’on doit n’ajouter un mot
Qu’autant que l’on peut quelque chose
Et que, pour le temps où le mot
Viendra seul, hélas, sans la chose,
Il faut se réserver le mot
Pour se consoler de la chose!
Pour vous, je crois qu’avec le mot
Vous voyez toujours autre chose :
Vous dites si gaiement le mot,
Vous méritez si bien la chose,
Que, pour vous la chose et le mot
Doivent être la même chose ;
Et, vous n’avez pas dit le mot,
Qu’on est déjà prêt à la chose.
Mais, quand je vous dis que le mot
Vaut pour moi bien plus que la chose
Vous devez me croire, à ce mot,
Bien peu connaisseur en la chose
Eh bien, voici mon dernier mot
Et sur le mot et sur la chose :
Madame, passez-moi le mot …
Et je vous passerai la chose !
Comment parlait-on au XIX° Siècle. GEORGE SAND & ALFRED DE MUSSET
Échange de textes des deux auteurs.
De George Sand à Alfred de Musset… à lire … puis à relire une ligne sur deux…
Cher ami,
Je suis toute émue de vous dire que j’ai
bien compris l’autre jour que vous aviez
toujours une envie folle de me faire
danser. Je garde le souvenir de votre
baiser et je voudrais bien que ce soit
une preuve que je puisse être aimée
par vous. Je suis prête à montrer mon
affection toute désintéressée et sans cal-
cul, et si vous voulez me voir ainsi
vous dévoiler, sans artifice, mon âme
toute nue, daignez me faire visite,
nous causerons et en amis franchement
je vous prouverai que je suis la femme
sincère, capable de vous offrir l’affection
la plus profonde, comme la plus étroite
amitié, en un mot : la meilleure épouse
dont vous puissiez rêver. Puisque votre
âme est libre, pensez que l’abandon où je
vis est bien long, bien dur et souvent bien
insupportable. Mon chagrin est trop
gros. Accourez bien vite et venez me le
faire oublier. À vous je veux me sou-
mettre entièrement.
Votre poupée
D’Alfred de Musset à George Sand « …et en alexandrins, s’il vous plait ! » Seuls les premiers mots comptent.
Quand je mets à vos pieds un éternel hommage,
Voulez-vous qu’un instant je change de visage ?
Vous avez capturé les sentiments d’un cœur
Que pour vous adorer forma le créateur.
Je vous chéris, amour, et ma plume en délire
Couche sur le papier ce que je n’ose dire.
Avec soin de mes vers lisez les premiers mots,
Vous saurez quel remède apporter à mes maux.
De George Sand à Alfred de Musset
Cette insigne faveur que votre cœur réclame
Nuit à ma renommée et répugne à mon âme.